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31 janvier 2025 - Des prisonniers palestiniens sont libérés et retournent auprès de leurs proches à Gaza dans le cadre de l'échange de prisonniers négocié entre le Hamas et Israël. Au total, 183 prisonniers palestiniens ont été libérés hier, dont 150 à Gaza. Il s'agit du quatrième échange de prisonniers dans le cadre de l'accord de Gaza. Selon le bureau d'information des prisonniers du Hamas, ce quatrième lot comprend 18 prisonniers condamnés à la prison à vie, 54 prisonniers condamnés à de longues peines et 111 prisonniers de la bande de Gaza qui ont été arrêtés après le 7 octobre 2023. Leur libération intervient après celle de trois prisonniers israéliens - Photo : Doaa Albaz / Activestills
Par Qassam Muaddi
Suite à une cérémonie de remise de captifs israéliens à Gaza, au cours de laquelle un soldat israélien a embrassé la tête de deux combattants du Hamas, un Netanyahou outré et humilié a suspendu la libération de centaines de prisonniers palestiniens.
Israël a annoncé qu’il suspendait la libération de plus de 600 otages palestiniens qui devait avoir lieu hier dans le cadre du septième échange de prisonniers entre le Hamas et Israël.
Samedi, le Hamas a libéré six prisonniers israéliens ainsi que les corps de quatre Israéliens tués à Gaza. Dans le même temps, les services pénitentiaires israéliens ont transféré des dizaines de prisonniers palestiniens au centre de détention d’Ofer, à l’ouest de Ramallah, afin de les libérer en Cisjordanie.
Des familles palestiniennes avaient fait le voyage à travers toute la Cisjordanie jusqu’à Ramallah pour accueillir leurs proches, certaines arrivant aux premières heures du matin pour éviter d’être retardées par les postes de contrôle israéliens.
À Gaza, des familles se sont rassemblées à Khan Younis pour accueillir quelque 300 prisonniers palestiniens qui devaient y être remis.
Après la libération des captifs israéliens samedi matin, et après que l’armée israélienne a annoncé les avoir reçus de la Croix-Rouge internationale, l’administration pénitentiaire israélienne a déclaré qu’elle n’avait pas reçu d’instructions du gouvernement israélien pour libérer les prisonniers palestiniens.
En fin d’après-midi, les médias israéliens ont annoncé que la libération des prisonniers palestiniens avait été suspendue jusqu’à la réunion du cabinet israélien, prolongeant l’attente des familles palestiniennes jusque tard dans la nuit.
Après minuit, le bureau du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a annoncé qu’Israël suspendrait la libération des Palestiniens jusqu’à ce qu’il reçoive des garanties que les derniers captifs israéliens seraient libérés « sans rituels dégradants » – en référence aux cérémonies de remise organisées par le Hamas tout au long de la première phase du cessez-le-feu qui comprenaient souvent la prise de photos des captifs israéliens devant un podium et la remise de plaques et de souvenirs par les Brigades Qassam, la branche armée du Hamas.
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Le Hamas a déclaré dans un communiqué que la décision de Netanyahu de suspendre la libération des prisonniers palestiniens était fondée sur de « mauvais prétextes », insistant sur le fait que les cérémonies ne dégradaient ni n’insultaient les captifs israéliens, mais reflétaient plutôt leur « traitement humain ».
Le Hamas a ajouté que « la véritable dégradation est l’humiliation et les mauvais traitements auxquels les prisonniers palestiniens ont été soumis ».
Mauvais prétextes et deux poids, deux mesures
Les prisonniers israéliens ont été libérés lors de cérémonies organisées comprenant la remise de « certificats de libération » et des séances photos mises en scène. Les prisonniers apparaissent généralement sur une scène où ils ont la possibilité de s’exprimer devant une foule, le plus souvent avec une grande banderole derrière eux chargée de messages politiques en arabe, en hébreu et en anglais, à côté de portraits de dirigeants assassinés du Hamas.
Bien que ces mises en scène un peu théâtrales du Hamas aient lieu depuis des semaines, la décision de Netanyahu de suspendre la libération des otages palestiniens en raison des cérémonies « dégradantes » a fait suite à un moment viral lors de la cérémonie de samedi au cours de laquelle l’un des captifs israéliens, un soldat, a embrassé deux combattants du Hamas sur la tête avant de se retourner pour sourire, saluer et envoyer un baiser à la foule depuis la scène.
Alors que les médias israéliens ont rapporté que le captif avait été contraint d’embrasser les combattants du Hamas sur la tête, les médias ont dénoncé la libération des trois dépouilles de la famille Bibas en particulier, les trois cercueils ayant été amenés sur scène avant d’être remis aux équipes de la Croix-Rouge.
Les commentateurs israéliens ont considéré que la libération était une offense envers les morts.
Vendredi, l’Institut médico-légal israélien d’Abu Kabir a annoncé que l’un des trois corps remis ne correspondait pas à celui de la mère, Shiri Bibas, Israël accusant le Hamas d’avoir rompu l’accord en remettant le corps d’une « Palestinienne ».
Le Hamas a admis la possibilité d’une erreur – citant la mort de Bibas dans une frappe aérienne parmi de nombreux autres Palestiniens, ce qui a entraîné une erreur d’identification – et a remis le corps attendu à la Croix-Rouge plus tard dans la journée de vendredi sans en faire une démonstration publique.
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Netanyahu s’est ensuite engagé à « faire payer le Hamas » pour avoir libéré le mauvais corps. Israël a accusé le Hamas d’avoir tué la famille Bibas, tandis que le Hamas insiste sur le fait qu’ils ont été tués par une frappe aérienne israélienne.
Le tollé israélien contre les cérémonies de libération « dégradantes » contraste fortement avec la manière dont les prisonniers palestiniens ont été libérés au cours du cessez-le-feu, qui a notamment consisté à libérer des prisonniers présentant des ecchymoses sur le corps et à en tabasser certains devant les membres de la Croix-Rouge avant leur libération, selon certains prisonniers.
Les prisonniers palestiniens ont également été contraints de porter des bracelets et des t-shirts portant des inscriptions menaçantes promettant la vengeance du « peuple éternel », ce qui n’a pas suscité un niveau d’indignation similaire dans les médias occidentaux ou israéliens.
Lors de la libération du sixième groupe d’otages palestiniens la semaine dernière, le service pénitentiaire israélien a pris des photos des prisonniers palestiniens avant leur libération, agenouillés et vêtus de t-shirts portant la phrase « Nous ne pardonnerons ni n’oublierons » à côté d’une étoile de David.
Quatre des Palestiniens libérés la semaine dernière ont été transférés dans un hôpital de Ramallah en raison de leur mauvais état de santé, tandis que l’un d’entre eux, Ameer Abu Raddaha, avait tellement maigri que les membres de sa famille ne l’ont pas reconnu.
Une tentative inavouée de bloquer la deuxième phase du cessez-le-feu
La libération suspendue des prisonniers palestiniens est le septième des huit échanges de prisonniers prévus au cours de la première phase de l’accord de cessez-le-feu. Le Hamas a libéré tous les prisonniers israéliens vivants qui devaient être libérés au cours de la première phase.
Selon le gouvernement israélien, 60 prisonniers israéliens sont toujours en vie à Gaza, et leur libération devrait être convenue au cours de la deuxième phase du cessez-le-feu.
Cette deuxième phase devrait également inclure des négociations sur la fin définitive de la guerre et le retrait complet des forces israéliennes de la bande de Gaza.
Les pourparlers sur la deuxième phase devaient commencer le seizième jour du cessez-le-feu, il y a trois semaines. Netanyahu a retardé l’envoi d’une équipe de négociation au Caire jusqu’à la fin de sa dernière visite à Washington et de sa rencontre avec le président américain Donald Trump.
L’appel de Trump au déplacement des Palestiniens de Gaza a renforcé la position du courant fasciste allié de Netanyahou, en particulier celle de son ministre des Finances, Bezalel Smotrich, qui n’a cessé de réclamer la reprise de la guerre contre Gaza après la fin de la première phase de l’accord de cessez-le-feu.
Smotrich a continuellement menacé de démissionner du gouvernement de Netanyahu si Israël ne reprenait pas la guerre contre Gaza, ce qui est la position de plusieurs ministres du cabinet israélien qui s’opposent au passage à la deuxième phase du cessez-le-feu.
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Les médias israéliens ont laissé entendre que ces ministres ont fait pression sur Netanyahu pour qu’il suspende la libération des Palestiniens dans l’espoir d’éviter le passage à la deuxième phase du cessez-le-feu.
Netanyahu a suspendu la libération de plus de 600 otages contre la recommandation des services de sécurité israéliens, a rapporté Axios. L
a chaîne israélienne Channel 12 a rapporté de son côté que les chefs des branches militaires et de sécurité avaient conseillé à Netanyahu de procéder à la libération, mais qu’après la réunion de Netanyahu avec les dirigeants politiques et les membres de son cabinet, il avait décidé de la suspension.
Comme il ne reste qu’une semaine avant la fin de la première phase de l’accord de cessez-le-feu, les chances de parvenir à un accord final ont diminué.
En début de semaine, l’envoyé américain au Moyen-Orient, Steve Witkoff, a rencontré le ministre israélien des Affaires stratégiques, Ron Dermer, qui a été nommé pour diriger les négociations sur la deuxième phase, ainsi que le Premier ministre qatari, Muhammad bin Abdulrahman al-Thani, qui joue le rôle de médiateur dans les pourparlers au nom du Qatar.
Israël a annoncé qu’il exigeait la fin du contrôle du Hamas sur Gaza pour mettre fin à la guerre, tandis que le Hamas a accusé Netanyahu d’utiliser des prétextes pour éviter de mettre fin à la guerre.
Le Hamas est resté ferme sur son exigence sur la fin du conflit, le retrait complet d’Israël de la bande de Gaza et la reconstruction de Gaza.
Auteur : Qassam Muaddi
* Qassam Muaddi est un journaliste palestinien basé à Ramallah. Il couvre l’actualité palestinienne : événements politiques, mouvements sociaux, questions culturelles ... Il écrit pour les quotidiens libanais Assafir et Al Akhbar, les sites Middle East Eye, Mondoweiss et The New Arab, ainsi que pour les journaux électroniques palestiniens Metras et Quds News Network.Son compte twitter.
23 février 2025 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine
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