Par Tareq S. Hajjaj
L’armée israélienne d’occupation a commis un nouveau massacre contre des Palestiniens déplacés dans des campements de tentes, cette fois dans la région côtière de Mawasi, que les Israéliens avaient désignée comme « zone de sécurité ».
Dans un cratère presque plus grand qu’une cour d’école, un groupe de jeunes hommes creuse dans le sable et extraits les corps.
« Sa tête est là ! Sa tête est là ! », crie quelqu’un. Un homme sort du trou, portant un enfant. # Qui sait qui est cet enfant ? Qui connaît sa famille ? Où sont ses parents ? », demande-t-il.
Derrière lui, des cadavres et des membres coupés sont éparpillés sur le sol. Certains sortent du sable, à moitié enterrés.
Lorsque l’armée israélienne a frappé le camp côtier de déplacés d’al-Mawasi, à l’ouest de Khan Younis, il n’y avait jusque là pas de destructions apparentes. La « zone de sécurité » désignée par les Israéliens n’était guère plus qu’une mer de tentes sur la plage, si bien que les gens ont été littéralement enterrés dans le sable.
Samedi à 10 heures, alors que les réfugiés commençaient leur journée, l’armée israélienne a pris la zone pour cible avec des frappes aériennes successives, provoquant un massacre qui, selon le ministère de la santé de Gaza, a tué 90 personnes et en a blessé plus de 300 autres à l’heure où nous écrivons ces lignes.
La moitié des victimes sont des femmes et des enfants, précise le ministère de la santé.
Shaima Farwaneh, 16 ans, se trouvait près du site du massacre lorsque celui-ci s’est produit. Elle s’apprêtait à préparer à manger pour sa famille lorsque les bombes sont tombées.
Des personnes et du sable se sont éparpillés partout, des membres qui étaient autrefois attachés à des corps ont volé au-dessus de leurs têtes…
« Une jambe m’a frappée et j’ai vu des corps démembrés à quelques mètres de là », a déclaré Shaima à Mondoweiss. « J’ai vu un jeune enfant qui criait. Il avait perdu ses membres inférieurs et rampait sur les mains en criant. Les bombes n’ont pas cessé, et soudain l’enfant a disparu. J’ai vu comment il s’est volatilisé devant moi alors que nous courrions et que nous fixions les yeux vers le sol, incapables de faire autre chose que de courir ».
Shaima raconte avoir entendu près d’une dizaine d’explosions successives avant que cela ne s’arrête. « Quelle vie nous menons dans ces tentes pour voir les corps démembrés de nos frères et sœurs et de nos familles voler au-dessus de nos têtes. »
Lorsque les ambulances et les équipes de la défense civile sont arrivées près d’un marché très fréquenté par les habitants de la zone, leurs véhicules ont également été pris pour cible, selon le directeur de la défense civile de Khan Younis, Yamen Abu Suleiman. Deux agents de la défense civile ont été tués au cours de la frappe.
Abu Suleiman a déclaré que l’occupation avait visé Al-Mawasi avec un important barrage de missiles, ce qui a fait de nombreuses victimes. « L’occupation a ciblé la zone plus d’une fois pour nous empêcher de mener des opérations de sauvetage », explique-t-il à Mondoweiss, dénonçant le silence du Comité international de la Croix-Rouge sur le fait qu’Israël empêche les équipes de secours de faire leur travail.
Israël prétend que les frappes aériennes visaient à assassiner Muhammad al-Deif, le chef de la branche armée du Hamas, les Brigades al-Qassam, ainsi que le commandant de la Brigade du district de Khan Younis d’al-Qassam, Rafi Salama.
Le bureau des médias du gouvernement de Gaza dément les affirmations israéliennes, soulignant qu’elles ne sont rien d’autre qu’un moyen de détourner l’attention du monde de la réalité du massacre commis par l’armée israélienne dans le cadre du génocide de la population de Gaza.
Selon des sources locales, plus de 80 000 personnes déplacées vivent actuellement dans des tentes dans cette zone.
Aucun État ne fait cela !
Fawzia Sheikh Youssef, âgée de 82 ans, a été ensevelie sous le sable du bombardement mais a survécu. Elle décrit ce qu’elle a vécu pendant le massacre comme quelque chose qu’elle n’avait jamais vu de toute sa vie.
Elle raconte à Mondoweiss qu’elle avait déjà été déplacée lors de la Nakba de 1948, alors qu’elle n’avait que 6 ans, qu’elle était venue dans la région de Khan Younis et qu’elle était restée avec sa famille pendant deux ans dans une tente. Soixante-seize ans plus tard, elle s’est retrouvée au point de départ, mais cette fois-ci en assistant à des massacres comme elle n’en avait jamais vus, même pendant la Nakba.
« Il n’y a aucun pays au monde qui fasse cela à des enfants, des femmes et des civils », dit-elle. « Les guerres ne sont pas comme ça. »
Fawzia était en train de prendre son petit-déjeuner lorsque la bombe a traversé son campement, démolissant sa tente et la piégeant en dessous. Elle s’est retrouvée couverte de sable et bloquée à l’intérieur, mais n’a pas été gravement blessée. Elle a commencé à ramper sur le sol et s’est extirpée de sous la tente, pour finalement s’échapper vers un endroit éloigné des éclats d’obus et des missiles, plus proche de la route principale.
