Trump 2.0 et l’avenir du combat pour la Palestine

Photo : Shedrick Pelt via The Palestine Studies

Par Abdullah Al-Arian, Andrew Kadi, Hanna al-Shaikh, Tariq Kenney-Shawa

Le 5 novembre 2024, les électeurs américains ont élu Donald J. Trump pour un second mandat lors de la 60e élection présidentielle. Sa victoire et son retour au pouvoir, quatre ans plus tard, font suite à une campagne présidentielle démocrate mouvementée, qui a vu le président Biden abandonner sa tentative de réélection au début de l’année et son successeur, la vice-présidente Kamala Harris, réitérer le soutien des États-Unis au génocide israélien à Gaza.

Comment l’administration Trump se situera-t-elle par rapport à son prédécesseur en ce qui concerne les relations entre les États-Unis et Israël ?

Conformément à la tradition des campagnes présidentielles américaines, les républicains et les démocrates ont passé les derniers mois à se disputer le titre de « meilleur ami d’Israël », chaque candidat au titre essayant de surpasser les autres dans la déshumanisation des Palestiniens et les assurances de soutien inconditionnel à Israël. Harris et Trump ont tous deux promis d’élever les relations déjà « spéciales » entre les États-Unis et Israël à des sommets inédits.

De nombreuses personnes ont prétendu qu’Harris représentait un « moindre mal » par rapport à Trump, mais sa campagne n’a pas validé cet argument. Au lieu de s’engager auprès des électeurs anti-génocide pour élargir la coalition démocrate nécessaire à la victoire, Harris les a ignorés.

Cette décision s’inscrit dans la longue liste des erreurs qui ont coûté aux démocrates cette élection cruciale. À l’inverse, Trump a habilement courtisé les électeurs arabes et musulmans américains, en capitalisant sur leur frustration à l’égard du parti démocrate et en leur promettant, même en termes vagues, de mettre « fin à la guerre ».

Aujourd’hui, avec le retour imminent de Trump dans le bureau ovale, nous pouvons nous attendre à ce que lui et ses conseillers d’extrême droite tiennent leur promesse de campagne d’intensifier le soutien de Washington à d’Israël. Toutefois, on ne sait pas exactement à quoi cela ressemblera sur le terrain, ni quel impact cela aura sur le génocide en cours.

Si Donald Trump s’est engagé à laisser Israël « finir le travail » à Gaza, il a également la réputation d’être notoirement imprévisible. Et si l’année écoulée nous a appris quelque chose, c’est qu’on ne peut pas se fier aux promesses.

Ce qui différencie le plus Trump de son prédécesseur, c’est qu’il n’a pas d’idéologie, le commerce est son horizon. Tandis que le soutien inconditionnel de Joe Biden à Israël vient de sa croyance profonde dans le mythe du sionisme.

Donald Trump agira en fonction de ses propres intérêts, ou en fonction des exigences de sa base « l’Amérique d’abord ». Cette approche pourrait rendre Trump moins désireux de déployer les ressources et le personnel américains pour aider Israël à mener des guerres sans fin qui ne profitent pas aux intérêts américains.

Le génocide israélien à Gaza, l’invasion du Liban et la menace constante d’une guerre plus large avec l’Iran sont devenus des obstacles majeurs aux objectifs communs de Trump et de Biden d’étendre les accords d’Abraham et, en fin de compte, de réduire l’empreinte américaine dans la région.

En effet, l’entêtement de Biden à défendre Israël à tout prix l’a emporté sur ses velléités à faire pression sur Netanyahu pour obtenir un accord de cessez-le-feu et une désescalade plus large.

Trump, quant à lui, a indiqué à plusieurs reprises qu’il attendait d’Israël qu’il « mette fin à la guerre » afin de pouvoir poursuivre ses objectifs régionaux plus larges, y compris l’objectif majeur d’un accord de normalisation entre Israël et l’Arabie saoudite. La forme concrète que prendrait cet accord est une autre question.

Il est important de noter que Trump devra également se plier aux intérêts de ses conseillers et donateurs pro-israéliens. Alors que le président élu s’est insurgé contre les « faucons de guerre » comme les Cheney pendant sa campagne électorale, il a déjà indiqué qu’il nommerait des personnalités bien connues comme Brian Hook, Elise Stefanik et Marco Rubio à des postes clés au sein de son administration.

