Par Tareq S. Hajjaj
Cette guerre génocidaire s’accompagne de la destruction systématique de tout le système de santé de Gaza. Cela a créé une nouvelle catégorie de personnes qui meurent de maladies qui auraient pu être soigénes, en raison d’un manque systématique d’accès aux soins médicaux.
Nabil Kuhail, 3 ans, est assis sur un lit à l’hôpital européen de Khan Younis. Sa grand-mère, qui s’est occupée de lui après qu’il eut perdu 24 membres de sa famille, était assise à ses côtés.
Elle a tenté de raconter l’histoire de la mort lente de son petit-fils sous ses yeux, pleurant plus qu’elle ne parlait. Un journaliste local a enregistré son appel à sauver son petit-fils, tombé malade en raison des nouvelles conditions de déplacement et de pollution dans leurs abris et leurs tentes.
La grand-mère de Nabil, Fatima Kuhail, a déclaré qu’au début de la guerre, la famille avait été en mesure de protéger leur unique enfant, réussissant à répondre à ses besoins jusqu’à ce que les déplacements continus et de la vie sous des tentes commencent à exercer ses ravages sur lui.
Une éruption cutanée, une perte d’appétit, de longues heures de sommeil et une léthargie l’ont envahi. La famille a emmené l’enfant à l’hôpital de Rafah avant l’invasion israélienne de la ville. Après un long processus, les médecins l’ont diagnostiqué, mais n’ont pas pu lui offrir des soins médicaux appropriés.
« Les médecins font de leur mieux pour sauver l’enfant, mais ils n’ont rien de plus à offrir. C’est la limite de leurs capacités », déclare Fatima dans la vidéo, en pleurant. « Le garçon doit être transféré dans un hôpital plus avancé pour recevoir son traitement, mais c’est aussi difficile en temps de guerre ; les médecins me disent qu’ils ont mis son nom en tête de liste des priorités pour un traitement à l’étranger. »
Le diagnostic de Nabil était une leucémie, qui s’est traduite par une hypertrophie du foie et de la rate. « Lorsque nous avons compris, nous n’y avons pas cru. Nous ne voulons toujours pas croire que nous pourrions le perdre », poursuit Fatima. « Il remplit nos vies de joie. Nous serons tous tués si nous le perdons ».
Lorsque la guerre a commencé, la famille de Nabil a été déplacée du nord de Gaza vers le sud. Lorsque la famille a commencé à vivre sous des tentes, Nabil ne présentait encore aucun symptôme. Mais plus tard, alors qu’il semblait s’adapter à son environnement, les symptômes ont commencé à se manifester.
« Soudain, l’éruption cutanée est apparue sur son corps à cause des piqûres de moustiques et parce qu’il jouait dans la rue avec des chats et des chiens », explique Fatima, qui ajoute que son état n’a fait que se détériorer. « Chaque jour, son état empire. Lors de sa dernière prise de sang, son taux d’hémoglobine était de 9, et maintenant, après 4 jours, il n’est plus que de 6. Ce garçon est en train de mourir, et nous ne pouvons rien y faire ».
« Cela me tue de le voir souffrir et de ne pas pouvoir l’aider », a-t-elle ajouté. « Il passe son temps à crier et à dire qu’il a les pieds en feu. »
Peu après la diffusion de l’interview de Fatima sur les réseaux sociaux, Nabil a finalement pu quitter Gaza et a été transféré à l’hôpital Augusta Victoria de Jérusalem. Deux jours après son arrivée, il est décédé. Il a été renvoyé à Gaza pour y être enterré.
L’histoire de Nabil est une histoire parmi tant d’autres. D’innombrables patients ont lutté pour obtenir un traitement pour toute une série de maladies, des plus graves aux plus banales, ces dernières étant souvent aussi mortelles que les premières.
Il n’existe aucune liste officielle des personnes décédées à Gaza pendant la guerre en raison de leur incapacité à recevoir un traitement médical. Le système de santé de Gaza, qui s’est effondré, a à peine réussi à dénombrer les personnes directement tuées par Israël.
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Cette politique délibérée de destruction des infrastructures de santé pour faciliter l’effondrement social a eu pour effet supplémentaire de créer une nouvelle catégorie de personnes qui meurent de maladies pourtant curables en raison du manque systématique d’accès aux soins médicaux.
Le ministère de la santé de Gaza publie chaque jour un communiqué sur le nombre de victimes et de morts. Chaque jour, le ministère lance un appel à la communauté internationale pour qu’elle mette fin à la crise sanitaire à Gaza.
Le récent rapport indique que plus de 1 477 748 personnes à Gaza ont été infectées par des maladies infectieuses depuis le 7 octobre en raison des foules dans les centres de déplacés et des faibles normes d’hygiène. 71 338 d’entre elles ont été infectées par l’hépatite.
« En raison de la fermeture continue du point de passage par Israël et de la guerre en cours, l’unique station d’oxygène de Gaza risque de s’arrêter faute de diesel », indique le rapport du ministère de la santé. « Les services de dialyse à Gaza risquent de s’arrêter, les hôpitaux et les centres de santé du gouvernorat de Gaza et l’entrepôt pharmaceutique sont sur le point de s’arrêter, et les ambulances restantes ne seront bientôt plus opérationnelles. »
« Le ciblage des centres de santé et des hôpitaux par les forces israéliennes a conduit à la suppression de 22 des 38 hôpitaux gouvernementaux et privés – seuls 16 d’entre eux restant partiellement opérationnels », poursuit le rapport du ministère de la santé. « Il a également entraîné la fermeture de 64 des 90 centres de santé de Gaza en raison de l’ampleur des destructions. »
Le ministère de la santé a déclaré aussi qu’aucun hôpital de la bande de Gaza ne fonctionnait à pleine capacité et que de nombreux services de santé, tels que les services ambulatoires, les opérations programmées, l’oncologie, le cathétérisme cardiaque et la transplantation d’organes, avaient cessé leurs activités.
Cette guerre génocidaire s’accompagne de la destruction systématique de toutes les institutions sanitaires de Gaza.
Dans chaque ville envahie par l’armée, les hôpitaux sont pris pour cible, saccagés et détruits. Nombre d’entre eux ont été le théâtre de massacres et ont été transformés en charniers.
L’armée a veillé à ce que tout le matériel médical et les bâtiments soient détruits, garantissant ainsi que les hôpitaux de Gaza ne seraient plus opérationnels.
Plus récemment, lorsque l’armée israélienne a envahi Rafah, la première partie de la ville à recevoir un avertissement d’évacuation a été l’hôpital al-Najjar dans l’est de Rafah, puis le centre médical al-Awdah.
Plus tard, l’armée israélienne a bombardé et pilonné l’hôpital koweïtien au centre de Rafah.
À ce stade de l’invasion, tous les hôpitaux de Rafah ont été vidés. Ils sont tous hors service.
Auteur : Tareq S. Hajjaj
* Tareq S. Hajjaj est un auteur et un membre de l'Union des écrivains palestiniens. Il a étudié la littérature anglaise à l'université Al-Azhar de Gaza. Il a débuté sa carrière dans le journalisme en 2015 en travaillant comme journaliste/traducteur au journal local Donia al-Watan, puis en écrivant en arabe et en anglais pour des organes internationaux tels que Elbadi, MEE et Al Monitor. Aujourd'hui, il écrit pour We Are Not Numbers et Mondoweiss.Son compte Twitter.
21 juin 2024 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine