Par Leila Warah
Alors que les Palestiniens de Gaza continuent d’être affamés et bombardés par Israël, les États-Unis ont désigné le groupe Ansar Allah du Yémen comme terroriste dans l’espoir d’intimider leur résistance à l’agression israélienne en cours.
Victimes :
- 24 448+ Palestiniens assassinés * et au moins 61 504 blessés dans la bande de Gaza
- 388 Palestiniens assassinés en Cisjordanie et à Jérusalem sous occupation.
* Ces chiffres ont été fournis par le ministère de la santé de Gaza le 16 janvier. Certains groupes de défense des droits de l’homme estiment que le nombre de morts est plus proche de 31 000.
Principaux développements
- Cisjordanie occupée : Le raid militaire meurtrier à Tulkarem se poursuit pour la deuxième journée.
- Nations Unies : Tous les habitants de Gaza ont faim et un quart d’entre eux sont menacés de famine.
- PRCS : Deux ambulanciers blessés par des tirs israéliens en Cisjordanie alors qu’ils tentaient d’atteindre les victimes d’une attaque aérienne dans le camp de réfugiés de Tulkarem.
- Les États-Unis désignent Ansar Allah comme groupe « terroriste » pour ses attaques contre des navires en mer Rouge et dans le golfe d’Aden.
- 15 milliards de dollars sont nécessaires pour reconstruire les 350 000 maisons de Gaza après la guerre.
- Augmentation de 300 % des fausses couches à Gaza depuis le 7 octobre.
- Au moins 16 Palestiniens, dont des enfants, tués dans le bombardement israélien d’une maison à l’est de Rafah.
- Des médicaments et de l’aide sont entrés à Gaza pour les civils palestiniens et les otages israéliens, conformément à l’accord conclu sous médiation qatarie.
- UNOCHA : Un missile israélien frappe le dispensaire de l’UNRWA à Daraj, dans la ville de Gaza.
- La coupure des télécommunications à Gaza imposée par Israël entre dans son septième jour.
Les Israéliens assassinent des centaines de persinnes chaque jour à Gaza
Chaque jour, la situation à Gaza s’aggrave de manière exponentielle en raison des bombardements israéliens et du blocus en cours, laissant la majorité de la population de l’enclave assiégée déplacée, avec peu ou pas de biens et nulle part où se réfugier en toute sécurité.
A Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, 16 personnes ont été tuées par les forces israéliennes jeudi lorsque la maison qui les abritait a été bombardée, a rapporté Al Jazeera, qui s’attend à ce que le bilan s’alourdisse à mesure que d’autres corps seront retrouvés dans les décombres.
Abu Khaled, un parent des personnes tuées dans l’attaque, a déclaré à la chaîne : « Ils ont fui leurs maisons dans la ville de Gaza pour le camp de réfugiés de Bureij à Khan Younis avant de venir à Rafah parce qu’ils pensaient que c’était plus sûr ».
Bien que les États-Unis affirment qu’Israël commence à réduire l’intensité de ses attaques sur Gaza, les Palestiniens vivant dans l’enclave assiégée n’ont remarqué aucun changement dans les bombardements israéliens.
« Les frappes n’ont pas cessé au cours des dernières heures dans la bande de Gaza, malgré le fait qu’Israël affirme passer à une phase complètement nouvelle avec des bombardements de faible intensité », a rapporté le correspondant d’Al Jazeera, Tareq Abu Azzoum, depuis Rafah, dans le sud de la bande de Gaza.
« Nous pouvons voir que le nombre de morts et de blessés parmi les civils ne cesse d’augmenter, pour atteindre plus de 163 Palestiniens tués au cours des dernières 24 heures », a déclaré Tareq Abu Azzoum mercredi soir.
« Si nous ne sommes pas tués par les bombes, nous mourons de froid, de faim ou de maladie. »
Selon les Nations unies, chaque habitant de la bande de Gaza souffre de la faim, un quart de la population étant menacé de famine. Les habitants des enclaves assiégées représentent 80 % de la population collective mondiale confrontée à la famine ou à une famine catastrophique.
« En outre, tous les enfants de moins de cinq ans – 335 000 d’entre eux – sont exposés à un risque élevé de malnutrition sévère alors que le risque de famine continue d’augmenter, une génération entière est maintenant en danger de souffrir d’un retard de croissance », a déclaré le groupe humanitaire.
La dernière mise à jour de l’agence humanitaire des Nations Unies (OCHA), qui a été limitée à la coupure des télécommunications imposée par Israël à l’enclave assiégée, indique qu’un missile aurait frappé la clinique de l’UNRWA à Daraj, dans la ville de Gaza, mercredi.
L’organisation humanitaire a également fait état de bombardements intensifs dans la zone de Khan Younis au cours des deux derniers jours, visant des bâtiments résidentiels, un cimetière et des hôpitaux.
« Les premiers rapports et les images vidéo montrent qu’une grande partie du cimetière al-Namsawi a été détruite et que les tombes sont vides, certains corps étant portés disparus », a indiqué l’organisation.
« Les habitants de Gaza sont passés du choc pur et simple de la perte de tout – dans certains cas de tous les membres de leur famille – à une lutte désespérée pour rester en vie et protéger leurs proches », a déclaré Philippe Lazzarini, commissaire de l’UNRWA, après son quatrième voyage à Gaza depuis le 7 octobre.
Amnesty International a déclaré que la coupure des télécommunications, qui est entrée dans son septième jour, mettait les civils en danger, entravait le travail des services de secours et compliquait les efforts d’acheminement de l’aide.
« Ces coupures récurrentes et dangereuses pour la vie ne doivent pas être normalisées. Un cessez-le-feu immédiat est indispensable pour rétablir d’urgence l’électricité et la connectivité pour les habitants de Gaza », a déclaré le groupe, ajoutant que la coupure des communications est la neuvième imposée par les forces israéliennes depuis le début de l’actuelle série de combats.
« Cela dure depuis bien trop longtemps. Il n’y a pas de vainqueur dans ces guerres. C’est un chaos sans fin et un désespoir croissant. J’appelle une fois de plus à un cessez-le-feu humanitaire immédiat pour apporter un peu de répit », a ajouté M. Lazzarini.
Le système de santé reste plus que jamais une cible
Plus de 61 000 personnes ont été blessées par l’agression israélienne sur Gaza, ce qui a laissé les travailleurs de la santé et le personnel humanitaire débordés alors que les hôpitaux sous-approvisionnés voient des gens mourir devant eux chaque jour.
« J’ai vu des enfants couverts d’éclats d’obus mourir sur le sol parce que le service des urgences et le personnel soignant n’ont pas le matériel nécessaire pour les soigner », a raconté Sean Casey, de l’Organisation mondiale de la santé, après avoir visité plusieurs hôpitaux de Gaza.
« Les médecins ne trouvent plus rien pour soigner leurs patients, ils se contentent d’utiliser du sel. Même le sel coûte 13 dollars par kilogramme. Pouvez-vous imaginer mettre du sel sur les blessures des gens pour les désinfecter ? », a déclaré Ibrahim Baraikat, un Palestinien déplacé, à Al Jazeera.
« Nous avons atteint un point critique. Les gens meurent et ils n’ont même pas d’analgésiques ».
Pour empirer les choses, les hôpitaux ont été pris pour cible à plusieurs reprises par l’armée israélienne, ce qui empêche les patients de rester en sécurité pendant qu’ils reçoivent un traitement.
Mercredi, l’hôpital de campagne jordanien de la ville de Khan Younis, dans le sud du pays, a été gravement endommagé par des tirs d’artillerie israéliens dans les environs.
Wafa a rapporté qu’un patient palestinien, qui recevait un traitement dans l’unité de soins intensifs, a été blessé par des éclats d’obus et une balle lors de l’attaque israélienne et que l’hôpital a subi de graves dommages matériels en raison des bombardements israéliens continus.
Malgré les dégâts, l’hôpital reste déterminé à poursuivre ses activités.
Les forces armées jordaniennes ont déclaré qu’elles tenaient Israël entièrement responsable de la sécurité du personnel de l’hôpital, qui remplit son rôle humanitaire dans le respect des lois et des normes internationales, a ajouté Wafa.
Pendant ce temps, les femmes enceintes à Gaza connaissent une augmentation de 300 % des fausses couches, ce qui est dû au fait que les fournitures médicales et l’accès aux centres de santé sont limités, ce qui les expose à un risque accru d’infection, a déclaré à Jezebel Nour Beydoun, conseillère régionale sur la protection et le genre dans les situations d’urgence pour l’agence humanitaire CARE.
Beydoun a ajouté qu’une autre raison de cette augmentation est que les femmes enceintes manquent de nourriture et sont sous-alimentées, ce qui entraîne une mauvaise santé du fœtus.
Des mesures « draconiennes » d’Israël pour restreindre la dissidence
Pendant ce temps, en Israël, les autorités répriment les Palestiniens « pour avoir simplement exprimé leurs points de vue ou leurs opinions sur diverses plates-formes en ligne, par le biais de diverses mesures, notamment la censure, la surveillance et les arrestations », déclare 7amleh, le Centre arabe pour la promotion des médias sociaux, cité par Al Jazeera.
Selon 7amleh, depuis le 7 octobre, Israël a introduit une « législation draconienne » pour restreindre la liberté d’expression et la critique de ses actions à Gaza.
« Les mesures les plus notables comprennent des suppressions massives de contenu et un ‘shadowbanning’ [blocage partiel ou total sans que l’utilisateur en ait conscience] étendu des utilisateurs qui critiquent Israël ou qui publient des messages de soutien aux Palestiniens. Pendant la guerre d’Israël contre Gaza, « ces restrictions et suppressions de contenu ont atteint des niveaux sans précédent », note le rapport.
« Les utilisateurs des plateformes de Meta, y compris les journalistes, les militants, et ceux qui documentent simplement la réalité sur le terrain ou qui soutiennent les droits des Palestiniens, ont été soumis à des interdictions de compte, à des suppressions de contenu et à d’autres mesures restrictives », a poursuivi le groupe.
Israël a également prévu d’inculper le politicien israélien Ofer Cassif, membre de la Knesset pour le parti Hadash-Ta’al, pour des accusations d’agression aggravée sur un officier de police qui aurait eu lieu en 2022, rapporte le Times of Israel.
La raison pour laquelle l’acte d’accusation n’apparait qu’en janvier 2024 n’est pas claire, mais il est essentiel de noter que M. Cassif a récemment déclaré qu’il soutenait la plainte pour génocide déposée par l’Afrique du Sud contre Israël auprès de la Cour internationale de justice (CIJ).
L’homme politique a également été sous les projecteurs pour ses commentaires à l’encontre des membres du gouvernement, affirmant qu’ils « appellent au nettoyage ethnique et même à un véritable génocide » contre les Palestiniens.
Les tactiques d’intimidation américaines font un « flop » au Yémen
Mercredi, les États-Unis ont désigné Ansar Allah comme un groupe « terroriste » pour ses attaques contre des navires en mer Rouge et dans le golfe d’Aden.
« Aujourd’hui, en réponse à ces menaces et attaques continues, les États-Unis ont annoncé la désignation d’Ansar Allah, également connu sous le nom de Houthis, comme un groupe terroriste mondial spécialement désigné (Specially Designated Global Terrorist) », a déclaré Jake Sullivan, conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche, dans un communiqué publié mercredi après-midi.
Cette désignation prend effet dans 30 jours et pourrait être réévaluée si le groupe yéménite cesse ses attaques en mer Rouge et dans le golfe d’Aden.
« Cette désignation est plutôt une provocation. C’est le vieux gant dans la figure – gifler quelqu’un avec son gant. Vous le défiez en quelque sorte, mais vous ne le blessez pas vraiment », a déclaré à Al Jazeera Nabeel Khoury, ancien chef de mission adjoint à l’ambassade des États-Unis au Yémen.
M. Khoury a déclaré qu’Ansar Allah considérerait probablement cette initiative comme une « insulte » et une « provocation » qui pourrait conduire à une nouvelle escalade. Il a qualifié de « déconcertante » la motivation stratégique de l’administration Biden.
« Je pense que l’idée de l’administration Biden est d’intimider et d’empêcher l’élargissement de la guerre », a déclaré M. Khoury. « Mais si cela a l’effet inverse, ce qui me semble plus probable, alors vous élargissez la guerre et vous vous exposez, vous et la présence américaine, à de nouvelles attaques. La seule chose possible que je vois est donc une escalade négative ou potentielle. »
Mohammed Abdulsalam, porte-parole d’Ansar Allah, a déclaré à Al Jazeera que le groupe ne cesserait pas ses attaques contre les navires se dirigeant vers Israël depuis la mer Rouge et la mer d’Arabie.
Il a ajouté que les États-Unis n’avaient pas le pouvoir de mettre en œuvre leur décision contre les Houthis et a démenti les informations selon lesquelles l’Iran aurait fourni des armes au groupe.
Quelques heures après l’annonce des États-Unis, le groupe yéménite a pris pour cible un navire américain dans le golfe d’Aden, avec des frappes « précises et directes ».
« Les forces armées yéménites réaffirment que la réponse à l’agression américaine et britannique est inévitable et qu’aucune agression ne restera sans réponse ni châtiment », a déclaré Ansar Allah.
Les États-Unis ont ensuite lancé une nouvelle salve de missiles sur le Yémen.
La déclaration de Sullivan ajoute que la nouvelle désignation d’Ansar Allah, qui s’accompagne de sanctions sévères, ne nuira pas au peuple yéménite puisque les sanctions prévoient des exemptions humanitaires « sans précédent ».
Toutefois, « les défenseurs des droits ont prévenu que l’inscription des Houthis sur la liste noire compliquerait le travail des organisations humanitaires opérant dans les zones contrôlées par le groupe ». « Le Yémen traverse l’une des pires crises humanitaires au monde et des millions de personnes dépendent de l’aide internationale », rapporte Al Jazeera.
Le mouvement Hamas [résistance islamique] a dénoncé la désignation par les États-Unis d’Ansar Allah comme groupe « terroriste », qualifiant la décision de l’administration Biden de « politisée », affirmant que cette décision témoigne du « parti pris flagrant » de Washington et vise à protéger Israël qui poursuit son « agression barbare et son génocide » dans la bande de Gaza.
Plus de 30 heures de terrorisme israélien dans la ville de Tulkarem en Cisjordanie
En Cisjordanie occupée, les forces israéliennes ont poursuivi leurs incursions nocturnes dans les quartiers et les villes palestiniens, qui se sont souvent révélées meurtrières et ont donné lieu à des dizaines d’arrestations.
Cela fait maintenant deux jours que l’armée fait des ravages à Tulkarem, démolissant des infrastructures, détruisant des maisons, frappant et arrêtant des habitants, et tuant des jeunes de la ville palestinienne. On ne sait pas quand ce raid meurtrier prendra fin.
Depuis le début de l’invasion militaire, neuf Palestiniens ont été tués par les forces israéliennes.
Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) a déclaré que les meurtres de Palestiniens en Cisjordanie occupée suscitaient de lourdes inquiétudes quant aux attaques meurtrières totalement « illégales » menées par l’armée israélienne.
« Les assassinats de Palestiniens doivent cesser », a déclaré le bureau du HCDH pour la Palestine.
Auteur : Leila Warah
18 janvier 2024 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine