
7 avril 2025 - Une grève générale a lieu à Hébron, en Cisjordanie occupée, à la suite d'appels internationaux et locaux lancés par des organisations palestiniennes et des groupes de solidarité pour protester contre la guerre génocidaire menée par Israël contre Gaza. La grève coïncide avec la Journée mondiale de la santé et vise à attirer l'attention sur le bilan dévastateur du génocide, qui a tué à cette date, au moins 50 695 Palestiniens - Photo : Mosab Shawer / Activestills
Malgré une large participation à une grève générale pour protester contre le génocide à Gaza, les forces palestiniennes organisées en Cisjordanie connaissent un « moment de faiblesse », selon les militants de la société civile, en raison de la campagne terroriste menée par l’occupant israélien.
Les Palestiniens de Cisjordanie ont observé lundi [7 avril] une grève générale pour protester contre le nouveau génocide israélien à Gaza.
La grève a été observée dans toutes les villes et villages de Cisjordanie et tous les organismes de la société civile y ont participé. Le syndicat des enseignants palestiniens a annoncé l’arrêt de tous les cours, tandis que le barreau palestinien a annoncé que tous les avocats et juges étaient appelés à s’abstenir d’assister aux audiences.
Les « forces nationales et islamiques », la coalition de tous les partis politiques palestiniens, ont également appelé à la grève générale. Elle a été observée par l’ensemble de la société palestinienne en Cisjordanie, y compris les entreprises et les transports publics.
La grève faisait écho à un appel mondial à une grève générale en solidarité avec Gaza. Bien qu’aucune organisation centrale n’ait appelé à la grève en Palestine, différentes entités palestiniennes ont annoncé successivement qu’elles se joindraient à la grève mondiale un jour avant la date prévue.
La Cisjordanie subit de plein fouet un nouveau chapitre de la Nakba (photos)
Mais malgré la large participation de tous les Palestiniens à l’action menée dans toute la Cisjordanie, les protestations sont restées contenues et modérées, certains qualifiant les manifestations de théatrales ou de « symboliques ».
À Ramallah et Naplouse, des milliers de Palestiniens ont défilé dans les rues des villes – se limitant aux centres-villes – et ont commencé et se sont terminées sans incident.
Une légère exception a été faite lorsque la police palestinienne a arrêté quatre manifestants à Ramallah, affirmant qu’ils avaient brandi des drapeaux du Hamas.
Les manifestants palestiniens s’étaient ensuite rassemblés devant le centre de police palestinien à Ramallah pour exiger la libération des détenus. Deux d’entre eux ont ensuite été relâchés.
D’autres marches ont été signalées dans plusieurs villes et villages des régions de Naplouse et de Ramallah. Des manifestations et des grèves ont été observées dans d’autres pays, avec des rassemblements signalés au Maroc, en Algérie et en Tunisie, tandis que dans le sud du Liban, certaines écoles ont été fermées lundi dans le cadre du même mouvement.
La Cisjordanie connaît un « moment de faiblesse »
Ce qui a été le plus remarquable à propos de cette journée d’action, c’est qu’elle n’a pas été accompagnée d’affrontements avec les forces israéliennes d’occupation aux entrées des villes, malgré la large participation et l’adhésion à la grève de toute la société palestinienne.
Les affrontements avec les forces israéliennes étaient monnaie courante avant le génocide à Gaza, en particulier les jours de grève générale, mais ils sont devenus rares depuis.
La dernière fois que des manifestants à Ramallah se sont affrontés avec les forces d’occupation à l’entrée nord de la ville, c’était le jour de la commémoration de la Nakba, le 15 mai de l’année dernière, lorsqu’un étudiant universitaire a été tué par des tirs israéliens pendant les manifestations.
À ce moment-là, les manifestants avaient expliqué à Mondoweiss que les forces israéliennes n’utilisaient plus de balles en caoutchouc ni de balles de faible calibre pour disperser les foules, mais qu’elles utilisaient à la place des tirs à balles réelles contre les manifestants.
La grève « a dépassé nos attentes », a déclaré Jamal Jumaa, le coordinateur de la campagne Stop The Wall en Cisjordanie. « Même à Al-Qods [Jérusalem], la grève a été strictement respectée, ce qui indique que les Palestiniens sont tous touchés et affectés par le génocide et sont prêts à se mobiliser pour soutenir le peuple de Gaza. »
Malgré cela, Jumaa affirme que les forces palestiniennes organisées « traversent un moment de faiblesse interne », ce qui explique l’absence de stratégie cohérente pour soutenir Gaza et s’opposer à l’agression continue d’Israël. « Des années de violente répression par l’occupation israélienne et de divisions internes expliquent le manque de leadership et de volonté populaire de se mobiliser pour Gaza », a poursuivi Jumaa.