Ce groupe plaidera sans aucun doute en faveur du maintien de la politique américaine dans la région, en accord avec Netanyahu et sa coalition gouvernementale d’extrême-droite, déterminés à « remodeler » l’ensemble du Moyen-Orient par la force.

Il est clair, toutefois, que les administrations Biden et Trump partagent, en fin de compte, des visions similaires pour le Moyen-Orient, la préservation de la domination d’Israël étant une priorité essentielle.

C’est dans les méthodes qu’ils divergent : alors que Biden cherchait à ancrer la domination israélienne sous la façade du libéralisme et du multilatéralisme, Trump n’a aucun scrupule à abandonner le rôle diplomatique traditionnel de Washington et à poursuivre les mêmes objectifs sans se donner la peine de dissimuler la complicité des États-Unis.

En conséquence, nous pouvons nous attendre à ce que l’administration Trump annule les sanctions symboliques de Biden contre les colons israéliens violents, intensifie les efforts pour protéger Israël de toute redevabilité devant la CPI et la CIJ, et aide d’Israël à détruire l’UNRWA.

Alors que peu de choses changeront en ce qui concerne les fondements de la relation « spéciale » entre les États-Unis et Israël, caractérisée par l’éternelle impunité israélienne, nous assisterons probablement à une intensification des politiques pro-israéliennes menées par les administrations Biden et Trump.

Ce que Trump a commencé au cours de son premier mandat – du transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem à la suppression du financement de l’UNRWA -, Biden n’a fait que l’intensifier au cours de son mandat. Et Trump va reprendre là où Biden est arrivé.

De nombreux Israéliens préfèrent Trump à un démocrate parce qu’ils le croient plus favorable au projet expansionniste israélien.

Mais c’est parce qu’ils ne voient pas que non seulement la politique israélo-palestinienne de Biden était presque identique à celle de son prédécesseur bien avant le 7 octobre 2023, mais, qu’en plus, Biden a battu des records en matière de soutien inconditionnel à Israël : Biden a fourni à Israël plus de soutien militaire, politique et diplomatique que n’importe quelle administration précédente, alors même que l’Etat hébreu était et est toujours en train de commettre un génocide.

Les Israéliens espèrent que Trump les aidera à « finir le travail » plus rapidement, mais il s’agit, en fait, d’un processus déjà en cours et qui se poursuivra quel que soit l’occupant du bureau ovale.

Beaucoup oublient que les efforts incessants de Joe Biden pour empêcher l’isolement d’Israël et masquer la complicité des États-Unis sont peut-être la raison même pour laquelle Israël a pu s’en tirer avec un génocide pendant si longtemps.

La question est maintenant de savoir comment les Américains et l’ensemble de la communauté internationale réagiront à la relation plus franche de Trump avec Israël et à sa complicité ouverte dans le génocide palestinien.

Quels changements Trump apportera-t-il à l’engagement des États-Unis auprès des dirigeants palestiniens ?

Il est presque impossible de parler d’une administration Trump entrante sans mentionner le caractère imprévisible du président élu et de ses décisions politiques.

En gardant cela à l’esprit, il est important de se concentrer sur deux aspects clés de la politique américaine au Moyen-Orient sous Trump : quelle forme prendront les relations de l’administration avec les dirigeants palestiniens et quelles seront les conséquences pour les Palestiniens.

Alors qu’Israël et ses partisans américains cherchent à reproduire l’agenda anti-palestinien du premier mandat de Trump, il est clair que sa deuxième administration ne sera pas à l’image de la première.

Avec une campagne visant à résoudre les conflits étrangers pour se concentrer sur un programme « l’Amérique d’abord », couplée à un paysage régional du Moyen-Orient radicalement modifié, on peut s’attendre à ce que le groupe informel de conseillers de Trump donne la priorité à des projets intérieurs.

Par exemple, le sénateur Marco Rubio, l’un des principaux candidats au poste de secrétaire d’État, s’est récemment opposé à un programme d’aide d’urgence à l’Ukraine, à Israël et à Taïwan, non pas en raison de son opposition à Israël, mais parce qu’il excluait le financement de la sécurité des frontières, ce qu’il a qualifié de « chantage législatif ».

Trump, qui tient également à préserver les accords d’Abraham et les liens étroits entre l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, donnera probablement la priorité à la désescalade – comme le réclame de plus en plus la base de MAGA.

Cette dynamique complexe pourrait entraîner un recalibrage de l’engagement des États-Unis auprès des dirigeants palestiniens, qui conduirait à une restructuration des relations actuelles.

La seconde administration Trump est confrontée aux défis d’un cabinet potentiellement divisé entre isolationnistes et faucons de guerre. Ces derniers pourraient donner la priorité aux intérêts israéliens plutôt qu’à l’agenda intérieur de Trump, mais ce dernier s’est toujours opposé à une guerre totale avec l’Iran, à la différence de John Bolton.

Le futur vice-président JD Vance est lui aussi opposé à une guerre avec l’Iran.

Cette position, aggravée par l’imprévisibilité de Trump en matière de politique étrangère, inquiète Netanyahu qui espérait un soutien inconditionnel de la part des États-Unis.

Plus prononcée que lors de son premier mandat, l’image d’outsider, que Trump a acquise, suggère un rejet continu des protocoles américains traditionnels. La pression de sa base a culminé avec le choix de Trump d’exclure des néoconservateurs comme Nikki Haley ou Mike Pompeo de rôles clés, ce qui laisse augurer de l’anticonformisme croissant de l’administration entrante.

Par exemple, en 2020, Ismail Haniyeh a révélé que le bureau de Jared Kushner avait cherché à rencontrer le Hamas par le biais d’un intermédiaire. Le Hamas a refusé, non pas « par principe », mais parce qu’il était évident pour les dirigeants que l’intention était de les contraindre à désarmer et à accepter « l’accord du siècle ».

Si une telle démarche semble improbable après le 7 octobre, la capacité de Trump à défier les attentes reste remarquable – par exemple, il est devenu le premier président américain en exercice à se rendre sur le territoire nord-coréen après la guerre de Corée lors d’une rencontre avec Kim Jong Un dans la zone démilitarisée en 2019.

L’Organisation de libération de la Palestine (OLP) a rompu ses liens avec Trump quand il a déménagé l’ambassade des États-Unis à Jérusalem en 2017, et l’Autorité palestinienne (AP) a publiquement affirmé qu’elle mettait fin à la coordination en matière de sécurité avec les États-Unis et Israël en signe de protestation contre le « Deal du siècle ».

Les canaux de communication se sont rouverts au lendemain des élections américaines, Trump et Abbas s’étant entretenus au téléphone au sujet d’un cessez-le-feu à Gaza.

Quelques jours plus tôt, le Hamas et le Fatah se sont rencontrés au Caire pour discuter des arrangements d’après-guerre, convenant d’un « comité administratif de Gaza » qui sera indépendant des factions et composé de technocrates et de fonctionnaires chargés de l’aide d’après-guerre.

Malgré la fragmentation du corps politique palestinien, cet accord, associé à l’opinion favorable de Trump à l’égard d’Abbas, pourrait influencer les efforts de médiation américains.

L’intérêt de Trump pour la reprise des pourparlers avec Abbas vient peut-être de ce qu’il croit le président palestinien capable de faire la paix, contrairement à Netanyahu, ainsi qu’il l’a reconnu : « Je ne pense pas que Bibi ait jamais voulu faire la paix ».

Bien que Trump se soit raccomodé publiquement avec Netanyahu après une rupture causée par le message de félicitations adressé par le Premier ministre israélien à Biden en 2020 -Trump accorde une importance primordiale à la loyauté à sa personne – certains commentateurs pro-israéliens et publications israéliennes éprouvent un sentiment d’anxiété palpable. Ce n’était pas du tout le cas en 2016.

Si Trump honore ses promesses de campagne de mettre fin aux guerres, les Palestiniens seront confrontés à deux scénarios.

  • Dans le premier, une volonté de stabilité régionale pourrait se traduire par des accords négociés par Washington qui favoriseraient Israël tout en réduisant les effusions de sang à Gaza et au Liban.
    Les progrès politiques pourraient s’enliser, mais des coups durs tels que la suppression du financement de l’UNRWA pourraient être évités, ce qui permettrait de reconstruire la bande de Gaza. Ce scénario pourrait impliquer un élargissement des accords d’Abraham, comme la normalisation saoudienne – un exploit que l’administration Biden n’a pas pu réaliser à travers son approche « bear hug » (câlin d’ours) avec Israël – en échange d’une désescalade israélienne.
  • Dans le second scénario, Trump pourrait abandonner complètement les efforts de paix et donner carte blanche à Israël pour l’annexion, le nettoyage ethnique et l’affaiblissement des institutions palestiniennes telles que l’UNRWA.
    Cela aurait des conséquences dévastatrices pour les Palestiniens. Quoi qu’il en soit, les Palestiniens doivent se préparer à un mandat volatile et imprévisible.
    Après un an de participation active de l’administration Biden au génocide de Gaza, qui a mis à mal l’ordre international imposé par les États-Unis depuis près d’un siècle, les normes américaines en matière d’engagement dans le monde risquent d’être bouleversées d’une nouvelle manière – et l’engagement avec les dirigeants palestiniens ne fera pas exception à la règle.

