La guerre israélienne a réduit à néant l’agriculture et l’élevage de Gaza

8 mars 2025 - Alors que les femmes du monde entier luttent pour la liberté et l'égalité, les femmes de Gaza luttent pour leur survie dans le cadre de la guerre génocidaire menée par Israël. Les forces coloniales israéliennes ont massacré plus de 12 000 femmes palestiniennes lors de leur assaut incessant contre l'enclave assiégée. Au moins 2000 femmes ont été laissées handicapées à vie, 13 901 sont devenues veuves et doivent assurer seules la survie de leur famille, 17 000 mères pleurent leurs enfants assassinés et 50 000 femmes enceintes ont subi la perte inimaginable de leur bébé dans des conditions inhumaines et délibérées de famine, de siège et de bombardement. Les femmes de Gaza ont continué à faire preuve d'une extraordinaire résilience face à des conditions aussi brutales - Photo : Doaa Albaz / Activestills

Par Rasha Abu Jalal

Les bombardements ont détruit les terres agricoles et empoisonné le sol, tandis que le blocus généralisé d’Israël a rendu l’eau rare pour les agriculteurs qui fournissaient autrefois un tiers des besoins alimentaires de Gaza.

GAZA – Par un après-midi de début février, Sami Abu Amr, un agriculteur de 61 ans, se promène sur son terrain d’environ trois acres situé à l’est du quartier de Shuja’iyya, dans la ville de Gaza, où il entretenait autrefois des oliviers et cultivait des légumes de saison, notamment des concombres, des tomates et des pommes de terre. Avant la guerre, la vente de ses produits aux habitants de la région constituait l’unique source de revenus de sa famille de 13 personnes, dont ses fils et ses petits-enfants.

Mais ces terres agricoles sont aujourd’hui dévastées : Un paysage désertique d’arbres déracinés, de traces de bulldozers et de sols criblés de cratères laissés par les frappes aériennes israéliennes.

En plus de la destruction de ses terres agricoles, l’armée israélienne a également détruit le matériel agricole, la serre, le réseau d’irrigation et l’élevage de volailles d’Abu Amr, ce qui représente des pertes qu’il estime à 70 000 dollars. « Cette terre n’est pas seulement une source de revenus », a déclaré M. Abu Amr. « C’est ma vie, mon histoire. Je l’ai cultivée à la sueur de mon front pendant des années ».

Avant le début de l’assaut israélien en 2023, les terres agricoles couvraient environ 47 % de la bande de Gaza et produisaient suffisamment de nourriture pour répondre à un tiers de la demande locale, offrant ainsi une source essentielle de nourriture aux Palestiniens qui vivent en état de siège depuis près de deux décennies.

Suite au « cessez-le-feu » entré en vigueur le 19 janvier, des centaines de milliers de Palestiniens de Gaza ont regagné leurs maisons et leurs terres après des mois de déplacement forcé, pour y trouver un paysage apocalyptique. Outre la destruction de maisons, de magasins, de boulangeries, d’hôpitaux, d’universités, de routes et d’autres infrastructures civiles, Israël a décimé la quasi-totalité de la capacité agricole de Gaza.

Selon les Nations unies, 82 % des terres cultivées, 55 % des systèmes d’irrigation des exploitations et 78 % des serres ont été endommagés, laissant des champs autrefois productifs stériles. Près de 70 % des puits agricoles ont été endommagés, tandis que 96 % du bétail et 99 % de la volaille sont morts.

Une analyse réalisée par Forensic Architecture l’année dernière a révélé qu’en mars 2024, environ 40 % des terres de Gaza précédemment utilisées pour la production alimentaire avaient été détruites. Depuis lors, les agriculteurs affirment que les dégâts sont encore plus catastrophiques – Crédit : Forensic Architecture

La première phase du « cessez-le-feu », qui est entrée en vigueur le 19 janvier, a permis un afflux d’aide à Gaza, apportant un certain répit à la catastrophe humanitaire. Cependant, Israël a violé l’accord en limitant fortement le nombre de camions transportant du carburant – essentiel pour alimenter les générateurs et les équipements – ainsi que des animaux vivants et de la nourriture pour animaux.

Le 2 mars, alors que la première phase du cessez-le-feu prenait fin, Israël a annoncé qu’il réimposait un blocus total sur Gaza – interdisant l’entrée de tout camion – comme il l’avait fait au cours des premières semaines de sa campagne militaire en octobre 2023.

Selon l’accord de cessez-le-feu signé, les discussions sur la mise en œuvre de la deuxième phase de l’accord devaient commencer le 3 février, mais le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a refusé d’envoyer une équipe de négociation et est rapidement retourné à son programme de sabotage.

Les prix des denrées alimentaires à Gaza ont doublé ou triplé dans la journée qui a suivi la fin de la première phase, Israël ayant une fois de plus utilisé la faim et la famine forcées comme arme de guerre, des tactiques qui ont conduit à l’émission de mandats d’arrêt par la Cour pénale internationale à l’encontre de M. Netanyahou et de son ancien ministre de la défense, Yoav Gallant.

Les agriculteurs qui sont retournés sur leurs terres doivent faire face à la destruction de leur matériel, de leurs serres et de leurs terres agricoles, ainsi qu’à la pénurie d’eau dessalée. Israël a également imposé de lourdes restrictions à l’entrée de semences, d’engrais et d’autres produits nécessaires à l’agriculture.

Abu Amr repart de zéro. L’accès à l’eau n’est pas une mince affaire : au cours de la guerre, l’armée israélienne a pris pour cible des infrastructures essentielles, notamment des puits d’eau qui permettaient de maintenir l’agriculture dans la région. « C’est comme s’ils voulaient tuer la terre avant de nous tuer », explique Abu Amr.

Hosni Mehanna, porte-parole de la municipalité de Gaza, a déclaré à Drop Site que 203 des 319 puits de Gaza ont été gravement endommagés, les rendant inutilisables. Il a ajouté que le principal défi actuel est l’absence d’équipement et de machines pour réparer les puits et les réseaux d’eau endommagés.

L’approvisionnement en eau par habitant à Gaza a chuté à environ trois litres par jour, a déclaré M. Mehanna. L’Organisation mondiale de la santé estime que 20 litres par habitant et par jour est la quantité minimale d’eau salubre nécessaire pour atteindre les niveaux essentiels de santé et d’hygiène.

En l’absence d’approvisionnement en eau et de tuyaux d’irrigation en état de marche, Abu Amr a envisagé de creuser un puits privé, mais le coût était élevé : 8 000 dollars, une somme dont il ne disposait pas.

À la mi-février, lorsqu’il a fait part de son dilemme à sa femme, celle-ci lui a tendu des bijoux en or qu’elle avait hérités de sa mère. « Prenez mon or et plantez la terre », lui dit-elle. « Nous n’avons pas besoin d’or si nous n’avons pas de terre ».

Il n’a pas eu d’autre choix que de prendre le risque, de vendre l’or et d’engager une excavatrice pour forer le puits, même s’il craignait que l’argent ne s’épuise avant qu’ils n’atteignent la nappe phréatique. « Ce furent des moments difficiles », a-t-il déclaré. « Je craignais que la profondeur ne soit pas suffisante ou que l’eau soit rare. Mais je me répétais sans cesse que la terre n’abandonnait jamais son peuple ».

Après des jours de travail, l’eau a fini par jaillir du sol, signe d’espoir. Abu Amr a alors récupéré ses tuyaux, endommagés pendant la guerre et criblés de trous, et a demandé à un atelier local de les réparer.

Il est maintenant confronté à un nouveau défi : il n’y a plus de semences disponibles en raison des restrictions sévères imposées par Israël sur les kits de semences entrant dans la bande de Gaza au cours des 17 derniers mois. En fouillant dans ce qui restait de son ancien stock, Abu Amr a trouvé une poignée de graines de concombre et de poivron.

Il a commencé à les planter dans des sacs en plastique remplis de terre et à les irriguer avec le peu d’eau qu’il pouvait tirer du puits jusqu’à ce que les plants soient prêts à être mis en terre. « Ils nous ont peut-être tout volé, mais ils ne nous voleront pas notre volonté », a-t-il déclaré. « Cette terre sera à nouveau verte, même si je dois la payer avec le sang de mon cœur ».

Alors que les agriculteurs s’efforcent de recommencer à cultiver leurs terres, on craint de plus en plus que la campagne de bombardements et l’invasion terrestre incessantes d’Israël n’aient endommagé de façon permanente une grande partie du sol de Gaza et ne l’aient rendu infertile.

Aux abords de Beit Lahia, dans le nord de la bande de Gaza, Farid al-Attar, un agriculteur de 52 ans, se tient au milieu de sa terre, contemplant avec tristesse les plants de tomates et de maïs qu’il a plantés il y a plusieurs semaines et qui sont maintenant affaissés et flétris. Il craint que le sol ne soit détruit.

Al-Attar s’agenouille et touche les feuilles jaunes de ses plants de maïs. « Cela ne m’était jamais arrivé auparavant. Je cultive ici depuis vingt ans et ce sol m’a toujours donné de bonnes récoltes. Mais maintenant, c’est comme si la terre était malade. Elle ne réagit pas à l’agriculture », a-t-il observé. « J’ai l’impression que la terre n’est plus la même. Même l’eau avec laquelle nous irriguons les cultures a changé, peut-être des substances toxiques s’y sont-elles infiltrées » ?

La théorie d’Al-Attar est probablement correcte. En novembre dernier, l’Autorité pour la qualité de l’environnement, un organisme indépendant créé par l’Autorité palestinienne dans les années 1990, a publié un rapport concluant que le largage par Israël de plus de 85 000 tonnes de munitions sur Gaza a entraîné une « pollution du sol par des produits chimiques toxiques qui rendront l’agriculture difficile pour les décennies à venir ».

Le rapport souligne également qu’Israël a utilisé divers types d’armes, dont le phosphore blanc, qui peuvent causer des dommages permanents à l’environnement.

M. Al-Attar craint que ce ne soit le début de la mort du secteur agricole à Gaza. Les restrictions imposées par Israël à l’entrée des engrais et du matériel agricole, combinées au manque d’eau potable pour l’irrigation, ont privé les agriculteurs de toute possibilité de sauver leurs terres.

« Nous ne demandons pas l’impossible, laissez-nous simplement planter et vivre », a-t-il déclaré. « L’agriculture à Gaza n’est pas seulement une profession, c’est notre vie. Si personne ne se mobilise pour la sauver, nous perdrons notre seule source de nourriture ».

5 mars 2025 – Drop Site News – Traduction : Chronique de Palestine – Éléa Asselineau

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