Gaza : le cessez-le-feu plus fragile que jamais

15 février 2025 - Des Palestiniens se rassemblent pour accueillir les 333 otages libérés à Gaza, dans le cadre de l'accord de cessez-le-feu entre le Hamas et Israël. Certains prisonniers palestiniens ont reçu des soins médicaux pour avoir été torturés pendant leur détention. Israël a libéré un total de 369 otages palestiniens en échange des trois captifs israéliens libérés par le Hamas et le Jihad islamique. Parmi eux, 24 doivent être immédiatement expulsés vers l'Égypte. Environ 14 000 prisonniers palestiniens sont détenus dans lesgeôles israéliennes, dont un tiers environ sont en détention administrative, sans aucune accusation ni procès - Photo : Doaa Albaz / Activestills.

Par Qassam Muaddi

Israël veut faire traîner la première phase du cessez-le-feu à Gaza et très probablement revenir à la guerre, tandis que le Hamas veut entamer la reconstruction dans le cadre d’une deuxième phase. Cette impasse actuelle met le fragile cessez-le-feu dans une situation dangereuse.

Dans deux semaines, le 1er mars, la première phase du cessez-le-feu à Gaza expirera. À ce jour, les négociations sur la phase 2 d’un cessez-le-feu auraient déjà dû être bien avancées, mais cela ne s’est pas encore concrétisé.

Chaque jour qui passe, il devient évident qu’Israël fait d’autres projets, des plans qui suggèrent la volonté de reprendre le bombardement de Gaza et de poursuivre le génocide qui dure depuis plus de 15 mois et qui a été [en partie] interrompu en janvier.

Les événements récents ont jeté davantage de doutes sur les perspectives d’un cessez-le-feu durable et ont soulevé des questions non seulement sur les intentions et les calculs d’Israël, mais aussi sur l’influence des États-Unis et de Trump et, en fin de compte, sur la manière dont le Hamas réagira.

Voici ce que vous devez savoir et ce à quoi vous pouvez vous attendre dans les semaines à venir.

Temporisation et pression

Le site d’information israélien Walla a rapporté mercredi que l’armée israélienne avait validé de nouveaux plans de guerre « d’attaque et de défense » à Gaza, suite aux inquiétudes exprimées par les responsables israéliens quant à un « effondrement progressif » du cessez-le-feu à Gaza.

Gaza : la liste des violations israéliennes du cessez-le-feu

Les médias israéliens ont cité des sources militaires affirmant que le mouvement Hamas se préparait également à un éventuel retour à la guerre, évaluant les mouvements de l’armée israélienne, réparant ses infrastructures et recrutant de nouveaux combattants.

La semaine dernière, Israël et le Hamas semblaient être dans une impasse après que l’État hébreu a continuellement violé les termes des accords humanitaires du cessez-le-feu.

Le Hamas a annoncé la suspension de la libération des prisonniers israéliens jusqu’à ce qu’Israël autorise l’entrée à Gaza de tentes, de maisons mobiles préfabriquées, de matériel de reconstruction et de machines lourdes pour le déblaiement des décombres.

Mais l’échange de prisonniers de cette semaine-là s’est déroulé comme prévu samedi dernier, après que les médiateurs eurent garanti que l’aide entrerait. Finalement, une partie du matériel a commencé à passer du côté égyptien de la frontière et à arriver du côté israélien pour les contrôles de sécurité.

Selon les informations égyptiennes, les maisons mobiles peuvent accueillir jusqu’à six personnes et se composent de deux pièces préfabriquées en plaques de plâtre recouvertes de vinyle, d’une petite kitchenette et de toilettes.

Conformément au protocole humanitaire de l’accord de cessez-le-feu, Israël s’est engagé à autoriser l’entrée de 60 000 unités de logement préfabriquées et de 200 000 tentes. Bien que des centaines de ces maisons mobiles attendent depuis des jours du côté égyptien de la frontière, Israël n’a pas autorisé leur entrée dans la bande de Gaza.

La radio de l’armée israélienne a déclaré que l’entrée des maisons mobiles était « une question de temps » et qu’elles commenceraient à entrer à Gaza avant la libération des six prisonniers israéliens jeudi. Le Times of Israel a cité un responsable israélien mardi qui a déclaré que les unités de logement et les machines lourdes entreraient « de manière contrôlée ».

En ce qui concerne les machines lourdes, le bureau des médias du gouvernement de Gaza a déclaré que seuls six bulldozers étaient entrés à Gaza, ce qui est loin d’être suffisant pour enlever les plus de 40 millions de tonnes de décombres.

En d’autres termes, Israël a traîné des pieds dans la mise en œuvre de sa part des conditions du cessez-le-feu dans le cadre de la première phase.

Malgré ces retards, Khalil al-Hayeh, chef du bureau politique du Hamas, a annoncé lundi dans un discours télévisé que le mouvement libérerait les six derniers prisonniers israéliens vivants qui devaient être libérés dans le cadre de la première phase du cessez-le-feu.

