Par Tareq S. Hajjaj
Israël a bombardé un certain nombre d’écoles et d’abris pour les Palestiniens déplacés à Gaza ces deux derniers jours. Des témoins affirment que les attaques israéliennes, qui ont eu lieu sans avertissement, ont brûlé et déchiqueté les corps d’hommes, de femmes et d’enfants.
Dans une scène devenue trop familière à Gaza, des centaines de Palestiniens vivant dans des abris pour personnes déplacées et dans des zones dites « sûres » ont été visés par des bombes israéliennes au cours du week-end, faisant des dizaines de morts et de blessés.
En deux jours, l’armée israélienne a bombardé au moins quatre zones, dont deux écoles, abritant des familles déplacées, à travers la bande de Gaza. Des témoins ont déclaré à Mondoweiss que les bombardements ont laissé des scènes horribles de corps décapités et déchiquetés. L’armée a également bombardé un poste appartenant aux agents de la défense civile palestinienne, tuant cinq secouristes et un caméraman d’Al Jazeera.
Dans le nord de la bande de Gaza, l’armée israélienne a pris d’assaut l’école Khalil Awida à Beit Hanoun, qui abrite environ 1500 personnes récemment déplacées de leurs maisons pendant le siège israélien du nord de la bande de Gaza.
Selon Muhammad al-Sharif, un journaliste du nord de Gaza, l’armée a encerclé l’école et a ordonné par haut-parleurs aux personnes à l’intérieur de sortir dans la cour de l’établissement. Là, l’armée a séparé les femmes, les hommes, les enfants et les personnes âgées, avant de détenir un certain nombre de personnes et d’ordonner aux autres de se rendre au poste de contrôle le plus proche, qui lui-meêm pousserait les habitants vers le sud, en direction de la ville de Gaza.
« Après son départ, l’armée a lancé des bombes incendiaires sur l’école, et ceux qui sont restés à l’intérieur et ont essayé de se mettre à l’abri ont été brûlés vifs par l’armée israélienne », a déclaré al-Sharif.
Bien qu’al-Sharif n’ait pas précisé la nature de ce qu’il a décrit comme des « bombes incendiaires », d’autres rapports de témoins ont indiqué qu’il s’agissait de tirs d’artillerie. Selon les derniers chiffres fournis par les autorités de Gaza, au moins 43 personnes ont été tuées lors de l’attaque israélienne contre l’école.
La défense civile a indiqué dans un communiqué publié sur Telegram que ses équipes avaient parlé à des témoins qui avaient fui l’école Khalil Awida en direction de la ville de Gaza après l’attaque israélienne. « Les familles déplacées ont vu des corps en décomposition dans les rues et une quinzaine, voir plus, de corps carbonisés et complètement brûlés à l’intérieur de l’école avant d’être forcées d’évacuer.
La défense civile a ajouté que l’armée israélienne avait également bombardé les maisons entourant l’école et que l’on pouvait encore entendre les cris des personnes piégées sous les décombres.
Khan Younis : des parties de corps collectées dans des sacs en plastique
Tôt lundi matin, quelques heures seulement après l’attaque de l’école de Beit Hanoun, Israël a mené des frappes aériennes sur une école située à l’ouest de Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, tuant 20 personnes. Selon des témoins, la plupart des victimes étaient des femmes et des enfants.
Umm Muhammad Ashour, 64 ans, est une survivante du bombardement de l’école Ahmad Abdul Aziz à Khan Younis. Elle est assise devant les décombres des salles de classe visées par les frappes israéliennes.
« Nous avons été déplacés à plusieurs reprises jusqu’à ce que nous atteignions cette école », a raconté Ashour à Mondoweiss.
« Nous pensions qu’il s’agissait d’une école sûre car elle est affiliée à l’UNRWA, mais nous avons été surpris par les bombardements. Ils ont bombardé des salles de classe où vivaient cinq filles et leur mère. Je suis leur voisine et je jure qu’elles se sont endormies sans dîner la nuit dernière parce qu’elles n’avaient pas de pain », a-t-elle raconté.
Ashour a déclaré à Mondoweiss que seules trois filles de la famille avaient survécu. Elle a ajouté qu’il y a quelques mois à peine, le père des filles avait lui aussi été tué. « Maintenant, leur mère et leurs sœurs ont été martyrisées… Quel terrorisme ces filles ont-elles commis pour que tout cela leur arrive ? », s’est-elle indignée.
Selon Ashoura, à 8h30, alors que les gens dormaient, des avions israéliens ont tiré un missile sur le deuxième étage de l’école, mettant le feu à plusieurs salles de classe, « brûlant et déchirant les gens pendant qu’ils dormaient ».
« La plupart d’entre eux étaient des femmes et des enfants, démembrés et sans tête. »
« Tout le monde s’est mis à courir dans la panique et à essayer de s’éloigner de la zone parce que nous pensions que l’armée allait la bombarder à nouveau », a déclaré Mme Ashoura.
« Que pouvons-nous faire alors que nous sommes seuls face à tout cela ? Nous dormons et nous nous réveillons devant des scènes de mort, de membres et de corps démembrés ».
Dans le complexe médical Nasser voisin, Rahma Tafesh, 51 ans, pleure et se lamente en disant adieu à son frère Asaad Tafesh, qui a été tué avec 14 membres de sa famille à l’école Ahmad Abdel Aziz. Les seuls survivants sont la femme d’Asaad et l’un de leurs enfants.
Selon Asaad Tafesh, ils n’ont trouvé aucun corps complet d’un autre membre de la famille.
« Ils étaient tous dans la même classe de l’école, mon frère Asaad, sa famille, sa fille et sa famille, 14 personnes, tous partis, et personne n’est resté sauf sa femme, qui a été défigurée par le bombardement et qui ne sait toujours pas que toute sa famille a été tuée », raconte Tafesh.
Lorsque Tafesh est arrivée à l’hôpital après avoir appris la nouvelle, elle n’a pas pu jeter un dernier regard à son frère et à sa famille : « Ils m’ont dit qu’il n’avait plus de tête, et je n’ai pas pu le regarder une dernière fois. Même ses enfants n’étaient plus que des amas de chair amassée ».
En pensant à sa belle-sœur, qui est gravement blessée et qui est la seule survivante de la famille, Tafesh dit qu’elle prie pour que sa belle-sœur « rejoigne sa famille [au ciel] » afin de la sauver de la douleur physique qu’elle endure et de la douleur de vivre sans eux.
Le meurtre de son frère Asaad est la deuxième fois en un mois que l’un des frères et sœurs de Tafesh est tué par l’armée israélienne. Il y a un mois, a-t-elle expliqué à Mondoweiss, l’armée israélienne a pris pour cible un autre de ses frères et sa famille et les a tous tués.
« Asaad a rejoint notre frère. Il y a un mois, lui et sa famille ont été martyrisés, et maintenant Asaad et sa famille les rejoignent. Nous n’avons plus personne après eux », s’écrie Tafesh.
Dans la cour de l’école de Khan Younis, Ahmed Al-Hajj, 22 ans, se tient au milieu des décombres ensanglantés. Autour de lui, des groupes de personnes portent des sacs en plastique, ramassant de petits morceaux de chair des victimes du bombardement qui ont été réduites en miettes.
Gaza : les Israéliens mènent une véritable campagne d’extermination
« Cela fait six mois que nous sommes déplacés dans cette école et il ne s’est rien passé. Cette fois-ci, quelque chose est tombé sur nous et a éclairé toute l’école pendant que nous dormions. C’était une grosse lumière et nous ne savions pas ce qui se passait. Jusqu’à ce que nous découvrions qu’il s’agissait d’un missile qui avait pénétré le toit de l’école et explosé dans les salles de classe, tuant toutes les personnes qui s’y trouvaient », raconte Ahmad.
« Ce sont les zones vers lesquelles on nous demande de fuir ; ce sont les endroits où l’armée nous expulse de nos maisons et nous ordonne de nous enfuir », dit-il, faisant référence aux soi-disant « zones de sécurité » vers lesquelles l’armée ordonne aux Palestiniens de fuir.
« Ils nous amènent ici pour nous découper en morceuax ? Ce centre de déplacement est classé comme un centre sûr pour les personnes déplacées. Je ne sais pas comment ils peuvent tuer ceux qui s’y trouvent », dit-il.
« Le sang sur le sol n’est pas encore sec. Nous avons vu des enfants avec la tête ouverte. La même chose nous serait arrivée si nous avions été un peu plus près du lieu du bombardement », ajoute Ahmad.
« Personne ne sait où aller pour se mettre à l’abri des attaques de l’armée israélienne. »
Auteur : Tareq S. Hajjaj
* Tareq S. Hajjaj est un auteur et un membre de l'Union des écrivains palestiniens. Il a étudié la littérature anglaise à l'université Al-Azhar de Gaza. Il a débuté sa carrière dans le journalisme en 2015 en travaillant comme journaliste/traducteur au journal local Donia al-Watan, puis en écrivant en arabe et en anglais pour des organes internationaux tels que Elbadi, MEE et Al Monitor. Aujourd'hui, il écrit pour We Are Not Numbers et Mondoweiss.Son compte Twitter.
16 décembre 2024 – Mondoweiss – Tradution : Chronique de Palestine
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