Nos larmes pour ces enfants qui n’ont plus de parents pour les pleurer

Dans le camp de Nuseirat, au centre de la bande de Gaza, enfants comme adultes collectent des déchets pour qu'ils soient ensuite vendus et réutilisés si utiles. Après plus d'un an de guerre génocidaire d'Israël contre Gaza, la grande majorité de la population est déplacée et confrontée à une crise humanitaire catastrophique, l'aide étant systématiquement entravée par Israël - Photo : Yousef al-Zanoun / Activestills

Par Marie Schwab

Zein, 9 ans, dort sur la tombe de sa mère, assassinée par Israël. Avant, il rêvait de devenir docteur. À présent, son rêve, c’est de revoir sa mère : « Si seulement je pouvais revoir ma maman, qu’elle sorte de sa tombe juste cinq minutes, le temps de l’embrasser. » Son père dit ne souhaiter à aucun être humain sur terre de vivre ce que traverse son fils. (1)

Pour être identifiée si elle devait mourir, Nour, 8 ans, avait marqué sur son bras : « Nour, l’amour de papa et maman ». Son assassinat par une bombe israélienne dimanche à Jabaliya n’a pas causé le désespoir de ses parents : ils ont été tués en même temps qu’elle, avec trente-trois autres membres de la famille. « Nous sommes ceux qui sont morts », déclare Motassam, un survivant du massacre. « Eux vivent dans la paix de Dieu. » (2)

Leur offrir nos larmes, à ces enfants qui n’ont plus de parents pour les pleurer ; offrir nos larmes à chacun des enfants assassinés jour après jour par Israël, c’est bien le moins que nous puissions faire, nous qui n’arrivons pas à stopper leur massacre.

Selon l’OCHA, les premières victimes des bombes israéliennes sont les enfants de 5 à 9 ans, puis les enfants de 0 à 4 ans, puis les femmes. Selon les nouvelles données, femmes et enfants représentent 70% des victimes assassinées par les bombes américaines larguées par Israël. L’OCHA a dénombré cinq massacres majeurs commis par l’armée d’occupation à Gaza entre le 4 et le 10 novembre.

Et ça continue : lundi 11 novembre, l’armée génocidaire s’est acharnée sur les quatre hôpitaux restant dans le Nord de Gaza, où des blessés venaient juste d’être amenés. Dans le même temps, Israël bombardait aussi Nuseirat, dans le centre, assassinant des dizaines de personnes.

Lundi toujours, à Gaza-Ville, après avoir filmé, à des fins de propagande, les trois uniques camions à être parvenus dans le Nord depuis près de quarante jours, Israël a bombardé la foule qui attendait la distribution de nourriture et d’eau, ainsi que le contenu des camions.

Mardi, c’est à Al-Mawasi, dans le Sud, dans la zone désignée comme sûre par l’occupant, que l’armée israélienne a bombardé une distribution d’aide humanitaire. Des flaques de sang et de farine mêlés jonchaient le sol.

Mardi aussi, l’occupant a bombardé, toujours dans la zone dite sûre, une tente qui faisait office de café, un lieu où petits et grands essayaient de se réconforter mutuellement dans un élan commun de résilience.

Mercredi à l’aube, l’armée d’occupation a bombardé, à Deir el Balah, dans le centre, les tentes abritant des orphelins déplacés, puis les fidèles rassemblés en prière pour la fin des massacres à la mosquée al-Nour.

Ces crimes ne sont que quelques unes des atrocités plus choquantes les unes que les autres, commises ces derniers jours par Israël – le résultat insoutenable de la dynamique sinistre de l’impunité.

À Gaza, c’est une population plongée dans la famine que l’occupant bombarde. Les enfants souffrant de famine sont si faibles qu’ils ne peuvent plus pleurer.

Du Nord de Gaza nous parviennent des images de foules acculées, terrorisées, fuyant vers d’autres bombardements ; de jeunes enfants portant leur benjamin, la jambe en sang ; de parents obligés de traîner littéralement leurs enfants sur la route, des enfants épuisés, exsangues, à demi-morts déjà.

Israël revendique sans aucune légitimité le droit de se défendre – le droit d’exterminer le peuple qu’il persécute depuis 76 ans.

Cependant jour après jour, ce ne sont pas des armes qu’on exhume des gravats, mais des corps d’enfants. Parfois l’enfant semble juste endormi ; souvent son corps est mutilé, défiguré, démembré ; parfois ce sont des restes humains épars que les équipes de déblayeurs rassemblent et qui sont remis au poids aux proches venant chercher les corps. Un enfant de 5 ans ? Le père se voit remettre dans un sac 15 kg de bouillie de chair humaine indistincte.

Là où fleurissait la vie, où s’ébattaient les enfants, où l’on prenait le frais avec ses voisins, dans les quartiers, les jardins, les avenues, les cours, on trouve à présent 120 charniers.

Les enfants meurent sans avoir eu la chance de vivre. Les plus petits n’auront rien connu d’autre que quelques mois de terreur, de famine, de bombardements. « Où est l’Occident, avec ses discours sur la justice et la liberté ? », s’interroge Ahmed el Kafarna, fuyant Beit Hanoun. « Nous fuyons la destruction et les bombardements pour plus de dévastation et de mort » (3)

Riyad Mansour, ambassadeur de Palestine à l’ONU, rappelle que début octobre, 885 soignants et 300 travailleurs humanitaires avaient été assassinés, chiffres les plus élevés jamais enregistrés dans le monde au cours d’une seule crise. « Non content de priver notre peuple de la nourriture et de l’eau nécessaires à sa survie, la puissance occupante lui refuse également l’accès aux soins vitaux, au fort du cataclysme humanitaire qu’elle a causé », déclare-t-il. (4)

Fort d’une longue expérience humanitaire en zones de guerre, y compris au Rwanda lors du génocide, le Dr. Nizam Mamode, de retour de Gaza, témoigne ne s’être jamais trouvé dans une zone de conflit comme à Gaza, où l’arrivée des biens médicaux est bloquée, les hôpitaux bombardés, les ambulances attaquées, les soignants ciblés ou arrêtés. « Si tel n’était pas le cas, des dizaines de milliers de vies seraient sauvées », estime-t-il.

Il évalue à plus de 200 000 le nombres de tués.

« Ce qui se passe à Gaza, dit-il, est complètement différent, en intensité, de tous les conflits, à tous les aspects. » (5)

Il est vrai que c’est la première fois qu’on assiste à l’anéantissement méthodique du système de soins, combiné au ciblage délibéré et massif d’une population civile captive, soumise à une famine créée de main d’homme, par la volonté d’une poignée de déments qu’il faudrait juger et enfermer de toute urgence. Par le soutien actif, aussi, dont bénéficient ces fous furieux de la part de l’Occident, et par le silence complice des autres.

Je voudrais terminer par une pensée pour Majdiya, survivante de la Nakba, qui a dû faire un dernier adieu à son arrière-petit-fils Tamer, 5 mois, à son arrière-petite-fille Nada, 4 ans, à sa fille Suzan, 47 ans, assassinés par Israël le 1er novembre à Nuseirat.

Elle avait déjà perdu son petit-fils Tamer, le père du bébé Tamer, victime d’un bombardement israélien, il y a cinq mois, juste avant la naissance de son arrière-petit-fils, qui a brièvement porté le prénom de son père martyr.

Une pensée aussi pour le petit-fils de Majdiya, Hassan, 17 ans, qui s’agrippait au corps de sa mère Suzan, suppliant d’être enterré avec elle.

Notes :

16 novembre 2024 – Transmis par l’auteure.

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