Que signifie l’arrivée de l’administration Trump pour la politique américaine dans la région arabe ?

La récente élection de Trump soulève des questions immédiates sur la manière dont son administration abordera la politique étrangère par rapport à son prédécesseur.

Pour le dire en deux mots, ce sera toujours plus de la même chose. La perspective stratégique de la politique américaine au Moyen-Orient est principalement façonnée par « l‘Etat profond », ce qui se traduit par des différences concrètes minimes entre les administrations.

Néanmoins, Trump s’est montré déterminé à tester les limites des pratiques politiques établies, ce qui, dans un moment aussi délicat et destructeur que celui-ci, pourrait avoir des conséquences dévastatrices.

Les critiques libéraux soulignent souvent que la première ère Trump a marqué une rupture majeure avec la politique étrangère traditionnelle des États-Unis.

S’il est vrai que Trump a ignoré les protocoles diplomatiques conventionnels et s’est parfois lancé dans des projets personnels dans le domaine des affaires mondiales, ses initiatives au Moyen-Orient n’ont pas représenté une rupture radicale, mais plutôt une étape évolutive pour la politique américaine conventionnelle.

Plutôt que de s’efforcer de renverser les exploits régionaux de Trump – tels que l’annulation de l’accord sur l’Iran de l’ère Obama ou le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem – la priorité de Biden dans la région a seulement été de s’appuyer sur les acquis de Trump pour étendre à l’Arabie saoudite la normalisation d’Israël avec plusieurs régimes arabes – un projet qui a été, au moins temporairement, bouleversé le 7 octobre.

Au cours de la décennie qui a précédé les événements du 7 octobre, la politique américaine dans la région peut être brièvement résumée comme suit :

  • contenir l’Iran tout en affaiblissant progressivement ses alliés régionaux
  • maintenir la supériorité militaire d’Israël tout en renforçant et en réalignant les régimes arabes clients dans un cadre de sécurité commun soutenu par la normalisation diplomatique et l’intégration économique
  • et isoler davantage les Palestiniens tout en supprimant définitivement la question de leur avenir politique de l’ordre du jour mondial.

Lorsqu’Israël a lancé sa guerre génocidaire à Gaza à l’automne dernier, il est rapidement apparu aux décideurs américains que cet arrangement n’était plus tenable.

En conséquence, l’administration Biden s’est engagée dans une nouvelle voie qui a largement suivi l’exemple de l’actuel gouvernement israélien et qui a consisté à utiliser la crise de l’après-7 octobre pour remodeler agressivement le paysage régional en décimant les capacités militaires des mouvements de résistance régionaux, voire en les détruisant complètement en tant qu’organisations.

Dès le début de la guerre d’Israël, cependant, il est apparu clairement que l’expansion de son offensive régionale finirait par entraîner une confrontation directe avec l’Iran, ce qui a donné lieu à une rare divergence de vue entre les responsables israéliens et américains.

Si les États-Unis ont soutenu de multiples actions israéliennes destinées à affaiblir l’Iran – une escalade significative par rapport à leur position antérieure d’endiguement -, l’administration Biden a néanmoins cherché à éviter une guerre totale qui impliquerait ses propres forces militaires.

Les dirigeants israéliens pourraient voir en Trump une occasion de contourner l’establishment de la politique étrangère et d’impliquer plus directement les États-Unis dans ce conflit.

Il n’est pas certain que Trump se laisse tenter : il a signalé à plusieurs reprises qu’il n’était pas intéressé par des engagements militaires à long terme en raison de leur impact négatif sur l’économie et sur le prestige personnel de Trump, deux facteurs qui sont prioritaires.

Toutefois, certains membres du cercle rapproché de Trump sont tout à fait d’accord avec l’objectif de l’extrême droite israélienne d’élargir le conflit avec l’Iran, et cela reste donc une possibilité.

Les événements de l’année dernière ont également menacé de bouleverser ce que l’on appelle « l’ordre fondé sur des règles », sur lequel les États-Unis et leurs alliés ont forgé le système régissant les relations internationales depuis la Seconde Guerre mondiale.

Cet ordre, fondé sur un certain nombre d’institutions et de pratiques internationales, ainsi que sur l’ensemble du droit international et des normes en matière de droits de l’homme, a donné aux États-Unis la crédibilité, l’influence et la capacité de revendiquer moralement le droit d’intervenir comme ils l’entendent, non seulement au Moyen-Orient, mais aussi dans d’autres régions du monde, La guerre en Ukraine n’en est que la manifestation la plus récente.

Contrairement aux Démocrates, cependant, Trump ne se préoccupe pas de préserver l’« ordre fondé sur des règles » et est plus susceptible de poursuivre une lecture de plus en plus étroite et agressive des intérêts américains qui pourrait déstabiliser davantage cet ordre ou le faire s’effondrer complètement.

L’administration Biden n’a pas fait grand-chose pour tempérer la guerre d’Israël contre l’ONU et l’a même plutôt favorisée par ses propres actions punitives contre l’UNRWA, et Trump est encore moins susceptible d’être troublé par les retombées de ce conflit particulier sur l’ONU et il soutiendrait probablement le démantèlement de l’UNRWA.

Ce qui est clair, c’est que, dans la vision de Trump, les Palestiniens seraient condamnés à vivre comme une population captive au sein d’un régime de sécurité israélien revitalisé et soutenu par les États autoritaires du Golfe.

L’élection américaine a aggravé le sort de la région et de ses habitants. L’ascension de Trump à la présidence, clarifie seulement les objectifs, en les débarrassant du mince vernis du libéralisme.

Que réserve l’avenir à l’organisation de la solidarité avec la Palestine aux États-Unis ?

Plusieurs sources peuvent nous aider à comprendre ce qu’une deuxième présidence Trump signifie pour le mouvement américain en faveur de la libération de la Palestine. La première administration de Trump, ses promesses de campagne pour 2024 et les récents travaux des groupes de réflexion affiliés à Trump laissent présager une augmentation de la répression des organisations populaires.

Au cours de sa première présidence, Trump a agressivement revendiqué son soutien à l’expansionnisme et à l’occupation militaire israéliens, tout en s’efforçant de réduire au silence les voix dissidentes aux États-Unis, en faisant notamment l’amalgame entre la critique d’Israël et l’antisémitisme.

En 2017, Trump a nommé Kenneth Marcus secrétaire adjoint aux droits civils au ministère de l’éducation. Marcus, fondateur du Centre Brandeis pour les droits de l’homme, prône depuis longtemps l’amalgame entre antisionisme et antisémitisme dans un effort délibéré pour réprimer les critiques du gouvernement israélien et l’activisme de solidarité avec les Palestiniens.

Pendant son mandat au ministère de l’éducation, Marcus a poursuivi cette campagne et a réussi à faire adopter en 2019 un décret d’une grande portée qui intègre la discrimination antisémite dans le titre VI de la loi sur les droits civils.

Il est important de noter que le décret de Trump adopte la définition de l’antisémitisme de l’IHRA, qui est largement centrée sur l’État d’Israël et identifie toute critique du projet sioniste à du racisme et de l’antisémitisme.

Depuis 2021, Marcus est président du Brandeis Center, où il a utilisé le titre VI révisé pour déposer au moins une douzaine de plaintes pour antisémitisme contre des établissements éducatifs, souvent en raison de critiques à l’égard d’Israël. Ces plaintes ont eu un effet dissuasif sur la liberté d’expression dans les espaces éducatifs.

Le retour de Marcus au DOE, ou à une future agence fédérale supervisant l’éducation, est plausible, en particulier à la lumière des récents efforts des Républicains alignés sur Trump au sein du Comité de l’éducation et de la main-d’œuvre pour cibler l’activisme de solidarité avec la Palestine sur les campus universitaires.

En effet, les auditions de la commission et du Sénat sur l’antisémitisme sur les campus au cours de l’année écoulée ont mis en évidence des sentiments anti-palestiniens et islamophobes flagrants et ont révélé une opposition idéologique à la liberté d’expression au sein du pouvoir législatif.

La combinaison de cette opposition avec des efforts similaires de l’exécutif sous la future administration Trump ne manquera pas de provoquer une répression maccarthyste des enseignements et des actions militantes en lien avec la Palestine sur les campus universitaires et dans d’autres espaces éducatifs.

L’administration Trump précédente s’est également attaquée au mouvement de boycott, de désinvestissement et de sanctions (BDS). En effet, le décret susmentionné visait à qualifier d’antisémites les initiatives de boycott et de désinvestissement sur les campus.

En 2020, le secrétaire d’État Mike Pompeo a encore souligné les efforts de l’administration pour lutter contre le mouvement BDS, qu’il a qualifié de « cancer » et de « manifestation d’antisémitisme ». Lors d’une conférence de presse conjointe avec Netanyahu, Pompeo a déclaré que l’antisionisme est de l’antisémitisme et que l’administration couperait tout financement aux organisations qui participent aux campagnes BDS ou qui les soutiennent.

Au-delà des espaces éducatifs, le cœur du plan de Trump pour cibler le mouvement de solidarité avec la Palestine et ses soutiens pendant son second mandat ressemble aux tactiques de guerre contre le terrorisme de l’après 11 septembre, alimentées par une discrimination anti-arabe et islamophobe rampante.

Aujourd’hui, tant l’équipe Trump que les groupes de réflexion qui lui sont affiliés, tels que l’America First Policy Institute (AFPI) et la Heritage Foundation, se proposent d’accuser faussement les organisations de défense des droits des Palestiniens de liens avec des entités désignées comme terroristes aux États-Unis pour empêcher la solidarité avec les Palestiniens de s’organiser.

Le projet Esther, publié par la Heritage Foundation en octobre 2024 et issu du National Task Force to Combat Antisemitism, est l’un des nombreux plans de ce type qui décrivent des stratégies spécifiques pour saper le mouvement de l’intérieur ; les méthodes décrites dans le projet Esther comprennent l’expulsion des étudiants internationaux, l’utilisation de la loi RICO (Racketeer Influenced and Corrupt Organizations) pour réprimer les organisations, et l’infiltration du mouvement pour semer la méfiance entre les organisateurs.

Trump aurait lui-même déclaré à des donateurs qu’il s’efforcerait de faire régresser le mouvement en faveur des droits des Palestiniens de 25 à 30 ans. Notamment, Trump a chargé Linda McMahon, présidente de l’AFPI, de codiriger son équipe de transition pour son second mandat.

Le conseil d’administration et le personnel de l’AFPI comptent au moins quatre anciens responsables de l’administration Trump, dont Kellyanne Conway et les directeurs de la politique intérieure Brooke Rollins et Chad Wolf.

Trump aurait également jeté son dévolu sur Lee Zeldin, de l’AFPI, pour diriger l’Agence de protection de l’environnement (EPA).

Trump a également appelé à la militarisation des rues et à la répression des manifestations. Tout au long de sa campagne pour 2024, Trump a laissé entendre qu’il déploierait l’armée s’il était élu et a régulièrement parlé de « l’ennemi intérieur ».

Cette approche reflète celle de sa première administration, lorsqu’il a déployé la Garde nationale dans 23 États et le District de Columbia lors du soulèvement de 2020 en faveur de Black Lives Matter, ainsi que des forces de l’ordre fédérales qui ne sont généralement pas présentes lors des manifestations.

Trump appelle à la militarisation des rues tout en soutenant les voyous de MAGA et en poussant des groupes violents comme les Proud Boys à intimider et à terroriser les militants. C’est ce qui s’est passé lors de la fusillade de Kyle Rittenhouse à Kenosha, dans le Wisconsin, et avec la milice Michigan Liberty à la maison d’État du Michigan lors d’actions en faveur de la santé publique.

La stratégie de la future administration Trump pour détruire le mouvement de solidarité avec la Palestine est claire : utiliser l’islamophobie et les accusations d’antisémitisme pour faire taire les critiques sur le soutien des États-Unis à l’État israélien et décourager définitivement tout activisme éventuel.

Les républicains au pouvoir feront tout ce qui est en leur pouvoir pour limiter les libertés civiles, démanteler l’infrastructure de l’éducation et rendre illégale la critique du projet sioniste.

20 novembre 2024 – Al-Shabaka – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet

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