Par Ahmed Aziz, Huthifa Fayyad
Une attaque israélienne contre des Palestiniens déplacés tue 45 personnes et laisse de nombreuses personnes aux prises avec des séquelles dévastatrices.
Après le lever du soleil, les survivants du bombardement israélien d’un camp de déplacés de Rafah sont revenus pour évaluer les dégâts. Des enfants ont jeté un coup d’œil par la fenêtre d’une voiture évidée, des hommes ont fouillé les débris calcinés et des journalistes ont pris des photos des boîtes de conserve noircies.
Une douzaine d’heures plus tôt, des familles palestiniennes se trouvaient à l’intérieur de ces tentes, qui ont pris feu après que l’armée israélienne a bombardé le campement, situé dans le nord-ouest de Rafah.
Beaucoup venaient de terminer les prières nocturnes, certains dormaient et d’autres étaient simplement réunis avec leurs familles.
« Nous étions assis en paix lorsque nous avons soudainement entendu l’explosion », a raconté Layan al-Fayoum, une survivante de l’attaque. « C’était si soudain. Les bombes sont tombées sans aucun avertissement ».
La jeune adolescente est sortie de sa tente pour voir ce qui se passait et a été choquée par l’immense brasier qui s’était emparé du site. « Les flammes étaient énormes », a-t-elle déclaré à Middle East Eye.
« Nous avons vu des tentes en feu et nous avons dû récupérer des corps démembrés et des enfants morts. »
L’attaque a eu lieu vers 22 heures, heure locale. Des avions israéliens ont largué des bombes sur le camp de fortune, provoquant un incendie qui a brûlé quelque 14 tentes, selon un témoin direct.
Le camp est situé dans la prétendue « zone humanitaire » désignée par Israël, près d’un entrepôt des Nations unies, selon une enquête d’Al Jazeera Arabic.
Le ministre palestinien de la santé a déclaré que 45 personnes avaient été tuées dans l’attaque. Vingt-quatre autres personnes ont été blessées, dont certaines grièvement, notamment des brûlés graves et des membres sectionnés.
Les responsables de la santé ont déclaré qu’ils étaient dépassés par le volume et le type de blessures, étant donné qu’un seul hôpital est opérationnel à Rafah en raison de la destruction par Israël du système de santé dans toute la bande de Gaza.
Les premiers secours ont décrit des difficultés similaires, 80 % des capacités de la défense civile palestinienne ayant été détruites depuis le 7 octobre.
Cette situation était évidente après le bombardement, lorsque les pompiers, le personnel paramédical et les habitants ont lutté pour contenir l’incendie. Des scènes chaotiques ont suivi, avec des survivants paniqués courant pour se mettre à l’abri au milieu des corps carbonisés, tandis qu’un homme tenait un enfant sans tête et qu’un infirmier en portait un autre dont le cerveau avait été soufflé.
« Je suis sorti de ma tente et j’ai vu du feu partout », a déclaré Mohammad Abo Sebah, un témoin. « Une jeune fille criait, nous l’avons aidée ainsi que son frère adulte. Lorsque nous sommes revenus, le campement était totalement détruit ».
Il a fallu entre une et deux heures à 11 camions de pompiers pour mettre fin à l’incendie, selon al-Fayoum.
L’adolescente a indiqué que sa famille prévoyait de s’installer dans un autre camp lundi matin, les attaques israéliennes à Rafah s’étant multipliées ces dernières semaines. Mais ils ont perdu leur argent dans l’incendie, ce qui signifie qu’ils ne peuvent aller nulle part et qu’ils n’ont plus de tente pour s’abriter.
« Ils ont dit qu’il s’agissait de zones sûres », a expliqué Abo Sebah à MEE.
Destruction, cadavres, meurtres
L’armée israélienne a prétendu avoir utilisé des « munitions précises » lors de l’attaque, qui aurait eu pour but de tuer deux membres de la branche armée du Hamas.
Abo Sebah, qui a fui le centre de Gaza pour se réfugier dans ce campement en janvier, a déclaré qu’il ne croyait pas aux affirmations israéliennes. « Que voulez-vous qu’ils disent d’autre ? » a-t-il expliqué à MEE. « Cette occupation est méprisable et criminelle. »
« Nous n’avons jamais vu de résistants ici. Les combattants se trouvent dans les zones de combat à l’est de Rafah. Les Israéliens ne disent cela que pour justifier leurs actions. Ils veulent tuer le peuple palestinien, l’expulser par la force et détruire ses foyers ».
Abo Sebah a perdu sa maison en novembre lorsqu’elle a été bombardée par des avions de guerre israéliens, une attaque qui a tué deux de ses fils, sa fille et son bébé de deux ans.
Il est venu à Rafah en quête de sécurité, Israël ayant dit aux Palestiniens de venir dans la ville du sud au début de la guerre pour éviter les zones dangereuses ailleurs. « Il n’y a pas d’endroit sûr ici. Personne n’est en sécurité. Même les morts enterrés sous terre ne sont pas en sécurité », a déclaré Abo Sebah.
« Destruction, cadavres et meurtres. C’est ça notre vie. »
Les massacres ont eu lieu deux jours après que la Cour internationale de justice a statué qu’Israël devait mettre fin à son offensive à Rafah dans le cadre de l’affaire en cours accusant Israël de génocide dans sa guerre contre Gaza.
Israël a rejeté cette décision et a déclaré que son offensive à Gaza était conforme au droit international.
27 mai 2024 – Middle-East-Eye – Traduction : Chronique de Palestine