La torture psychologique fait partie de la panoplie israélienne pour tourmenter les prisonniers palestiniens

17 avril 2025 - Les Palestiniens ont commémoré la Journée des prisonniers palestiniens, célébrée chaque année le 17 avril, en organisant une veillée de solidarité dans la ville cisjordanienne d'Hébron. Les participants ont manifesté leur solidarité avec les prisonniers palestiniens. Instituée en 1974, la Journée des prisonniers palestiniens rend hommage à la lutte des prisonniers détenus dans les prisons israéliennes. Début avril, le nombre de prisonniers palestiniens détenus par l'occupant dépassait les 9900, dont au moins 400 enfants et 27 femmes, selon la Société des prisonniers palestiniens. La détention administrative a connu une augmentation sans précédent, avec 3498 personnes détenues sans inculpation ni procès, dont plus de 100 enfants et quatre femmes - Photo : Mosab Shawer / Activestills

Par Shatha Hanaysha

Les prisonniers palestiniens détenus par Israël sont torturés, affamés et persécutés comme ils ne l’avaient jamais été depuis 1967. Mon frère, subit tout cela en prison depuis plus d’un an.

Aujourd’hui, c’est la journée des prisonniers palestiniens. Mon frère, Assem Hanaysha, est en détention administrative – emprisonnement sans inculpation ni procès – depuis plus d’un an maintenant.

Au cours du mois de Ramadan, en mars dernier, une terrible nouvelle lui est parvenue dans les cellules de la prison du Naqab : sa sœur Shatha avait été tuée.

Mon frère a appris ma mort alors qu’il croupissait en prison, privé des nécessités les plus élémentaires de la vie et sans aucun moyen de vérifier l’information ou de communiquer avec le monde extérieur.

Coupé du monde par des murs qui ne laissent rien filtrer, le corps rongé par la gale, les maux d’estomacs et les douleurs dentaires, Assem a vécu des jours d’enfer en croyant que j’étais partie pour toujours.

Il est presque impossible, en prison, de vérifier une information.

Toutes nos tentatives pour lui transmettre une information se sont transformées en une longue et douloureuse épreuve ponctuée de longues périodes d’attente en raison des efforts de l’Occupation pour empêcher les avocats de faire leur travail.

Les restrictions qu’elle impose rendent quasiment impossible le contact entre les prisonniers et leurs avocats, qui sont les seuls à pouvoir leur donner des informations sur ce qui se passe dans le monde extérieur, y compris sur l’évolution de la guerre.

Mais après de longs efforts, nous avons réussi à joindre un avocat qui allait rendre visite aux détenus de la prison de Naqab.

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Le plan était simple : l’avocat remettrait un message verbal à l’un des prisonniers, qui le transmettrait ensuite au plus de prisonniers possible, en espérant qu’il parviendrait à Assem au bout de quelques jours. Le message était tout aussi simple : « Votre sœur Shatha se porte bien. Elle est vivante ».

Mais avant même que le message ne lui parvienne, l’avocat a découvert une autre horreur. Il nous a raconté, à son retour, que tous les prisonniers qu’il avait rencontrés lui avaient posé la même question : « Avez-vous des informations sur la journaliste, la sœur du prisonnier Assem Hanaysha ? Nous avons entendu dire qu’elle avait été martyrisée ».

Cela a tellement terrifié mon frère qu’il a demandé à tous les prisonniers qui devaient voir un avocat de s’enquérir de mon sort. On ne peut pas s’imaginer la souffrance des prisonniers qui sont isolés de leur famille et du monde dans lequel ils vivaient !

La nouvelle que l’Autorité palestinienne avait tué une journaliste de Jénine nommée Shatha était parvenue à la prison du Naqab. Il s’agissait en fait de Shatha Sabbagh, une journaliste du camp de réfugiés de Jénine qui a été tuée par les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne au cours d’un raid sur le camp, appelé « Opération Protection de la Patrie ».

La nouvelle est arrivée à la prison sous cette forme : une journaliste de Jénine nommée Shatha a été tuée. Elle s’est ensuite répandue d’une section à l’autre, élargie d’une précision inexacte : que la journaliste nommée Shatha de Jénine était Shatha Hanaysha, la sœur d’Assem Hanaysha. L’occupation apprécie, voire encourage, ce genre de confusion.

Ce qui s’est passé n’est pas une simple erreur. L’occupation israélienne mène une guerre psychologique systématique contre les prisonniers palestiniens et la manipulation des informations s’inscrit dans un système plus large de négligence médicale délibérée, d’isolement des prisonniers et de répression psychologique.

Elle a toujours le même but : briser les prisonniers par le doute, les tuer par la peur, semer la panique et l’impuissance au plus profond de leur cœur et les isoler du monde extérieur.

Ce qui est arrivé à mon frère Assem, toute la douleur qu’il a vécue en croyant qu’il avait perdu sa sœur, n’est pas seulement une histoire personnelle, et je ne vous la partage pas en tant que telle. C’est un aperçu des crimes quotidiens commis par l’occupation contre plus de 9500 prisonniers palestiniens, dont 350 enfants.

Depuis le 7 octobre 2023, la situation dans les prisons israéliennes est pire qu’elle l’a jamais été dans l’histoire de l’occupation israélienne de la Palestine.

Les prisonniers disent que ceux qui ont connu la prison avant le 7 octobre ne savent pas ce que c’est que la prison. Le génocide, que l’occupation israélienne commet à Gaza, se prolonge derrière les barreaux, à travers la torture, la privation de nourriture, les agressions sexuelles, l’humiliation et le viol. *

Les prisons israéliennes sont devenues de véritables « camps de torture et de mort »

Même les médecins israéliens contribuent à la torture des détenus palestiniens, en donnant aux interrogateurs « le feu vert » médical à la torture, en montrant aux interrogateurs comment infliger la douleur sans laisser de traces physiques, et en se livrant parfois eux-mêmes directement à la torture.

Les prisonniers libérés des prisons de l’occupation sont la preuve la plus évidente des conditions qui y règnent. Un grand nombre d’entre eux ont perdu beaucoup de poids et souffert de graves problèmes de santé comme la gale, qui nécessite normalement un transfert immédiat à l’hôpital.

Ces derniers mois, plusieurs prisonniers sont morts dans les prisons israéliennes.

Selon un communiqué du Club des prisonniers palestiniens, le nombre de martyrs du mouvement des prisonniers a atteint 64 depuis le début du génocide, le 7 octobre 2023, et il ne s’agit que de ceux dont la mort a été officiellement annoncée.

La mort du prisonnier Musab Adeili, 20 ans, de la ville d’Osarin près de Naplouse, a été annoncée aujourd’hui à l’occasion de la Journée des prisonniers palestiniens, le 17 avril.

Parmi les 64 prisonniers figurent au moins 40 martyrs de Gaza. Mais il faut noter que l’occupation israélienne continue de cacher aux familles la mort de dizaines de martyrs qui avaient été arrêtés à Gaza et emprisonnés.

Selon le Club des prisonniers palestiniens, Musab Adeili est le 301e prisonnier connu à avoir été martyrisé derrière les barreaux depuis 1967, et le 73e dont le corps est retenu par l’occupation. Parmi eux, 62 ont été détenus depuis le début du génocide. On ne sait pas combien de prisonniers gazaouis l’Occupation a fait disparaître.

Dans une interview qu’il a accordée au média Arabs 48 avant de mourir en martyr pendant le génocide, Walid Daqqa a résumé l’essence de la prison israélienne. Je vous laisse avec ses mots :

« La prison est un endroit terrible. C’est ce que l’humanité pouvait inventer de pire, pour punir un être humain. Rien n’est plus infâme. La prison, en tant qu’institution totalitaire, ne vise pas le prisonnier en général, mais elle s’attaque à l’être humain dans son individualité – – les détails de sa vie, ses traits et ses caractéristiques personnelles. Dès l’instant où vous posez le pied à l’intérieur, le système tente de vous transformer en numéro, d’effacer votre identité et de faire de vous un être servile qui rampe devant son geôlier. Le geôlier a tout aménagé dans ce but, non seulement le lieu, mais aussi le temps – en le divisant en unités pour vous reconditionner complètement. »

17 avril 2025 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet

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