
4 avril 2025 - Le Mouvement de résistance islamique, Hamas, a publié un communiqué dans lequel il annonce la mort de l'un de ses hauts responsables, Hassan Farhat (Abu Yasser), ainsi que de son fils Hamza et de sa fille Jinan, qui ont péri lors d'une attaque aérienne israélienne contre leur domicile dans la ville de Saïda, au sud du Liban - Photo : via al-Manar
L’incapacité du gouvernement libanais à protéger le pays contre les attaques israéliennes mène le Liban à un croisement : soit le Hezbollah rentre en guerre pour défendre le peuple libanais, soit le gouvernement s’impose et se contente de rester les bras croisés.
Le 28 mars, la banlieue de Dahiya, au sud de Beyrouth, a été la cible de quatre frappes aériennes israéliennes sur le quartier de Hadath, la première attaque sur Beyrouth depuis la trêve de novembre 2024.
Un immeuble résidentiel, qui abritait un certain nombre de familles libanaises, a été complètement rasé par les frappes aériennes.
« Tout le bâtiment a disparu. Il ne reste que du ciment et du verre », a déclaré un commerçant local à Mondoweiss. « Nous étions assis avec nos petits-enfants lorsque nous avons entendu les frappes aériennes et vu des gens courir et crier. »
Quelques heures plus tard, la fumée s’élevait encore des cendres et des décombres alors que les opérations de secours se poursuivaient.
Les habitants de Hadath ont fait part d’un sentiment de malaise qui existait déjà parmi les habitants de Dahiya, avant même les frappes aériennes.
Une femme a expliqué que les attaques continues d’Israël contre le Sud-Liban étaient toujours présentes dans l’esprit des gens. « Beaucoup d’entre nous avaient le sentiment que cette attaque était inévitable et qu’Israël n’épargnerait pas Dahiya. Le cessez-le-feu n’existe pas pour le Sud-Liban, et il n’existe pas pour les habitants de la banlieue. Partout où se trouve l’un des nôtres, Israël voit une cible. »
Avant l’aube du 1er avril, ces mots semblaient presque prophétiques alors que Dahiya était à nouveau secouée par une frappe aérienne israélienne, visant cette fois le quartier de Moawad.
L’attaque contre Moawad a rasé trois étages d’un immeuble résidentiel, faisant quatre morts et sept blessés. Parmi les décombres se trouvaient des jouets pour enfants, des sacs à dos, des vêtements et des chaussures.
« Nous voulons qu’Israël sache une chose : cela ne nous empêchera pas de poursuivre notre résistance », a déclaré un jeune homme à Mondoweiss. « Ne croyez pas que nous avons peur, non. Nous avons placé notre foi en Dieu et en notre résistance. »
C’est cette confiance aiguisée qui a poussé le peuple de Dahiya à avancer sur ce qu’il décrit comme le « chemin de la résistance » – un chemin sans raccourcis qui l’a forcé à affronter la brutalité du principal État vassal des États-Unis dans la région.
Pour beaucoup, la bataille n’est pas terminée, et les fidèles du Hezbollah restent prêts à affronter tout ce qui pourrait se produire.
Frustration face à la position du gouvernement
Alors que les habitants du Sud-Liban et de la banlieue de Dahiya continuent d’être la cible de campagnes d’assassinats, de bombardements aériens et de la destruction de leurs villages historiques, le gouvernement libanais n’a guère réagi aux attaques continues d’Israël – qui comprennent également des violations flagrantes de la souveraineté libanaise par le biais de la surveillance par drone – si ce n’est par de faibles condamnations.
La population locale considère certains membres du gouvernement libanais comme étant au pire totalement complices et au mieux faibles de volonté, et a plutôt placé sa confiance dans d’autres parties et dans la résistance libanaise.
Après les frappes aériennes à Hadath, un groupe de femmes se tenant à côté d’un magasin de vêtements à quelques mètres de la frappe aérienne a exprimé sa colère et son dégoût envers le gouvernement libanais, le décrivant comme n’étant pas meilleur que les États-Unis et Israël.