Les prisonniers seront libérés en même temps que quatre corps de prisonniers décédés, qui, selon le Hamas, ont été tués par des frappes israéliennes pendant la guerre.

Le gouvernement israélien, pour sa part, a annoncé qu’il avait commencé à se préparer à recevoir les captifs et les corps, déclarant qu’il libérerait un certain nombre de détenus et prisonniers palestiniens.

Selon des sources de soutien aux prisonniers palestiniens, il s’agit notamment de Palestiniens qui avaient été libérés dans le cadre de l’échange de Gilad Shalit en 2011 et qui ont ensuite été arrêtés à nouveau par Israël après le 7 octobre.

Les États-Unis mènent la danse ?

Les médiateurs égyptiens et qataris ainsi que l’envoyé du président américain, Steve Witkoff, ont exercé des pressions pour gérer la crise. Au cours de la même semaine, Witkoff s’est rendu dans la région pour faire pression en faveur du début des négociations sur la deuxième phase de l’accord, qui devaient initialement débuter le seizième jour du cessez-le-feu, il y a plus de deux semaines.

La deuxième phase vise à parvenir à un accord sur la fin de la guerre. En Israël, la fin de la guerre signifierait le début des réglements de compte sur l’échec du 7 octobre et de l’échec de l’objectif principal de la guerre, à savoir la destruction du Hamas.

Une fin de la guerre sans destruction du Hamas ou expulsion massive des Palestiniens est considérée comme une défaite pour les dirigeants d’extrême droite israéliens, en particulier le ministre des Finances, le fasciste Bezalel Smotrich, qui a promis de quitter le gouvernement et de provoquer son effondrement si Israël ne retournait pas à la guerre.

Malgré cela, l’envoyé américain Steve Witkof a répété à plusieurs reprises lors de sa visite la semaine dernière que la deuxième phase se poursuivrait, même si elle serait « plus compliquée ».

Pendant ce temps, à Washington, le président américain Donald Trump a poussé les événements dans la direction opposée la semaine dernière en menaçant que « tout l’enfer se déchaînerait » si tous les prisonniers israéliens n’étaient pas libérés avant samedi dernier à midi. Bien que l’échange se soit poursuivi comme prévu, Trump a déclaré sur sa plateforme Truth Social qu’Israël était libre de faire ce qu’il voulait avec le délai qu’il avait fixé.

Nazisme 2.0

Cette déclaration a embarrassé le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu devant ses alliés et détracteurs, qui continuent de faire pression pour l’annulation du cessez-le-feu et le retour à la guerre.

Le fait que Netanyahu et son cabinet n’aient pas utilisé le feu vert apparent de Trump pour mettre fin au cessez-le-feu suggère que le véritable agenda des États-Unis était mené par Witkoff.

Mardi, Netanyahu a présidé une réunion du cabinet israélien pour discuter de la perspective d’entamer des pourparlers sur la deuxième phase du cessez-le-feu.

À l’issue de la réunion, Netanyahu a déclaré que les conditions d’Israël pour mettre fin à la guerre incluaient le désarmement total de Gaza, tandis que les médias israéliens ont rapporté que le gouvernement avait décidé d’envoyer une équipe de négociation au Caire.

Selon des rapports égyptiens, les prochaines négociations au Caire porteront sur le respect et la réalisation des exigences de la première phase, principalement la partie humanitaire de l’accord, qui prévoit l’entrée de matériel de reconstruction et d’aide dans la bande de Gaza.

À moins d’une semaine de la fin de la première phase, qui devait durer 42 jours, il reste très peu de temps pour parvenir à un accord sur la deuxième phase. C’est pourquoi les analystes israéliens s’attendent à ce qu’Israël propose de prolonger la première phase du cessez-le-feu plutôt que de passer à la deuxième phase.

Cela signifierait que le Hamas devrait libérer davantage de prisonniers israéliens, ce qui le priverait du seul moyen de pression dont il dispose dans les négociations, mais sans obtenir l’engagement de mettre fin à la guerre.

Il va sans dire que le Hamas devrait rejeter ces conditions.

En d’autres termes, si le Hamas refuse de prolonger la première phase et si Israël refuse d’entrer dans la deuxième phase, cela signifie que l’accord de cessez-le-feu est à la croisée des chemins.

Cependant, en dehors des calculs stricts d’Israël et des jeux politiques de Netanyahu, Donald Trump a un programme plus large au Moyen-Orient qui inclut la normalisation des relations entre Israël et l’Arabie saoudite. Ce programme impliquerait l’intégration économique d’Israël dans la région et d’importants investissements.

Ces objectifs sont incompatibles avec une guerre sans fin à Gaza.

Malgré l’affichage public d’un soutien total à Israël par l’administration Trump, et malgré leurs objectifs communs, il pourrait y avoir une différence de priorités entre l’allié le plus important de Netanyahu à Washington et lui-même et ses alliés nationaux au sein de son propre gouvernement.

Plus important encore, c’est une différence dans laquelle le président américain a le dessus – et le dernier mot.

19 février 2025 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine

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