Gilles Devers : la Palestine a perdu un de ses meilleurs et plus brillants défenseurs

Photo : réseaux sociaux

Par Memo

L’avocat et docteur en droit français Gilles Devers est décédé mardi [26 novembre 2024]. Le « champion de la justice palestinienne » avait 68 ans.

M. Devers est considéré comme le « maestro » juridique à l’origine des mandats d’arrêt délivrés la semaine dernière par la Cour pénale internationale (CPI) à l’encontre du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et de son ancien ministre de la défense Yoav Gallant, accusés d’avoir commis des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.

Il souffrait beaucoup à cause de la maladie, mais le jour où les mandats ont été délivrés, il a dit à son fils : « Maintenant, je peux mourir en paix ». Malgré la douleur, il a tenu à parler aux médias de cette victoire juridique exceptionnelle et a fait ses dernières déclarations sur la question à Al Jazeera.

Pendant 30 ans, Gilles Devers a partagé son travail entre le secteur sanitaire et social et la défense des minorités en France et dans le monde. Mais la cause palestinienne est sa première priorité et il a été l’un des porte-parole d’un groupe de 350 ONG, représentées par 40 avocats, dans le cadre d’une plainte déposée auprès de la CPI pour crimes de guerre commis lors de l’offensive militaire israélienne de 2008-2009 contre les Palestiniens de Gaza.

Il a été chargé par l’Autorité palestinienne de déposer une plainte en son nom en janvier 2009.

L’avocat français a également déposé une plainte contre Israël en juillet 2014 concernant sa guerre contre Gaza la même année, ce qui a donné lieu à une importante campagne médiatique et a mis la pression sur l’Autorité palestinienne et la Cour internationale de justice (CIJ).

La Palestine a ainsi adhéré au Statut de Rome et la CPI a accepté d’ouvrir un examen préliminaire des faits qui se sont déroulés le 13 juin 2014.

Abdelmajid Merari, expert français en droit international, l’a décrit comme un « avocat humanitaire et respectueux des principes » qui a consacré sa vie à la défense de questions humanitaires, notamment la cause palestinienne. M. Merari a déclaré à Al Jazeera qu’il avait beaucoup appris de lui.

« Il a été mon mentor dans plusieurs affaires pendant plus de 15 ans de travail commun, et il accueillait les divergences d’opinion à bras ouverts. Avec sa mort, nous avons perdu une figure inestimable du droit et des droits de l’humain ».

Malgré les obstacles rencontrés par l’équipe juridique, et le rejet des demandes qu’il a présentées dans le dossier de la CPI, Devers s’est distingué par son insistance à ne pas baisser les bras.

« La chevalerie du peuple palestinien est plus importante que celle des avocats », a-t-il déclaré.

Dans ce contexte, M. Merari – l’un des avocats les plus proches de M. Devers – a souligné que ce dernier a défendu la cause palestinienne avant l’émission des mandats d’arrêt.

« En effet, [il l’a fait] depuis que la Palestine est devenue membre du Statut de Rome, et lorsque la décision du 5 février 2021 a été rendue, confirmant la compétence de la CPI sur les territoires palestiniens occupés par Israël en 1967, y compris Jérusalem-Est, la Cisjordanie et la bande de Gaza, il a revu et aidé les experts de la CPI à en rédiger le libellé.

Les événements du 7 octobre 2023 ont suscité une action encore plus intense de Devers dans le dossier des Palestiniens.

Selon Merari, il était la « dynamo » de l’équipe juridique.

« Il posait des questions lorsque nous nous relâchions et rédigeait des centaines de pages de mémos lorsque nous étions paresseux. Dans cette affaire, il a fait pression sur les membres de l’équipe pour qu’ils recueillent des preuves, et il s’est efforcé de coordonner leurs rôles malgré tous les problèmes de santé dont il souffrait à l’époque ».

Il a ajouté que « Gilles Devers a pleuré à la porte de la CPI lorsqu’une avocate palestinienne s’est excusée de ne pas être présente, parce que tous les membres de sa famille avaient été tués la veille du 9 novembre, lorsque nous sommes allés déposer l’action en justice qui a été le principal moteur de l’émission des mandats d’arrêt ».

M. Merari a déclaré à Al Jazeera qu’alors que M. Devers s’apprêtait à subir une intervention chirurgicale « extrêmement dangereuse » – « une question de vie ou de mort » – la dernière chose dont il parlait était le quartier de Sheikh Jarrah, dans la partie occupée de Jérusalem-Est.

En outre, il prévoyait de soulever devant la CPI la question des prisonniers palestiniens détenus par l’État d’occupation.

Son ami proche et collègue Merari a conclu en disant que les mandats d’arrêt émis contre Netanyahu et Gallant étaient « le cadeau » que Devers recherchait depuis plus de 15 ans.

« Il a quitté ce monde la conscience tranquille, et nous continuerons notre combat juridique dans l’esprit de Gilles Devers et pour exécuter son testament, car le travail réel et le plus difficile a commencé après l’émission des mandats. »

27 novembre 2024 – Middle east Monitor – Traduction : Chronique de Palestine – Éléa Asselineau

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