« J’ai vu sous mes yeux un missile après l’autre descendre à côté des tentes. Des armes que je n’ai jamais vues de ma vie, dans toutes les guerres de Gaza. N’est-ce pas interdit au niveau international ? La population civile ne devrait-elle pas être protégée et ne pas être confrontée à un génocide et à des massacres ? N’est-ce pas interdit ? »
« Ils ont tué des jeunes et des femmes âgées. Ils ne respectent pas les humains. Ne sommes-nous pas des êtres humains ? Il n’y a rien pour nous protéger de ces missiles. Les tentes nous sont tombées sur la tête et j’ai reçu deux éclats d’obus dans la jambe. Je risque de mourir empoisonnée, et je n’ai fait de mal à personne. »
« Il ne s’agit pas d’actes humains », affirme Fawzia. « Un État normal saurait que les enfants et les femmes ont de la valeur. Leur vie doit être respectée. Il est interdit de les tuer. Il y a des guerres… Certains pays se battent dans le monde, mais pas comme ça. Pas comme ce qui se passe chez nous. »
« J’ai perdu mon fils et j’ai fui l’horreur des bombardements »
Samah al-Farra, une survivante du massacre, raconte qu’elle a fui l’horreur des missiles, laissant son fils derrière elle sans savoir ce qu’elle faisait. Elle décrit ce qu’elle a vu après l’attaque comme un témoignage des horreurs du Jour de la Résurrection. Le bruit des explosions, la panique des gens autour d’elle, la bousculade dans la tentative de fuite, les femmes quittant leurs tentes sans même porter leurs vêtements – Samah doit vivre en étant témoin de toutes ces scènes brutales.
« Les gens couraient. Le sable nous aveuglait et il y avait du feu au-dessus de nos têtes. J’ai perdu mon fils derrière moi et j’ai commencé à courir. J’ai trouvé le monde à l’envers. Les corps des martyrs étaient à côté de nous, coupés en morceaux. C’était un massacre. Les fragments, le sable et les corps volaient au-dessus de nos têtes pendant que nous courrions », raconte Samah.
Selon elle, si cette densité de missiles était tombée sur des bâtiments fortifiés, elle les aurait détruits. « Mais qu’en est-il lorsqu’ils tombent sur des tentes dont les habitants ne sont protégés que par un morceau de tissu ? »
Elle décrit la scène comme une pluie de missiles tombant quatre fois de suite, avec plus d’une explosion à chaque fois. « Nous nous sommes sauvés. Si nous étions restés là où nous étions, nous aurions été découpés et ensevelis sous le sable ».
Les médias ont rapporté que les bombes utilisées lors de l’attaque d’al-Mawasi étaient des JDAM fabriqués aux États-Unis, qui transforment des bombes non guidées très destructrices en missiles plus précis.
Toute la zone était sens dessus dessou
Aziza Abu Tahir est assise devant les dégâts causés par le bombardement. Des sacs de farine, des litres d’eau, des légumes, des taies d’oreiller et des ustensiles jonchent la zone. Elle possède un four et s’assoit à côté tous les jours. Les femmes du camp lui envoient leur pâte à cuire pour une somme modique.
« Lorsqu’ils ont lâché les bombes au-dessus de nos têtes, tous les gens couraient et criaient en disant qu’il s’agissait de bombes incendiaires, et c’est la première fois que nous entendions un tel son », raconte Aziza à Mondoweiss.
« Nous nous sommes enfuis, et personne ne savait où courir. Certaines personnes sont parties d’une direction et ont été touchées par les bombes, d’autres sont parties d’une autre direction et ont survécu. Mais personne ne savait où ils allaient ».
Pendant qu’elle parle, un petit enfant, le fils de sa voisine, la serre dans ses bras. Aziza raconte que sa mère s’occupe d’orphelins et explique que lorsque l’attaque a commencé, sa mère apportait de la pâte à Aziza pour qu’elle la fasse cuire afin de la revendre et d’obtenir un revenu pour sa famille.
« Elle était juste là, j’ai fait cuire ce qu’elle voulait et elle est allée le vendre. Dès qu’elle s’est éloignée, les bombardements ont commencé. Je ne sais pas où elle est maintenant, et je ne sais pas si elle reviendra. Toute la zone dans laquelle elle se déplaçait a été renversée et tout a été enterré. »
Auteur : Tareq S. Hajjaj
* Tareq S. Hajjaj est un auteur et un membre de l'Union des écrivains palestiniens. Il a étudié la littérature anglaise à l'université Al-Azhar de Gaza. Il a débuté sa carrière dans le journalisme en 2015 en travaillant comme journaliste/traducteur au journal local Donia al-Watan, puis en écrivant en arabe et en anglais pour des organes internationaux tels que Elbadi, MEE et Al Monitor. Aujourd'hui, il écrit pour We Are Not Numbers et Mondoweiss.Son compte Twitter.
14 juillet 2024 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine