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12 février 2025 - Ses proches pleurent Abdullah Murad Hussein Al-Faroukh, 19 ans, dans son village de Sa'ir, en Cisjordanie. Al-Faroukh a été assassiné la veille par les forces coloniales israéliennes lors d'un raid militaire dans le village, au cours duquel les forces coloniales lui ont tiré une balle réelle dans la poitrine, le blessant gravement avant qu'il ne succombe à ses blessures. Deux autres personnes ont été blessées, dont un enfant de 10 ans. Depuis le 7 octobre 2023, les forces coloniales et les colons israéliens ont intensifié leurs attaques à travers la Cisjordanie, entraînant la mort de 910 Palestiniens, blessant près de 7000 autres et kidnappant 14 500 personnes selon les données officielles palestiniennes - Photo : Mosab Shawer / Activestills
Par Qassam Muaddi
L’assaut ininterrompu d’Israël sur la Cisjordanie n’a pas pour but d’anéantir la résistance palestinienne. Il vise à chasser les Palestiniens de leurs foyers et à préparer le terrain pour l’annexion.
L’armée israélienne a étendu son offensive militaire en cours dans le nord de la Cisjordanie, du camp de réfugiés de Jénine aux camps de réfugiés de Nur Shams et d’al-Far’a à Tulkarem et Tubas. L’attaque israélienne a entraîné le déplacement d’au moins 40 000 Palestiniens, selon l’UNRWA.
Des scènes de Gaza se répètent dans les camps de réfugiés du nord de la Cisjordanie, où les habitants racontent comment ils ont été chassés de chez eux par l’armée israélienne alors que les soldats font du porte-à-porte, séparent les hommes, les femmes et les enfants en différents groupes et les font sortir de leur quartier sous la menace des armes.
« C’était très humiliant et douloureux », a déclaré mardi un résident du camp de réfugiés de Nur Shams à Mondoweiss.
Les trois camps de réfugiés et les villes environnantes sont au cœur d’une nouvelle vague de résistance armée palestinienne depuis 2021, en particulier à Jénine.
Dans ces trois régions, les groupes de résistance locaux palestiniens ont affronté les raids israéliens avec une efficacité croissante et une expérience grandissante, malgré des moyens très limités.
Au cours des quatre dernières années, l’Etat colonial a tenté de briser ce phénomène sans cesse en progrès dans le nord de la Cisjordanie.
Début 2022, il a intensifié ses campagnes de représailles militaires avec l’« opération Briser la vague », en lançant des raids de plus en plus violents et disproportionnés dans les camps de réfugiés palestiniens.
En juillet 2022, il a réintroduit les frappes aériennes en Cisjordanie pour cibler les combattants palestiniens à Jénine, avant d’étendre l’utilisation des frappes aériennes à d’autres parties du nord du territoire occupé.
Après le 7 octobre 2023, Israël, humilié et rendu furieux par l’attaque du 7 octobre, a intensifié ses raids à un autre niveau, changeant encore sa stratégie militaire en Cisjordanie.
Selon les responsables israéliens, l’offensive actuelle, baptisée « Opération Mur de Fer », vise à « changer le statu quo en matière de sécurité » en Cisjordanie en écrasant définitivement la résistance armée, ce qui laisserait supposer que son objectif principal est la sécurité, alors que la véritable raison de l’escalade généralisée en Cisjordanie dépasse toute justification « sécuritaire ».
Bien au-delà d’une question de « sécurité »
La flambée de violence israélienne après le 7 octobre n’a souvent pas été accompagnée d’une propagande sécuritaire, et une grande partie de cette violence n’était pas dirigée contre des groupes armés.
Israël a imposé des centaines de points de contrôle supplémentaires à travers la Cisjordanie et a kidnappé jusqu’à 5000 Palestiniens, dont plus de 3600 en détention administrative, c’est-à-dire sans inculpation ni procès.
Il a intensifié les démolitions de maisons dans la zone C (qui représente plus de 60 % de la Cisjordanie) et distribué des armes à feu aux colons qui ont déplacé de force jusqu’à 20 communautés rurales palestiniennes en Cisjordanie.
La plupart de ces communautés étaient situées dans des zones qui n’avaient pas connu d’activité armée palestinienne depuis des années, comme dans les collines du sud d’Hébron et sur les pentes orientales de la vallée centrale du Jourdain.
Plusieurs mois après le 7 octobre, en mai 2024, Israël a également abrogé la loi de désengagement israélienne de 2005, qui avait conduit Israël à retirer les colons de la bande de Gaza et du nord de la Cisjordanie à la suite de la deuxième Intifada.
L’abrogation de cette loi a permis aux colons israéliens de retourner dans les colonies évacuées dans les régions de Jénine et de Naplouse.
Les Palestiniens de Cisjordanie suffoquent littéralement sous une toile carcérale
En janvier, à la suite d’une fusillade palestinienne près de Qalqilya où trois Israéliens ont été abattus, le chef des conseils régionaux des colonies israéliennes, Yossi Dagan, a appelé l’armée israélienne à envahir les villes de Cisjordanie comme elle l’a fait à Gaza.
Le ministre israélien des Finances et leader du sionisme religieux fasciste, Bezalel Smotrich, a appelé à « faire de Jénine et Naplouse des villes comme Jabalia », en référence à la ville et au camp de réfugiés situés au nord de Gaza qu’Israël a complètement détruits et dépeuplés de force au cours des quatre derniers mois de la guerre, avant le cessez-le-feu actuel.
Selon Smotrich, de telles actions, associées à l’expansion des colonies, rendraient impossible la création d’un État palestinien.
Lorsqu’un autre représentant de la droite religieuse fasciste, Itamar Ben-Gvir, a démissionné de son poste de ministre de la Sécurité nationale en opposition à l’accord de cessez-le-feu actuel, Smotrich n’a pas quitté le cabinet de Netanyahu, bien qu’il ait voté contre le cessez-le-feu.
Les analystes ont décrit l’offensive du « mur de fer » en Cisjordanie comme une concession de Netanyahu à Smotrich en échange de son abstention de démissionner, ce qui aurait mis en péril le cabinet de Netanyahu et l’aurait forcé à convoquer de nouvelles élections.
L’objectif est l’annexion
Le principal projet politique de Smotrich a toujours été l’annexion et la colonisation massive de la Cisjordanie, qui s’est accompagnée de la destruction de toutes les possibilités de création d’un État palestinien.
Avant le 7 octobre, Smotrich a déclaré que les Palestiniens n’existaient pas et que les villes palestiniennes de Cisjordanie, comme Huwwara, devraient être « rayées de la carte ».
Dès 2017, il a présenté un « plan décisif » pour le nettoyage ethnique des Palestiniens de Cisjordanie qui n’accepteraient pas de vivre sous la « souveraineté juive », leur donnant le choix entre quitter le pays ou être massacrés.
L’idée que Netanyahu aurait besoin de l’apprivoiser pour maintenir son gouvernement signifie que la Cisjordanie et la vie des Palestiniens qui y vivent sont le prix à payer pour le cessez-le-feu à Gaza – et pour la survie politique de Netanyahu.
Mais ces ambitions en Cisjordanie sont également partagées par Netanyahu lui-même et par de nombreux membres de son cabinet qui sont issus de la base religieuse facsisante et du mouvement des colons en Cisjordanie.
Netanyahu lui-même avait promis en 2020 d’annexer de grandes parties de la Cisjordanie, en particulier la vallée du Jourdain, déclarant à plusieurs reprises qu’il n’y aurait jamais d’État palestinien sous son mandat.
Comment la population de la Cisjordanie peut-elle faire face au génocide ?
Il a également déclaré, au début de sa carrière politique dans les années 1980, qu’Israël devrait saisir toutes les occasions pour déplacer le plus grand nombre possible de Palestiniens, non seulement de Cisjordanie, mais aussi à l’intérieur des frontières de l’État sioniste, et surtout de Gaza.
En 2018, la Knesset israélienne a adopté à une écrasante majorité la loi sur l’État-nation, stipulant que l’autodétermination nationale entre le Jourdain et la mer Méditerranée n’appartient qu’au peuple juif.
Lors de la guerre en cours contre Gaza, en juillet 2024, la Knesset israélienne a adopté une résolution, également à une écrasante majorité, rejetant la création d’un État palestinien en Palestine historique.
Ces deux textes de loi font écho aux appels de la droite religieuse israélienne en faveur d’une colonisation et d’une annexion complètes de la Cisjordanie, ce qui témoigne d’une forte volonté au sein de la politique et de la société israéliennes de concrétiser enfin cette ambition.
Pour les Palestiniens de Cisjordanie, cela signifie qu’ils sont dans la ligne de mire, avec à l’horizon immédiat la destruction et l’expulsion forcée, qu’elle soit partielle ou totale.
Sans perspective de fin et avec les déclarations israéliennes selon lesquelles l’offensive du « Mur de fer » inclura toute la Cisjordanie, il devient clair que l’attaque israélienne n’est pas une mesure ayant trait à la « sécurité ». C’est un instrument pour réaliser les aspirations politiques de la droite sioniste.
La première étape a entraîné le déplacement de 40 000 Palestiniens des camps de réfugiés du nord de la Cisjordanie, mais cela ne s’arrêtera pas là.
Alors que la première phase du fragile cessez-le-feu à Gaza touche à sa fin, les Palestiniens se préparent à ce qui pourrait suivre en Cisjordanie, craignant que ce à quoi ils sont confrontés ne soit le début d’un nouveau chapitre dans la guerre génocidaire d’Israël contre le peuple palestinien.
Auteur : Qassam Muaddi
* Qassam Muaddi est un journaliste palestinien basé à Ramallah. Il couvre l’actualité palestinienne : événements politiques, mouvements sociaux, questions culturelles ... Il écrit pour les quotidiens libanais Assafir et Al Akhbar, les sites Middle East Eye, Mondoweiss et The New Arab, ainsi que pour les journaux électroniques palestiniens Metras et Quds News Network.Son compte twitter.
12 février 2025 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine
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