Mais ces facteurs existent en Cisjordanie depuis des années, et pourtant l’absence de toute forme d’action de masse est plus récente, liée au génocide à Gaza et à ses répercussions en Cisjordanie.
« L’intensification de la répression israélienne et des attaques contre les communautés palestiniennes, le mépris total de la vie, la facilité avec laquelle on tue et la cruauté débridée à l’égard des détenus dans les prisons de l’occupation ont terrorisé les Palestiniens au point qu’ils se mobilisent moins que d’habitude », a expliqué Jumaa. « C’est pourquoi la grève de lundi est si importante. »
Selon Jumaa, l’appel à la grève est d’abord venu de Gaza avant de devenir mondial. « Le fait qu’il soit devenu un appel mondial en soi est remarquable », a-t-il déclaré. « Le mouvement de solidarité internationale est probablement la dernière lueur d’espoir que les Palestiniens voient dans le monde après que la rhétorique des gouvernements sur la démocratie et l’État de droit a été exposée pour ce qu’elle est : un pur discours dénué de tout contenu sérieux. »
« Il a fallu des mois avant que la Cour internationale de justice ne rende sa décision, et la plupart des pays n’ont toujours pas agi en conséquence », a expliqué Jumaa. « Mais les Palestiniens peuvent voir la différence entre les gouvernements et les sociétés civiles, qui n’ont pas cessé de protester pour Gaza depuis près de deux ans. »
« Nous sommes lassés des postures symboliques
À Gaza, les Palestiniens des camps de déplacés ont accueilli la grève mondiale et la grève en Cisjordanie et à Jérusalem « avec un mélange de gratitude et de scepticisme », selon un Palestinien déplacé dans la région de Mawasi à Khan Younis, qui a préféré garder l’anonymat.
« Bien sûr, nous remercions tous ceux qui font des efforts pour nous soutenir et faire pression sur les gouvernements du monde entier pour qu’ils mettent fin au génocide, surtout après un an et demi de lutte pour survivre aux bombes, à la faim et aux déplacements répétés », a-t-il déclaré. « Mais il faudra bien plus que cela pour que cette pression soit efficace. »
« Le but des grèves, ou de toute autre forme de protestation, est qu’elles soient continues et s’ajoutent les unes aux autres, et qu’elles formulent des demandes spécifiques et ciblent des personnes spécifiques en position de pouvoir pour faire pression sur elles », a-t-il poursuivi.
« Sinon, elles deviennent symboliques, et nous, ici, nous sommes en train de mourir… nous sommes lassés des postures symboliques. »
« Il n’y a que deux sortes de personnes dans le monde aujourd’hui », a-t-il ajouté. « Ceux qui ne peuvent pas rester passifs… et les autres, qui vont de ceux qui soutiennent le génocide à ceux qui ne trouvent pas que tout ce qui nous est arrivé est suffisant pour qu’ils sortent de leur attitude de confort. »
Depuis octobre 2023, Israël a intensifié sa répression contre toutes les formes de militantisme palestinien en Cisjordanie, kidnappant jusqu’à 10 000 Palestiniens, y compris ceux qui ont été libérés par la suite.
Les Palestiniens ont été et continuent d’être soumis à des traitements violents et inhumains, notamment à la torture systématique, à la famine, à des passages à tabac réguliers et, dans de nombreux cas, à des viols. À l’heure actuelle, quelque 9500 Palestiniens sont détenus dans des prisons israéliennes, dont plus de 3400 sont en « détention administrative » sans inculpation ni jugement.
Auteur : Qassam Muaddi
* Qassam Muaddi est un journaliste palestinien basé à Ramallah. Il couvre l’actualité palestinienne : événements politiques, mouvements sociaux, questions culturelles ... Il écrit pour les quotidiens libanais Assafir et Al Akhbar, les sites Middle East Eye, Mondoweiss et The New Arab, ainsi que pour les journaux électroniques palestiniens Metras et Quds News Network.Son compte twitter.
8 avril 2025 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine
Soyez le premier à commenter