Par Adnan Abu Amer
Outre les raisons qui ont poussé l’armée israélienne à mener son opération militaire à Jénine, baptisée « Opération maison et jardin », le fait que les forces d’occupation se sontt retirées du camp sans avoir atteint les objectifs qu’elles s’étaient fixés soulève de nombreuses questions quant aux véritables résultats de ce cycle de confrontation.
L’armée d’occupation avait annoncé son intention d’éliminer les groupes de résistance, de « nettoyer » le camp, d’y rétablir son contrôle et d’y imposer la présence de l’Autorité palestinienne.
Cependant, aucun de ces objectifs n’a été atteint, selon Israël lui-même. Les évaluations israéliennes notent que pour atteindre ces objectifs, il faudrait envahir le camp dans sa profondeur, ce qui coûterait cher en pertes humaines pour les Israéliens, ce que l’armée a cherché à éviter en ciblant les résistants à distance, en utilisant des drones et en ne s’engageant pas dans un face-à-face avec les combattants.
Les résistants palestiniens se sont battus avec acharnement contre l’armée, contre ses différentes unités d’infanterie, de surveillance et d’élite. Cette confrontation a montré que la résistance possédait de fortes capacités de combat sur le terrain.
Bien qu’elle ne se soit pas aventurée trop profondément dans le camp, l’armée d’occupation a perdu un de ses soldats à quelques centaines de mètres seulement.
Il était clair dès le départ que l’armée d’occupation n’allait pas prendre le risque de jeter ses soldats dans le « nid de frelons », mais elle a suivi la politique de la terre brûlée et a déplacé de force des milliers de résidents du camp.
L’armée a interrompu sa dernière agression contre Jénine – bien que temporairement – sans atteindre les objectifs qu’elle s’était fixés, et ce pour de nombreuses raisons.
Elle craignait d’être confrontée à des surprises préparées par la résistance et s’inquiétait de voir ses soldats pénétrer dans un monde inconnu, celui des capacités, des réalités et des tactiques des groupes de résistance, dont ils ne savent rien.
Les pires cauchemars d’Israël sont des scènes de chars détruits, de véhicules en flammes, de cadavres israéliens mutilés et de soldats morts ou capturés.
Une autre raison est que le Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui a décidé l’agression, semble hésitant, car il sait que rien ne nuirait plus à son image que des dépouilles de soldats transportés hors de Jénine dans des cercueils.
Une autre raison est que l’armée ne connaît plus la nature de Jénine de l’intérieur, car elle s’attend à ce que la résistance y maîtrise la guérilla et les techniques de dissimulation et de camouflage.
Dès le début des l’agression contre Jénine, il était clair que la résistance avait formé de nombreuses unités de combat dont les tâches consistaient principalement à garder les zones menacées. Elles étaient stationnées pour le contrôle et la surveillance, et la plupart de leur travail s’effectuait la nuit et sur les lignes de contact avec l’occupation, ainsi qu’à l’entrée des camps.
Les membres de ces unités attendent leur tour pour effectuer des missions de combat lorsque l’occasion se présente. Les unités semblent être armées de manière similaire : chaque unité est équipée d’explosifs, dont certains sont fixées au sol prêtes à exploser, tandis que d’autres sont déplacées en fonction des besoins.
Les membres de chaque groupe portent des armes différentes.
Les combattants étaient mobilisés 24 heures sur 24 et se relayaient pour chaque groupe, ce qui représentait un travail organisé et difficile.
La tâche principale qui leur était confiée était l’alerte rapide et la réaction à toute décision d’invasion, et dans le cas où la nouvelle de la mobilisation des troupes israéliennes arrivait, elle était communiquée et diffusée à tous les groupes.
D’autres groupes sont également alertés, même si ce n’est pas leur tour d’agir.
L’armée israélienne n’a pas caché que ses forces étaient confrontées à une résistance acharnée de la part des combattants de Jénine.
Les résistants se sont retranchés dans des endroits prédéterminés à la périphérie du camp, pour surprendre l’armée d’occupation israélienne, infligeant des pertes à ses troupes, dans une guerre d’usure difficilement supportable pour les Israéliens.
Cela a incité les responsables politiques et militaires à mettre fin à l’opération avant qu’il ne soit trop tard.
Après 48 heures d’agression sur Jénine, les officiers et les soldats israéliens ont tous estimé que la résistance constituait des groupes forts et organisés, composés de formations militaires qui ne peuvent être sous-estimées.
Ils ont noté une évolution soudaine et imprévue des performances de ses combattants, qui ont mené des affrontements précis et délibérés avec l’armée et non des engagements suicidaires.
Les combattants palestiniens ont fait preuve d’une grande capacité de résistance, de défi et d’audace, comme s’ils avaient reçu un entraînement avancé.
Avec la fin de l’agression sur Jénine – bien que temporaire – la presse israélienne a commencé à accuser les dirigeants de l’armée et le gouvernement de dissimuler ce qui s’est réellement passé dans le camp.
Selon certaines fuites, les soldats n’auraient pas supporté la résistance à laquelle ils étaient confrontés. Pendant ce temps, la résistance continuait à publier les récits de ses combattants qui étaient en contact direct avec les soldats, et leurs témoignages sur ce qu’ils avaient vu tout au long des combats sur les lignes de front, face à un occupant lourdement armé.
L’armée d’occupation a géré son agression contre Jénine de manière à réduire les pertes dans ses rangs, car les craintes de ses soldats étaient démultipliées. La principale obsession des soldats était d’être soumis à des opérations de snipers, à des engins explosifs et à des maisons piégées, leur plus grande crainte étant d’être capturés.
D’autre part, la résistance a adopté de nouvelles tactiques basées sur des étapes soigneusement étudiées et non sur des réactions hâtives.
Cela lui a donné une plus grande marge de manœuvre et une meilleure opportunité de protéger ses hommes, ce qui lui a permis d’activer ses moyens militaires de manière efficace et efficiente.
En suivant l’évolution sur le terrain, elle a réussi à maintenir ses capacités et à cadencer sa participation de manière efficace, sans donner aux avions israéliens, déployés massivement dans le ciel de Jénine, l’occasion de nuire à ses combattants.
Par conséquent, l’avancée terrestre israélienne vers le camp s’est avérée très lente. Les véhicules militaires avançaient de quelques mètres toutes les heures, craignant les engins explosifs posés par les résistants.
L’armée d’occupation pensait que les combattants de Jénine s’inspiraient des idées des habitants de Gaza qui avaient coutume d’affronter les soldats israéliens face à face et suivaient une tactique bien rodée pour faire face aux incursions.
Leur tactique consistait à imaginer des méthodes de contre-incursion dans le but de tendre des embuscades à l’occupant. Pour ce faire, ils pratiquaient des ouvertures dans les maisons, s’y déplaçaient et préparaient des embuscades pour l’armée afin de la surprendre.
Auteur : Adnan Abu Amer
* Adnan Abu Amer dirige le département des sciences politiques et des médias de l'université Umma Open Education à Gaza, où il donne des cours sur l'histoire de la Cause palestinienne, la sécurité nationale et lsraël.Il est titulaire d'un doctorat en histoire politique de l'université de Damas et a publié plusieurs ouvrages sur l'histoire contemporaine de la Cause palestinienne et du conflit israélo-arabe. Il travaille également comme chercheur et traducteur pour des centres de recherche arabes et occidentaux et écrit régulièrement pour des journaux et magazines arabes. Son compte Facebook.
11 juillet 2023 – Middle East Monitor – Traduction : Chronique de Palestine