Par Qassam Muaddi
« Ce n’est pas la première fois que l’occupant fait une descente à Nur Shams », a déclaré à Mondoweiss Baraa al-Ghoul, un habitant du camp, « mais cette fois-ci, c’était différent car les forces d’occupation ont fait preuve d’une violence inouïe ».
Une « terreur sans précédent » continue de hanter les Palestiniens du camp de réfugiés de Nur Shams à Tulkarem, deux jours après la fin de l’invasion du camp par l’armée israélienne, qui a duré 52 heures et au cours de laquelle 14 Palestiniens ont été assassinés, dont neuf au moins étaient des civils non armés, selon les habitants.
Dans la nuit du jeudi 18 avril, l’armée israélienne a annoncé qu’elle avait lancé « une vaste opération » à Nur Shams, le camp de deux kilomètres carrés adjacent à la ville de Tulkarem, dans le nord-ouest de la Cisjordanie occupée. L’invasion visait la « Brigade de Tulkarem », qui opère dans le camp depuis 2022.
« Ce n’est pas la première fois que l’occupation fait une descente à Nur Shams, mais cette fois-ci, c’était différent car les forces d’occupation ont fait preuve d’une violence sans précédent pendant le raid », a déclaré Baraa al-Ghoul, un résident de Nur Shams, à Mondoweiss. « Lors des raids précédents, si un véhicule blindé se retrouvait dans une impasse dans les allées du camp, il faisait demi-tour et cherchait un autre moyen de passer. Cette fois-ci, ils ont simplement démoli tout ce qu’ils ont trouvé devant eux « , a-t-il déclaré.
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« Les soldats s’approchaient des maisons qu’ils soupçonnaient de cacher des résistants, et la première chose qu’ils faisaient était de tirer un obus à travers les fenêtres et les portes, même s’il y avait des civils à l’intérieur, et sans être sûrs qu’il y avait des combattants », a raconté al-Ghoul. « Tout le camp était enfermé à l’intérieur, s’attendant à ce qu’un missile pénètre dans la maison à tout moment. Mes enfants étaient terrorisés, ils comprenaient ce qui se passait à l’extérieur et pleuraient tout le temps”, a-t-il ajouté.
« Les soldats entraient dans les maisons à la recherche de combattants et arrêtaient les hommes au hasard. Mon voisin, Rajai Sweilem, 39 ans, a été arrêté chez lui devant ses quatre enfants et emmené dans la rue », se souvient M. al-Ghoul.
« Après le retrait de l’armée d’occupation, il a été retrouvé mort, le corps criblé de balles. Il n’était qu’un travailleur, rien d’autre ».
Outre les personnes assassinées par les forces israéliennes, deux personnes âgées sont mortes pendant le raid en raison de leur état de santé, n’ayant pas pu se rendre dans un centre de soins.
« Nasr Ghreifi, un homme connu et respecté de la communauté, âgé d’environ 70 ans, avait rendez-vous pour une séance de dialyse à l’hôpital », a déclaré Hussein Ali, un autre résident, à Mondoweiss.
« Il n’a pas pu sortir de chez lui à cause du raid, et son état s’est encore détérioré à cause de la chaleur et de la coupure totale de l’électricité », a indiqué Ali. « Il est mort dans sa maison, et son corps est resté au milieu des membres de sa famille pendant deux jours, jusqu’à ce que l’occupation se retire », a-t-il ajouté.
Infrastructures détruites
Après le retrait de l’armée israélienne, les médias locaux ont fait état d’une destruction massive des infrastructures du camp, notamment de rues rasées au bulldozer et de maisons partiellement ou entièrement démolies. Les services de base ont également été interrompus en raison des dommages subis par les infrastructures.
« Toutes les rues du camp étaient pavées avant que l’occupation ne commence à les détruire », a déclaré al-Ghoul. « Aujourd’hui, il n’y a plus de rue ni de trotoirs. Même les tuyaux du système d’égouts ont été arrachés, ce qui nous rappelle l’aspect du camp il y a plusieurs dizaines d’années », a-t-il ajouté.
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« Les gens achètent de l’eau dans des réservoirs de 3 mètres cubes acheminés par camion, et l’électricité n’a été reconnectée à une partie du camp que mardi, alors que la majorité des maisons sont toujours privées d’électricité », a-t-il ajouté.
Au total, lors de la dernière invasion israélienne, quelque 60 maisons de Nur Shams ont été soit complètement détruites, soit endommagées au point de ne plus être habitables. Cette attaque s’ajoute aux destructions causées par les précédents raids israéliens – 18 raids jusqu’à présent au cours des deux dernières années.
Nur Shams, le troisième angle du « nord »
En 2021, les forces israéliennes intensifièrent leurs raids dans les villes et les camps de réfugiés de Cisjordanie, en particulier dans le nord, au cours de l’opération « Briser la vague », tandis que des groupes de résistance locaux apparaissent.
En 2022, trois groupes armés locaux de Tulkarem ont uni leurs forces sous le nom de « Brigade de Tulkarem ».
Ce groupe a affronté les forces de raid israéliennes lors d’échanges de coups de feu en milieu urbain. Le camp de réfugiés de Nur Shams a été particulièrement visé par l’armée israélienne, formant un triangle de confrontation armée avec les forces israéliennes aux côtés de Jénine et de Naplouse.
Depuis le début de l’année, 40 Palestiniens ont été tués par les forces israéliennes à Tulkarem, ce qui constitue le bilan le plus lourd pour une ville de Cisjordanie occupée jusqu’à présent en 2024.
Avec la dernière invasion israélienne de Tulkarem, le nombre de Palestiniens assassinés par les forces israéliennes ou des colons en Cisjordanie est passé à 168 depuis janvier et à 487 depuis octobre 2023.
Auteur : Qassam Muaddi
* Qassam Muaddi est un journaliste palestinien basé à Ramallah. Il couvre l’actualité palestinienne : événements politiques, mouvements sociaux, questions culturelles ... Il écrit pour les quotidiens libanais Assafir et Al Akhbar, les sites Middle East Eye, Mondoweiss et The New Arab, ainsi que pour les journaux électroniques palestiniens Metras et Quds News Network.Son compte twitter.
23 avril 2024 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine