Les Palestiniens handicapés de Gaza ont connu d’immenses souffrances en raison des déplacements et de l’effondrement du système de santé.
Le génocide à Gaza est une épreuve invalidante de masse.
Plus de 400 jours de frappes aériennes israéliennes et d’invasions terrestres constantes sur des zones densément peuplées ont fait plus de 22 500 blessés qui ont vu leur vie bouleversée. Des centaines de personnes handicapées ont été tuées ou restent sous les décombres. Quatre-vingt-dix pour cent de la population de Gaza a été déplacée, parfois jusqu’à 20 fois.
La destruction des infrastructures entrave la mobilité des personnes souffrant de tous types de handicaps, ce qui rend extrêmement difficile leur fuite sur ordre de l’armée israélienne.
Tout comme l’armée israélienne détruit le système de santé de la bande de Gaza, elle a également décimé le système de soins qui existait pour les personnes handicapées, tuant de nombreux professionnels qui travaillaient dans ce domaine.
Le 13 mai, Hashem Ghazal, fondateur de la société Atfaluna pour les enfants sourds et également connu comme le « père spirituel des sourds de Gaza », a été tué dans une frappe aérienne israélienne avec sa femme.
J’ai grandi à Gaza, dans le camp de réfugiés de Nuseirat. Enfant, j’ai connu de nombreuses personnes qui avaient été handicapées à vie à la suite des violences israéliennes. Avant la guerre, près de 50 000 personnes à Gaza étaient enregistrées comme vivant avec un handicap.
Les enfants de Gaza face aux nombreux traumatismes liés au génocide
Bien que je ne sois plus à Gaza, j’ai pu parler au téléphone et sur WhatsApp avec plusieurs Palestiniens handicapés qui ont été déplacés.
Voici quelques-unes de leurs histoires.
Azmi Aljamall a neuf ans. Le 15 octobre 2023, il a été extrait des décombres de la maison familiale, visée par deux missiles qui ont tué sa mère, ses grands-parents, son oncle, ses deux tantes, ses deux frères et sœurs et trois de ses cousins.
Azmi est tombé du troisième étage et a été grièvement blessé. Il se déplace désormais en fauteuil roulant et doit subir une intervention chirurgicale pour réparer son pied, mais il ne peut pas quitter l’enclave pour cela.
La famille d’Azmi a été déplacée de Nuseirat à Rafah, puis de nouveau à Nuseirat, lorsque l’armée israélienne a envahi Rafah. Son père, Mousa, m’a dit : « Il a besoin de soins spéciaux, par exemple, il a besoin d’un type de couche particulier, il suit un régime alimentaire spécifique et a besoin de vitamines qui ne sont pas disponibles. »
Sa famille s’est battue pour lui procurer de la pommade pour soigner ses brûlures. Chaque fois qu’il y a un bombardement à proximité, son père porte Azmi et tente de le protéger. Le rêve d’Azmi est de remarcher tout seul.
Mahmoud Adnan Shokor a 31 ans et vit dans le camp de réfugiés de Nuseirat. Après être tombé d’un chantier de construction en 2018, il est devenu paraplégique et a développé des difficultés d’élocution.
Il se déplace en fauteuil roulant et dépend de l’aide de sa famille pour les tâches quotidiennes.
Le 4 novembre, Israël a bombardé la maison de sa famille, blessant sa mère et tuant son cousin. Les membres survivants de sa famille et les voisins ont sorti Mahmoud des décombres.
Dans le passé, il a été soigné en Égypte. Aujourd’hui, l’état de santé de Mahmoud s’aggrave. Sa mère m’a dit : « Il pleure tous les jours, et lorsqu’il est temps de s’échapper et que les bombardements sont proches, il ne peut pas courir pour sauver sa vie ».
Les frères de Mahmoud, Abed et Dyia, le portent sur leur dos, malgré le danger. Mahmoud m’a dit qu’il n’avait pas pu avoir accès aux médicaments pour gérer sa maladie.
Reem Ayad a 10 ans. Originaire du quartier de Zeitoun, dans la ville de Gaza, elle jouait avec ses frères le 16 octobre 2023, lorsqu’un avion de guerre israélien a largué deux missiles sur leur maison.
Reem raconte : « Nous avons fui notre maison après qu’elle ait été partiellement détruite au-dessus de nos têtes. Alors que nous fuyions dans la rue, ils ont bombardé la rue juste à côté de nous et j’ai été directement blessée à la main droite, ce qui a entraîné son amputation immédiate. »
Le père de Reem, Kamal, raconte qu’il l’a portée sur ses épaules jusqu’à ce qu’il atteigne l’ambulance la plus proche et que Reem soit transférée à l’hôpital. Israël a alors ordonné l’évacuation de l’hôpital et ils ont fui vers le sud, alors que Reem venait d’être opérée.
Kamal m’a dit qu’elle continuait à faire des cauchemars et qu’elle revivait l’expérience d’avoir été tirée de sous les décombres. « Reem a besoin de vitamines, de nourriture et de médicaments qui ne sont pas disponibles, et elle doit recevoir une injection pour arrêter la croissance de l’os de la main afin qu’il ne déchire pas la peau. La chose la plus importante dont elle a besoin pour continuer à vivre comme les autres enfants, est une prothèse. »
Amina Omar, 9 ans, originaire du quartier de Zeitoun, est atteinte d’une infirmité motrice cérébrale. Sous les tirs, face aux chars israéliens et avec des quadricopters au-dessus de leurs têtes, sa mère Najah – qui était enceinte – a dû porter Amina alors qu’elles fuyaient vers le sud.
La lutte pour la survie a fait des ravages et, en raison de la malnutrition et du manque de soins de santé, elle a perdu l’enfant qu’elle portait dans son ventre.
Najah fait de son mieux pour faire vivre sa famille avec les ressources limitées dont elle dispose dans un camp pour personnes déplacées. Dans la chaleur étouffante, elle fait cuire du pain à l’aide d’un four en argile dans sa tente et en vend une partie.
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Pour Amina, les tâches quotidiennes sont encore plus difficiles qu’auparavant. Incapable de marcher, elle doit se traîner dans la poussière du camp. Elle a besoin d’un fauteuil roulant, mais il est impossible d’en obtenir un.
La situation alimentaire est une autre source d’inquiétude constante. Le système digestif fragile d’Amina rejette la plupart des plats, ce qui provoque des vomissements et des diarrhées.
Ce ne sont là que quelques histoires parmi des milliers d’autres. Alors que la guerre d’Israël contre Gaza se poursuit sans relâche, les Palestiniens handicapés sont peut-être ceux qui en subissent le plus les conséquences.
Toutes les personnes à qui j’ai parlé étaient confrontées à des difficultés extrêmes et n’étaient pas en mesure de recevoir les soins dont elles avaient besoin. Mais même dans les conditions les plus extrêmes, les efforts déployés par les gens pour protéger leurs proches sont impressionnants.
J’ai entendu tant et tant d’histoires de membres de familles qui ont risqué leur vie pour s’occuper les uns des autres. Leur courage devrait nous motiver tous à poursuivre notre lutte pour mettre fin à cet horrible génocide.
Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour faire pression sur les dirigeants politiques afin qu’ils imposent un embargo sur les armes à Israël et qu’ils fassent pression en faveur d’un cessez-le-feu permanent.
Le monde doit tenir compte des appels à l’aide de tous les Palestiniens, y compris ceux qui sont handicapés.
Auteur : Yousef M. Aljamal
* Yousef M. Aljamal est un chercheur en études du Moyen-Orient et l'auteur et traducteur d'un certain nombre de livres.Il est éditeur au Palestine Chronicle, et réfugié palestinien à Gaza.Yousef est co-auteur de A Shared Struggle : Stories of Palestinian and Irish Hunger Strikers publié par An Fhuiseog (juillet 2021).Son compte Twitter.
19 novembre 2024 – Al-Jazeera – Traduction : Chronique de Palestine – Éléa Asselineau
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