Par Abdel Bari Atwan
Le corridor commercial destiné à fournir à l’État d’occupation une route alternative équivaut à une collusion arabe active dans la guerre génocidaire.
Alors que le Yémen est pilonné par les frappes aériennes américaines et britanniques pour avoir tenté de fermer la mer Rouge à la navigation israélienne, d’autres pays arabes ont conspiré pour saboter ses courageux efforts pour soutenir les Palestiniens dans la bande de Gaza.
Les Émirats arabes unis, la Jordanie et l’Arabie saoudite ont été complices de la création d’un corridor Dubaï-Haïfa destiné à fournir à l’État d’occupation une route alternative pour son commerce, qui contourne le détroit de Bab al-Mandeb, le canal de Suez ou le golfe d’Aqaba.
Les pays concernés ont gardé un silence assourdissant sur cette initiative de normalisation honteuse et inquiétante, ou ont marmonné de faibles excuses pour la justifier, alors qu’Israël mène une guerre génocidaire dans la bande de Gaza.
Mais les médias israéliens n’ont pas hésité à en faire la publicité et à la saluer. Ils ont montré des images de convois de camions de marchandises passant par cette route, révélant ainsi ce que les gouvernements arabes tentent de cacher à leur population.
La semaine dernière, la chaîne israélienne Channel 13 a rapporté que des centaines de camions chargés de marchandises et de denrées alimentaires fraîches ont quitté les Émirats arabes unis pour rejoindre l’État d’occupation et ses consommateurs en passant par l’Arabie saoudite et la Jordanie.
Cela équivaut à une collusion active, même indirecte, dans la guerre meurtrière d’extermination menée par Israël dans la bande de Gaza.
Les autorités jordaniennes ont déjà commis l’outrage de permettre l’exportation de fruits et légumes de la vallée du Jourdain vers l’État d’occupation en dépit de son agression.
Les autorités égyptiennes rançonnent massivement les Palestiniens qui tentent d’échapper au génocide
Aujourd’hui, certains responsables affirment que la Jordanie n’a pas le droit d’empêcher le transit de marchandises commerciales sur son territoire en raison des accords qu’elle a signés à cet égard et par crainte d’être traitée de la même manière par les pays qui seraient impactés par une telle décision, à savoir l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis.
Mais depuis quand Israël s’est-il conformé aux dispositions des accords signés ou a-t-il respecté d’autres lois et traités, notamment les accords de Wadi Araba et d’Oslo ?
Il est scandaleux qu’une société émiratie, Puretrans, s’associe à la société israélienne Trucknet pour superviser conjointement la gestion de ce corridor.
Fournir à Israël et à ses colons des marchandises et de la nourriture alors qu’il affame délibérément plus de deux millions de Palestiniens dans sa tentative de rendre la bande de Gaza inhabitable, équivaut à une participation directe à ce crime.
Les autorités égyptiennes font de même en refusant d’ouvrir par la force le point de passage de Rafah pour permettre l’entrée de l’aide humanitaire et en prélevant des taxes pouvant aller jusqu’à 5 000 dollars sur chaque camion.
Selon les médias, plus de 2 500 camions sont bloqués dans une file d’attente de 40 km entre Arish et le point de passage de Rafah, dans l’attente de pouvoir acheminer l’aide.
On aurait pu s’attendre à ce que les gouvernements arabes complices de ce crime appliquent un traitement réciproque en fermant complètement tous les points de passage vers Israël, sans parler de la rupture des relations avec ce pays et de la fermeture de ses ambassades sur leur territoire en solidarité avec la Cisjordanie et la bande de Gaza.
Ils pourraient au moins conditionner le transit de marchandises par le corridor Dubaï-Haïfa à la levée du blocus par Israël et à l’autorisation d’acheminer de l’aide à Gaza…
Mais cela semble trop difficile à imaginer. Si le meurtre de plus de 30 000 compatriotes arabes (dont des milliers sont encore ensevelis sous les décombres), les blessures infligées à quelque 70 000 autres personnes et la destruction de 86 % des habitations de Gaza n’éveillent pas les sentiments ou la conscience de ces gouvernements, qu’est-ce qui peut le faire ?
La dictature saoudienne s’attaque à la résistance palestinienne
Nous ne demandons pas à la Jordanie, aux Émirats arabes unis et à l’Arabie saoudite d’adopter la même attitude courageuse que les Yéménites et d’affronter les navires de guerre américains et britanniques qui tentent de briser le blocus maritime imposé à Israël. Nous savons qu’ils feraient la sourde oreille à une telle demande.
Mais nous leur demandons d’écouter leur peuple qui bouillonne face à cette impuissance feinte et de suivre l’exemple de pays non arabes et non musulmans comme l’Afrique du Sud, la Bolivie, le Chili et la Colombie en rompant leurs liens avec l’État occupant au lieu de lui tendre une bouée de sauvetage.
Le peuple jordanien est dans un état d’agitation sans précédent et croissant ces jours-ci, d’abord à cause du massacre de leurs frères à Gaza et en Cisjordanie, et ensuite à cause d’informations selon lesquelles des avions jordaniens se joindraient aux avions américains pour bombarder des cibles en Irak en représailles à l’attaque de la résistance islamique irakienne contre une base américaine dans le nord de la Jordanie.
La survie et la pérennité de l’entreprise sioniste ont été mises à mal par l’opération du déluge d’al-Aqsa.
Elle a ébranlé la sécurité et la stabilité d’Israël, lui a coûté plus de 75 milliards de dollars à ce jour et a déplacé plus de 500 000 de ses colons.
Les gouvernements et les dirigeants arabes devraient prendre conscience de cette réalité et miser sur la résistance plutôt que sur un État d’occupation accusé de génocide et condamné par la Cour internationale de justice (CIJ).
Si seulement ils pouvaient être aussi audacieux et courageux que le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, que les dirigeants d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie qui se sont exprimés et ont rompu leurs relations ou rappelé leurs ambassadeurs, et que les centaines de millions de personnes à l’Ouest, à l’Est, au Nord et au Sud qui ont boycotté Israël et sont descendues dans la rue pour manifester contre ses agissements.
Ou est-ce que c’est aussi trop demander ?
Auteur : Abdel Bari Atwan
* Abdel Bari Atwan est le rédacteur en chef du journal numérique Rai al-Yaoum. Il est l’auteur de L’histoire secrète d’al-Qaïda, de ses mémoires, A Country of Words, et d’Al-Qaida : la nouvelle génération. Vous pouvez le suivre sur Twitter : @abdelbariatwan
11 février 2024 – Raï al-Yaoum – Traduction : Chronique de Palestine