« Quel est le plan [du gouvernement] pour nous ? Endurer ces attaques dans le Sud et ici aussi ? Devons-nous nous sentir réconfortés par leurs condamnations ? Pourquoi le président fantoche Joseph Aoun ne revient-il pas de son voyage en France et n’envoie-t-il pas son armée pour défendre son peuple ? Où est le Premier ministre ? Est-il toujours endormi ? » a déclaré une femme.
« En fin de compte, nous sommes une fois de plus obligés de nous défendre nous-mêmes. Nous n’avons que Dieu et notre Résistance, et cela nous suffit. »
Cette conviction inébranlable n’est pas une expression poétique rare, véhiculée par une poignée de résidents libanais, mais mais l’expression d’une volonté indéniable qui fait partie intégrante de la culture de la résistance que l’on retrouve dans toute la Dahiya et le Sud-Liban.
L’attitude du Hezbollah
Les attaques israéliennes contre Dahiya interviennent alors que la pression politique et économique internationale continue de s’intensifier sur le groupe de résistance libanais Hezbollah pour qu’il désarme.
Malgré une campagne d’assassinats dévastateurs (dont le meurtre du secrétaire général Sayyed Hassan Nasrallah en septembre et les deux vagues d’attaques à l’explosif contre des installations électroniques), le Hezbollah a assumé la majorité des coûts de reconstruction et d’hébergement du pays, qui s’élèvent à 650 millions de dollars, selon un rapport d’Al-Akhbar, un média pro-résistance.
Pour remettre les choses en contexte, la Banque mondiale n’a offert au Liban qu’un prêt de 250 millions de dollars pour la reconstruction, ce que beaucoup ont décrit comme un moyen d’exercer une pression sur le gouvernement libanais afin de désarmer le Hezbollah.
Le FMI et la Banque mondiale conditionnent les fonds de reconstruction à la normalisation des relations entre le Liban et Israël et au désarmement du Hezbollah. La population de Dahiya et du Sud-Liban reste opposée à cette forme de chantage, comme l’a récemment rapporté Mondoweiss.
L’écrivain et analyste libanais Mohammad Hasan Sweidan a qualifié l’atmosphère politique actuelle à laquelle est confrontée la communauté de la résistance de « guerre psychologique la plus violente de l’histoire du conflit avec Israël ».
Dans cette guerre, affirme Sweidan, Israël utilise les dernières stratégies « dans le domaine de la guerre psychologique et médiatique qui visent la prise de conscience de quiconque croit en l’option de résister à l’arrogance d’Israël ».
Parmi ces tactiques, on peut citer des informations non confirmées par les médias selon lesquelles la résistance libanaise aurait envisagé la possibilité de désarmer en échange du retrait israélien du Sud-Liban et de la fin de son agression contre les villages libanais.
Aucune déclaration officielle n’a été publiée par le parti ou par son nouveau secrétaire général, le cheikh Naim Qassim. En février, lors des funérailles de Sayyed Hassan Nasrallah, Qassim a en effet souligné que « la résistance n’est pas terminée » et qu’elle est « présente et prête » à affronter Israël.
« Nous ouvrons le feu quand nous le jugeons approprié, et nous faisons preuve de patience quand nous le jugeons approprié, et la résistance se poursuivra. »
Le Hezbollah n’a pas répondu aux attaques israéliennes, car il a laissé cette responsabilité à l’État.
Ce temps a également donné à la résistance libanaise la capacité nécessaire pour restaurer ses capacités, mais l’échec du gouvernement libanais à faire plus que de faibles dénonciations conduit le Liban sur deux voies : soit le Hezbollah n’aura d’autre choix que de rentrer dans la guerre pour défendre le peuple libanais, soit le Liban devra endurer d’autres attaques pendant que les politiciens continueront à rester les bras croisés.
Nous verrons ce que l’avenir réserve au Liban, mais une chose est claire : ceux qui font partie de la résistance libanaise restent fermes sur cette voie, et aucune violence israélienne ne les dissuadera de la bataille qui les attend.
Auteur : Roqayah Chamseddine
* Roqayah Chamseddine est une chercheuse et journaliste basée au Liban, d'où elle couvre l'actualité. Ses travaux ont notamment été publiés dans Splinter, The New York Crimes et The Electronic Intifada. En plus de ses écrits, elle co-anime le podcast « Delete Your Account ».
11 avril 2025 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine
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