En début de semaine, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a affirmé que l’indépendance de son pays ne serait jamais complète tant que la Palestine serait sous occupation. Paraphrasant le défunt combattant pour la liberté et président sud-africain Nelson Mandela, il a aussi souligné que telle avait toujours été la position de ses prédécesseurs.
« La force de la Palestine ne peut résulter que de son unité », a-t-il déclaré à CNN China. « Les Palestiniens le savent très bien. Il a ajouté que certains États arabes, ainsi que la Chine, s’efforcent de faire accepter la Palestine en tant qu’État membre à part entière des Nations unies, « même si elle est toujours occupée ».
En fait, la plupart des personnes éprises de liberté dans le monde semblent soutenir les Palestiniens et souhaitent voir l’occupation israélienne prendre fin dès que possible.
Seules les élites corrompues qui dirigent les États corrompus ou les soi-disant démocraties, y compris les États-Unis et les pays occidentaux, traitent l’occupant israélien comme un État membre à part entière de l’ONU, même si elle n’a jamais rempli l’une des principales conditions de son adhésion, à savoir permettre aux Palestiniens d’exercer leur droit légitime de retourner sur leurs terres.
Les peuples arabes aiment la Palestine et souhaitent que toutes les agressions israéliennes contre les Palestiniens cessent et que l’occupation prenne fin. Cependant, trop de dirigeants arabes – des dictateurs brutaux pour la plupart – se trouvent du côté opposé à celui de leur peuple.
Lire également : La Palestine reste la plaie ouverte du monde arabe par Imad K Harb
Cela est apparu très clairement ces dernières années, lorsque certains dirigeants arabes ont normalisé les liens avec Israël, ce que leur peuple rejette.
En raison de la répression brutale dans les pays arabes, les peuples n’ont pas pu exprimer librement leur opposition à la normalisation, mais le monde a eu un aperçu de leurs véritables sentiments lorsque des Israéliens se sont rendus au Qatar pour la Coupe du monde de la FIFA 2022. Il leur a été clairement signifié qu’ils n’étaient pas les bienvenus.
Alors, si les dirigeants arabes s’intéressent davantage à Israël qu’à la Palestine et aux Palestiniens, pourquoi de temps à autre prétendent-ils soutenir la cause palestinienne ?
La Palestine a joué un rôle extrêmement important dans l’histoire de l’islam et revêt une grande importance pour les musulmans. C’est là que se trouve la mosquée Al-Aqsa, le troisième site le plus sacré pour tous les musulmans de la planète, et la majorité des Arabes sont de religion musulmane. La Palestine et son peuple sont dans leur cœur.
Les dirigeants arabes reconnaissent ce lien spirituel et historique entre leur peuple et Al-Aqsa et ne peuvent donc pas facilement l’ignorer.
Ils exploitent ce lien lorsqu’ils veulent entretenir des relations ou des communications immorales avec les autorités d’occupation israéliennes, ou lorsqu’ils veulent supprimer les libertés de leur peuple.
Lorsqu’ils veulent renforcer leur autoritarisme, ils mettent en avant la question de la Palestine dans leur programme. Ils utilisent un langage émotionnel dans leurs discours et peuvent inviter les dirigeants palestiniens à se montrer pour une photo de groupe, ou accueillir des patients palestiniens ou des personnes blessées par des soldats ou des colons israéliens.
De cette manière, les dirigeants arabes s’attirent la sympathie de leur peuple, qui oublierait ainsi ses propres problèmes, comme ce fut le cas pour le défunt président égyptien Gamal Abdel Nasser.
Il a été vaincu par Israël en 1967, mais est devenu par la suite la figure de proue du projet panarabe, en partie grâce à son soutien présumé à la Palestine et au programme national arabe, qui comprenait le boycott d’Israël et la libération de la Palestine.
Malgré les arrestations massives et l’exécution par Nasser des Égyptiens qui se sont battus contre les Israéliens en 1948, les Palestiniens l’ont pleuré à sa mort comme un héros de la Palestine et de son peuple, et l’ont qualifié de leader national.
Il en a été de même pour de nombreux autres dirigeants arabes, qui ne se sont pourtant pas du tout intéressés à l’aide aux Palestiniens.
Le président algérien Tebboune a accueilli les organisations palestiniennes pour un dialogue national en octobre de l’année dernière. Que s’est-il passé ensuite ? Rien.
Il les a réunis et ils se sont montrés pour l’inévitable photo, et c’est tout.
Les Algériens l’ont applaudi et les dirigeants palestiniens ont bien dîné et bien dormi. Le peuple de la Palestine occupée, quant à lui, continue de vivre des moments exceptionnellement difficiles sous la brutale occupation militaire d’Israël.
Le régime algérien est une extension du régime du défunt dictateur Abdulaziz Bouteflika. Lorsque M. Tebboune a déclaré à CNN China que l’indépendance de l’Algérie n’était pas totale, il avait raison. C’est la réalité du peuple algérien, qui ne jouit pas de la liberté et de l’indépendance.
Mais Tebboune n’a rien fait pour la Palestine, si ce n’est condamner l’agression israélienne ou exprimer son soutien aux Palestiniens avec des mots creux.
Lire également : Le printemps Arabe a échoué, mais la rage contre la misère et l’injustice est toujours là par Patrick Cockburn
La semaine prochaine, Le Caire accueillera une réunion des organisations palestiniennes pour discuter des dernières violations et attaques israéliennes ainsi que des défis auxquels est confronté le peuple de la Palestine sous occupation.
L’Égypte accueille cette réunion qui cherchera des mécanismes pour prétenduemnt aider les Palestiniens, alors qu’en en même temps, elle continuera à aider Israël à imposer un siège aux Palestiniens de la bande de Gaza.
Les commerçants palestiniens de Gaza qui importent des marchandises d’Égypte affirment que les Égyptiens ne leur vendent aucun des produits interdits par Israël.
Nous pouvons toutefois être sûrs que la réunion des factions qui se tiendra la semaine prochaine au Caire – au beau milieu d’une escalade de l’agression israélienne contre les Palestiniens – fera l’objet d’une grande publicité en Égypte, donnant au président Abdel Fattah Al-Sisi l’occasion de montrer aux Égyptiens qu’il est un partisan de la Palestine et de son peuple.
En réalité, les dirigeants arabes ont réprimé la résistance palestinienne légitime contre l’occupation israélienne depuis l’époque du mandat britannique, qui s’est achevé en 1948 avec la création de l’État d’apartheid. Leur fonction était de préparer la création d’Israël et leur rôle a toujours été de faciliter sa croissance et de le protéger des Palestiniens.
Pour s’en convaincre, il suffit d’observer l’adoption à l’unanimité par la Ligue arabe de l’initiative de paix saoudienne en 2002, qui parachève littéralement l’occupation de la Palestine.
Dans le même temps, il suffit d’observer les déclarations soit-disant nationalistes des dirigeants arabes alors même que les troupes et les colons israéliens tuent et blessent des Palestiniens et que l’État sioniste vole toujours plus de terres palestiniennes tandis que les liens avec le monde arabe sont de plus en plus étroits.
Les dirigeants arabes utilisent la Palestine sans vergogne pour accroître leur propre popularité, mais ne font rien pour aider son peuple.
Auteur : Motasem A Dalloul
* Motasem A Dalloul est le correspondant de Middle East Monitor dans la Bande de Gaza.Son compte Twitter.
26 juillet 2023 – Middle East Monitor – Traduction : Chronique de Palestine