Par Ahmad Melhem
Le Premier ministre israélien a exigé la fin des aides financières aux Palestiniens détenus dans les prisonniers israéliens et à leurs familles, mais jusqu’à maintenant, l’Autorité palestinienne a refusé de se plier aux injonctions.
RAMALLAH, Cisjordanie — En réaction à la grève de la faim illimitée que des prisonniers palestiniens dans les prisons israéliennes poursuivent depuis le 17 avril, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a appelé le 22 avril l’Autorité palestinienne à prouver son engagement envers le processus de paix en mettant fin aux allocations financières versées aux prisonniers palestiniens et à leur famille.
Les demandes de Netanyahou vont dans le même sens que la démarche du ministre israélien de la Défense Avigdor Liberman, qui a déclaré le 16 mars que le Fonds national palestinien (FNP) de l’Organisation de libération de la Palestine était une «organisation terroriste» en raison de son « soutien (du FNP) à des éléments responsables d’actes terroristes contre Israël ». Liberman a également condamné la mise à disposition de fonds pour les prisonniers palestiniens qui ont tué des Israéliens. Le 16 mars, l’AP a rejeté la déclaration, évoquant une violation des accords d’Oslo signé entre l’OLP et Israël le 13 septembre 1993.
Le FNP reçoit un budget annuel de 250 millions de dollars du gouvernement palestinien pour mener à bien les tâches relevant de la mission de l’OLP. Le FNP est également responsable de verser des allocations aux prisonniers et à leurs familles dans le cadre de la mission du FNP consistant à « protéger et [à] prendre soin des détenus et de leur famille et [à] soutenir la réhabilitation des prisonniers libérés », qui est comprise dans le budget général du gouvernement.
Plusieurs responsables de l’AP ont confirmé à Al-Monitor que l’AP demeurerait engagée à verser ces fonds au mépris d’Israël.
« Les déclarations de Netanyahou sont complètement rejetées par l’AP », a affirmé Issa Qaraqe, président de la Commission chargée des Affaires des prisonniers (anciennement le ministère des Affaires des prisonniers). « Le président [Mahmoud] Abbas a souligné dans plusieurs discours et rencontres que le soutien aux familles des prisonniers et des martyrs constitue un devoir national, humanitaire et social qui doit toujours être rempli indépendamment des pressions israéliennes et internationales. »
Selon Qaraqe, les déclarations de Netanyahou visent à mettre sous pression et à rançonner politiquement les prisonniers et l’AP. Il a déclaré que pour que l’AP, mettre fin à ces paiements reviendrait à criminaliser la lutte palestinienne contre Israël, ce qui est tout simplement inacceptable.
Les détenus dans les prisons israéliennes reçoivent un financement mensuel du FNP, qui varie en fonction de la période de détention de chaque prisonnier. Une partie de l’argent est directement transférée aux prisonniers afin qu’ils puissent acheter de la nourriture et des vêtements à l’intérieur de la prison, tandis que le reste est envoyé sous forme de versement de sécurité sociale à la famille du prisonnier.
Les Palestiniens sont conscients que les propos de Netanyahou sont principalement politiques et visent à attirer l’attention du président américain Donald Trump et à œuvrer contre l’AP avant sa rencontre avec Abbas à la Maison Blanche, le 3 mai.
« Au milieu de pourparlers au sujet d’un processus politique potentiel soutenu par les États-Unis, Israël essaie d’entacher de ‘terrorism’e la lutte du peuple palestinien à travers la déclaration de Lieberman liée au FNP et l’appel lancé par Netanyahou pour interrompre le versement de fonds aux familles [des prisonniers] » a déclaré à Al-Monitor Wasel Abu Yousef, membre du comité exécutif de l’OLP.
« Les aides versées aux prisonniers et aux martyrs ne doivent pas être ébranlés, car ce sont des gens qui se battent pour la liberté et qui ont passé leur vie dans les cellules de prison de l’occupation », a affirmé Abu Yousef.
« La déclaration de Netanyahou est une tentative visant à rebattre les cartes et à contrecarrer les efforts déployés dans le but de lancer un processus politique, en ajoutant cette condition aux conditions précédentes qui avaient été fixées pour la reprise du processus de paix, a-t-il ajouté. Celles-ci comprennent notamment le refus de mettre un terme aux activités de colonisation en Cisjordanie, l’insistance sur la reconnaissance d’Israël en tant qu’État juif par les Palestiniens et le refus de libérer le quatrième groupe de prisonniers. »
La députée Khalida Jarrar, responsable de la Commission chargée des Affaires des prisonniers au Conseil législatif palestinien, a partagé cet avis, affirmant à Al-Monitor que la rhétorique escalade d’Israël envers les prisonniers était une tentative de Netanyahou visant à « utiliser cela comme une condition israélienne qui doit être respectée avant la reprise du processus de paix. C’est un moyen de contester les conditions palestiniennes qui ont été fixées pour le lancement des négociations. Il s’agit notamment de mettre un terme aux activités de colonisation et d’établir un calendrier pour mettre fin à l’occupation sous l’égide internationale. En procédant de la sorte, les Palestiniens seraient poussés à abandonner toutes leurs conditions en échange de l’abandon par [Israël] de ses conditions et les deux camps iraient à la table de négociation sans conditions préalables. »
Jarrar a exclu la possibilité de voir l’AP interrompre le versement de fonds aux familles des prisonniers : « La question n’est pas seulement financière, mais aussi nationale, car ces prisonniers se sont battus pour la liberté de leur peuple et interrompre le versement de leurs allocations équivaudrait à un désaveu et à un abandon des prisonniers et de leurs familles par le peuple palestinien. »
Pour des centaines de familles qui ont perdu leur unique soutien de famille, ces allocations sont la seule source de revenus.
Ismat Mansour, un ancien prisonnier qui a passé plus de vingt ans dans les prisons israéliennes et qui dirige aujourd’hui le Hebrew Teaching Center à Ramallah, a déclaré à Al-Monitor : « Avant leur détention, une grande partie des prisonniers subvenaient aux besoins de leur famille. Par conséquent, il est du devoir humanitaire, moral et national de l’AP et de la communauté palestinienne de les soutenir. »
Interrogé quant à savoir dans quelle mesure les prisonniers et leurs familles seraient affectés si l’AP acceptait l’exigence de Netanyahou, Mansour a répondu : « La déférence de l’AP serait un revers majeur pour les prisonniers et tous les Palestiniens parce que ce serait une reconnaissance du discours israélien qui nous décrit comme des terroristes. »
« Répondre à la demande de Netanyahou susciterait une forte réaction parmi les prisonniers, leurs familles et la société dans son ensemble et équivaudrait à délégitimer la lutte du peuple palestinien », a-t-il ajouté.
Auteur : Ahmad Melhem
* Ahmad Melhem est un journaliste et photographe palestinien de Al-Watan News basé à Ramallah. Il écrit pour un certain nombre de publications arabes. Suivez son compte Twitter.
1e mai 2017 – Al-Monitor – Traduction : Chronique de Palestine – Valentin B.