Par Leila Warah
Alors que l’assaut israélien sur Gaza entre dans son vingtième jour, la nourriture, l’eau potable et le carburant commencent à manquer. Oxfam prévient que « des millions de civils sont collectivement punis au vu et au su du monde entier, et que rien ne peut justifier l’utilisation de la famine comme arme de guerre ».
Victimes :
- 7028 Palestiniens tués à Gaza, dont 2913 enfants
- 103 Palestiniens tués en Cisjordanie occupée
Principaux développements :
- Selon l’organisation caritative britannique Oxfam, il n’y a pratiquement plus d’eau potable à Gaza.
- Shaimaa Akram Saydam, première diplômée de Palestine en 2023, fait partie des personnes tuées à Gaza avec sa mère enceinte, rapporte Al-Jazeera.
- L’hôpital Al-Wafa, dans le centre de Gaza, ne fonctionne plus en tant qu’établissement médical « en raison des bombardements israéliens continus dans cette zone », rapporte le journaliste d’Al Jazeera Tareq Abu Azzoum.
- Quelques jours après que M. Blinken a demandé que la couverture de la chaîne soit « atténuée », Israël tue la famille du correspondant d’Al-Jazeera, Wael El-Dahdouh. Il est décrit comme « l’épine dorsale de la couverture d’Al-Jazeera à Gaza » par ses collègues.
- Le président américain Joe Biden met en doute le bilan des morts à Gaza fourni par le ministère palestinien de la santé, bien qu’il ne dispose d’aucune preuve ni d’aucun autre chiffre.
- 38 employés de l’UNRWA ont été tués à Gaza depuis le 7 octobre, dont la moitié étaient des enseignants.
Principales statistiques du ministère palestinien de la santé :
- Environ 45 % des logements ont été entièrement ou partiellement détruits.
- Environ 219 établissements scolaires ont été touchés par les bombardements israéliens, dont au moins 29 écoles de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA).
- Environ 1,4 million de personnes sont déplacées à l’intérieur de la bande de Gaza.
- 24 hôpitaux ont reçu des avis d’évacuation d’Israël dans le nord de la bande de Gaza.
- Les hôpitaux fonctionnent à plus de 150 % de leur capacité.
- Au moins 130 nouveau-nés dépendant de couveuses sont en danger de mort en raison du manque d’électricité.
- Environ 166 naissances dangereuses ont lieu chaque jour à Gaza.
- 101 membres du personnel de santé ont été tués par les frappes israéliennes et plus de 100 autres ont été blessés.
La population de Gaza, qui compte plus de deux millions d’habitants et qui continue de subir des bombardements, est toujours privée de carburant, d’eau potable et d’un approvisionnement alimentaire adéquat en raison du siège qu’Israël continue d’imposer à l’enclave assiégée.
La situation est « horrible », car des millions de personnes sont « punies collectivement au vu et au su du monde entier », déclare Oxfam, une organisation caritative britannique qui se consacre à la lutte contre la pauvreté dans le monde.
Selon Oxfam, « on estime qu’il n’y a plus que trois litres d’eau potable par personne. Les Nations unies ont déclaré qu’un minimum de 15 litres par jour est essentiel pour les personnes qui se trouvent dans les situations d’urgence humanitaire les plus graves ».
Le communiqué indique également que, selon un porte-parole de l’UNRWA, en l’absence d’eau potable et de carburant, une partie de la nourriture admise dans les convois humanitaires, notamment le riz et les lentilles, est inutile car les gens n’ont pas d’eau potable ni de combustible pour la préparer.
« Rien ne peut justifier l’utilisation de la famine comme arme de guerre. Les dirigeants du monde ne peuvent pas continuer à rester les bras croisés ; ils ont l’obligation d’agir », a ajouté Oxfam dans un communiqué, rappelant que la famine en tant que « méthode de guerre » est strictement interdite par le droit international humanitaire.
Dans le sud de Gaza, une école de l’UNRWA à Rafah, abritant 4600 personnes, a subi de graves dommages à la suite d’une frappe aérienne à proximité, indique le groupe de défense des droits de l’homme, tout en soulignant que si le carburant n’est pas autorisé à entrer dans Gaza, il sera « contraint de réduire considérablement et, dans certains cas, d’interrompre les opérations humanitaires ».
« Les bombardements de l’occupation ont effacé des familles entières de l’état civil, des quartiers et des communautés résidentielles avec leurs habitants, et ont également détruit des installations collectives, notamment des hôpitaux, des lieux de culte, des boulangeries, des stations de remplissage d’eau, des marchés, des écoles et des établissements d’enseignement et de services », a déclaré le ministre des travaux publics et du logement, Mohammad Ziyara.
Pendant ce temps, les forces israéliennes ont poursuivi leur campagne d’arrestations massives à Jérusalem-Est occupée et dans toute la Cisjordanie occupée, y compris dans les villes d’Hébron, de Naplouse et dans le quartier de Shuafat, où des dizaines de soldats israéliens lourdement armés ont été vus.
Al Jazeera a rapporté qu’au moins 85 Palestiniens ont été kidnappés cette nuit par les forces israéliennes.
La Société des prisonniers palestiniens a indiqué que les forces israéliennes ont tué au moins 103 Palestiniens en Cisjordanie occupée depuis le 7 octobre, lors de raids de l’armée, dont deux sont morts en détention israélienne.
« L’état de la liberté du journalisme dans cette guerre est catastrophique »
Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) signale qu’il s’agit de la période la plus meurtrière pour les personnes couvrant la Palestine et Israël depuis qu’il a commencé à compter il y a vingt ans.
« C’est la période la plus meurtrière que nous ayons enregistrée », a déclaré Sherif Mansour, directeur du programme du CPJ pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.
« Les journalistes paient [des sacrifices] en couvrant la guerre, mais pour Gaza en particulier, c’est un risque exponentiel de le faire sans accès au monde extérieur, sans accès aux ressources et sans endroit sûr où aller », a-t-il déclaré à Al Jazeera à la lumière des bombardements israéliens qui ont visé et tué la famille du correspondant de l’organisation médiatique à Gaza en langue arabe, Wael Dahdouh, dans la soirée de jeudi.
Le directeur de la communication de la Turquie, Fahrettin Altun, a déclaré sur X qu’il était « difficile de croire qu’il s’agissait d’un hasard, car Israël a essayé d’empêcher la vérité de sortir de Gaza. Ce type d’attaques revient à employer des tactiques de terreur contre les journalistes pour les réduire au silence ».
« Nous conseillons au gouvernement israélien de revenir à la raison concernant les crimes qu’il commet quotidiennement. Il doit accepter le fait que la source du conflit est l’occupation en cours », a poursuivi M. Altun.
De même, l’ancien directeur de la Fédération internationale des journalistes (FIJ) et fondateur du Réseau pour un journalisme éthique, Aidan White, a qualifié de « choquant » le ciblage par Israël des journalistes et de leurs familles à Gaza, lors d’un entretien avec Al Jazeera.
« L’état de la liberté du journalisme dans cette guerre est catastrophique. La mort de la famille de notre collègue montre qu’aucun endroit n’est sûr et qu’il n’y a pas d’abri pour les innocents, et que les journalistes sont une cible », a déclaré M. White.
Depuis jeudi, le CPJ rapporte que 24 journalistes, 20 Palestiniens, 3 Israéliens et 1 Libanais, ont été tués depuis le 7 octobre. En outre, huit journalistes ont été blessés et trois sont portés disparus ou détenus.
L’invasion terrestre imminente d’Israël
Mercredi, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a déclaré lors d’une allocution télévisée qu’il se préparait à une invasion terrestre de la bande de Gaza. Toutefois, on ne sait pas exactement quand l’opération aura lieu, le Premier ministre ayant refusé de fournir des informations supplémentaires.
L’armée a indiqué avoir mené un raid nocturne relativement important mercredi, à l’aide de chars et d’infanterie, dans la zone nord de la bande de Gaza, orchestré par la brigade Givati, l’une des cinq unités d’infanterie d’Israël.
Ils prétendent avoir tué de « nombreux » combattants et détruit des infrastructures militaires et des positions antichars en préparation des « prochaines étapes du combat ». L’armée n’a pas mentionné de victimes israéliennes et a ajouté que ses forces avaient quitté Gaza à la fin du raid.
Selon le journaliste d’Al Jazeera Alan Fisher, si l’armée a déjà mené de nombreux raids à petite échelle dans la bande de Gaza, cette invasion est inhabituelle en raison de l’implication de chars, que l’armée n’a jamais utilisés auparavant dans ce contexte.
Selon Fisher, « il s’agit clairement d’une préparation à la prochaine étape de la guerre ».
Entre-temps, les États-Unis continuent de faire pression sur Israël pour qu’il reporte son assaut terrestre jusqu’à ce qu’il puisse assurer la sécurité des prisonniers à l’intérieur de Gaza et attendre l’arrivée de nouvelles défenses militaires américaines.
Mercredi, le Wall Street Journal a rapporté qu’Israël avait accepté de retarder l’invasion terrestre de Gaza pour permettre aux États-Unis d’acheminer des défenses antimissiles dans la région.
Selon le journal, le Pentagone travaille au déploiement de 11 systèmes de défense aérienne dans la région, notamment pour les troupes américaines stationnées en Irak, en Syrie, en Arabie saoudite et dans les Émirats arabes unis.
Toutefois, de nombreux dirigeants ne soutiennent pas l’invasion terrestre de Gaza par Israël.
Lors d’une conférence de presse conjointe avec le président français Macron, le président égyptien Abdel Fattah el-Sisi a appelé la communauté internationale à prendre des précautions pour éviter une attaque terrestre israélienne contre Gaza. Il a attiré l’attention sur les « très nombreuses victimes civiles » qu’elle pourrait causer au cours d’une conférence de presse conjointe avec le président français.
Même le président français Emmanuel Macron, qui a exprimé son soutien inconditionnel à Israël, a déclaré que toute « invasion terrestre massive » de Gaza serait « une erreur » pour Israël.
Jeudi, le ministère israélien de la Défense a proposé de prolonger jusqu’au 31 décembre les ordres d’évacuation des Israéliens vivant le long de la barrière de Gaza et de la frontière nord avec le Liban, ont rapporté les médias israéliens.
Le ministère a également proposé que le gouvernement verse 6000 shekels (environ 1470 dollars) par mois et par adulte et 3000 shekels (environ 740 dollars) par enfant aux familles qui ne peuvent pas trouver de chambre d’hôtel financée par l’État ou qui décident d’évacuer par leurs propres moyens.
Comme l’ont indiqué les autorités israéliennes d’occupation la semaine dernière, environ 200 000 personnes ont reçu un ordre d’évacuation de 105 communautés situées près des frontières de Gaza et du Liban.
Selon les médias israéliens, l’opération proposée pour prolonger les ordres d’évacuation pourrait coûter « plusieurs milliards » de shekels, ce qui fait que d’autres ministères s’opposent à la déclaration, la jugeant prématurée.
Alors qu’Israël se prépare à lancer un assaut terrestre de grande envergure contre la population de l’enclave assiégée, qui entraînera avec certitude la mort d’un très garnd nombre de civils, Biden [« sleeping Joe »] met en doute le nombre de morts à Gaza communiqué par le ministère palestinien de la santé, sans fournir ni preuves ni chiffres alternatifs.
Cependant, Omar Shakir, directeur de Human Rights Watch (HRW) pour Israël et la Palestine, a déclaré que le bilan du ministère palestinien de la santé était fiable.
« Human Rights Watch travaille dans les territoires palestiniens occupés depuis trois décennies. Nous avons couvert des séries d’escalades et d’hostilités, et nous avons toujours trouvé que les chiffres du ministère de la santé étaient généralement fiables », a déclaré Omar Shakir à Al Jazeera.
« Nous avons examiné l’imagerie satellite. Nous avons examiné ce qui se passait ; les chiffres émanant du ministère ne sont pas hors de propos », a poursuivi M. Shakir. « Ils sont dans la fourchette de ce que l’on peut attendre de frappes aériennes de cette intensité ».
Rejets de résolutions de l’ONU
Mercredi, la dernière résolution américaine présentée au Conseil de sécurité de l’ONU appelait à des « pauses humanitaires pour permettre un accès humanitaire complet, rapide, sûr et sans entrave » à Gaza, a déclaré l’ambassadrice américaine auprès de l’ONU, Linda Thomas-Greenfield.
« Chers collègues, les États-Unis ont travaillé d’arrache-pied pour rédiger un texte fort et équilibré, un texte qui répond à ce moment et que nous invitons tous les membres du Conseil à voter en faveur de la résolution », a déclaré Mme Thomas-Greenfield.
Les pays suivants ont voté en faveur de la résolution : les États-Unis, l’Albanie, la France, l’Équateur, le Gabon, le Ghana, le Japon, Malte, la Suisse et le Royaume-Uni. Le Brésil et le Mozambique se sont abstenus. Cependant, la Russie et la Chine ont opposé leur veto à la résolution, à laquelle les Émirats arabes unis étaient également opposés.
L’ambassadeur russe à l’ONU, Vasily Nebenzya, a critiqué la résolution pour ne pas avoir appelé à un cessez-le-feu et a accusé les États-Unis d’essayer d’empêcher les décisions du Conseil de sécurité d’avoir « toute influence possible sur une éventuelle offensive d’Israël sur Gaza ».
« Ce document extrêmement politisé n’a manifestement qu’un seul objectif : ne pas sauver les civils, mais consolider la situation politique des États-Unis dans la région », a déclaré M. Nebenzya.
Quatre résolutions de l’ONU ont été rédigées et rejetées, y compris une précédente résolution de l’ONU rédigée par la Russie appelant à un cessez-le-feu humanitaire complet, à laquelle les États-Unis ont opposé leur veto parce qu’elle ne soulignait pas le prétendu droit d’Israël à l’autodéfense.
Selon certaines informations, d’autres membres non permanents du Conseil de sécurité des Nations unies travaillent actuellement à l’élaboration d’un nouveau projet de résolution, qui sera présenté dans les prochains jours.
Par ailleurs, l’ambassadeur d’Israël auprès des Nations unies, Gilad Erdan, demande au secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, de démissionner après qu’il a fait remarquer fort justement qu’il était nécessaire de « reconnaître que les attaques du Hamas ne se sont pas produites dans le vide », les Palestiniens ayant été « soumis à 56 ans d’occupation étouffante », mardi.
Jeudi, M. Guterres a déclaré aux journalistes, sans nommer Israël, « Je suis choqué par les déformations de certaines de mes déclarations d’hier au Conseil de sécurité – comme si je justifiais les ‘actes de terreur’ du Hamas ».
Voix internationales
Alors qu’Israël continue de mener la guerre sur les territoires palestiniens occupés, les dirigeants internationaux s’expriment sur l’escalade de la violence.
Le président brésilien Lula da Silva a déclaré que « ce qui se passe actuellement au Moyen-Orient est très grave », tout en critiquant le langage utilisé pour décrire l’escalade à Gaza, affirmant qu’il ne s’agit pas d’une guerre, mais d’un « génocide ».
« Il ne s’agit pas de savoir qui a raison ou qui a tort. Le problème est qu’il ne s’agit pas d’une guerre, mais d’un génocide qui a tué 2000 enfants qui n’ont rien à voir avec cette guerre, mais qui en sont les victimes », a-t-elle déclaré.
Mercredi, le roi de Jordanie, Abdallah II, a appelé la communauté internationale à faire pression sur Israël pour qu’il cesse le feu et mette fin à son siège, en déclarant : « L’arrêt de la guerre contre Gaza est une nécessité absolue, et le monde doit agir immédiatement dans cette direction ».
« Nous sommes opposés à toute tentative d’Israël de créer un exode de Palestiniens ou de déplacer à l’intérieur du pays les habitants de Gaza », a déclaré le roi Abdallah, tout en avertissant que la poursuite de l’escalade « pourrait conduire à une explosion dans la région ».
La ministre japonaise des affaires étrangères, Yoko Kamikawa, a rencontré l’ambassadeur d’Israël au Japon, Gilad Cohen, pour demander une suspension temporaire des combats à Gaza et appeler Israël à autoriser l’acheminement d’une aide humanitaire plus importante dans la bande de Gaza assiégée.
De même, le Royaume-Uni soutient l’appel à une pause humanitaire pour permettre l’entrée de l’aide et l’évacuation des civils, mais le gouvernement s’oppose à un cessez-le-feu. Réitérant son soutien inconditionnel à Israël, le bureau du Premier ministre Rishi Sunak déclare qu’un cessez-le-feu « ne ferait que profiter au Hamas ».
Humza Yousaf, premier ministre écossais, a critiqué la décision de Sunak de ne pas appeler à un cessez-le-feu immédiat.
Entre-temps, dans la version finale d’un texte appelant à la mise en place de « corridors et pauses humanitaires », que les dirigeants de l’UE doivent approuver lors d’un sommet à Bruxelles, ils promettent de « travailler en étroite collaboration avec les partenaires de la région pour protéger les civils, fournir une assistance et faciliter l’accès à la nourriture, à l’eau, aux soins médicaux, au carburant et aux abris, en veillant à ce que cette assistance ne soit pas utilisée de manière abusive par des organisations ‘terroristes’ ».
« Le Conseil européen se déclare extrêmement préoccupé par la détérioration de la situation humanitaire à Gaza et demande que l’aide humanitaire continue d’être acheminée rapidement, en toute sécurité et sans entrave et qu’elle parvienne à ceux qui en ont besoin par le biais de toutes les mesures nécessaires, y compris des couloirs et des pauses humanitaires. »
Auteur : Leila Warah
26 octobre 2023 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine