Lamis Andoni – L’Occident peut choisir de continuer à soutenir Israël et à fermer les yeux, mais une nouvelle génération versera larmes et sang pour s’assurer que les droits de Palestiniens ne disparaîtront pas, écrit Lamis Andoni.
Le silence assourdissant des médias internationaux face au nombre de Palestiniens blessés et tués par l’armée israélienne est affligeant.
Il semblerait qu’il y ait un consensus tacite chez les gouvernements occidentaux et en particulier les États-Unis : s’il n’y a pas de menace grave à la « sécurité d’Israël » et aux « vies juives israéliennes », il ne s’agit alors que d’un énième « cycle de violence » qui peut être étouffé ou même écrasé par une armée israélienne bien équipée.
Nous assistons actuellement à travers la Cisjordanie et la Bande de Gaza non pas à un de ces « cycles de violence », mais à une lutte de libération nationale qui doit être achevée.
Le terme de « cycle de violence », même s’il est malheureusement employé par certains dirigeants palestiniens, a pour but de camoufler la réelle situation coloniale dans laquelle les Palestiniens se trouvent soumis au contrôle brutal d’Israël.
Il ne s’agit pas là d’extrémistes des « deux camps » exploitant l’échec d’un processus de paix moribond, mais de négociations inutiles qui n’ont fait qu’encourager la consolidation et l’expansion de l’occupation israélienne. Mettre sur un pied d’égalité les jeunes Palestiniens qui affrontent leurs oppresseurs et les colons et soldats permet de criminaliser la résistance à l’occupation et donc de légitimer les meurtres commis par Israël.
Au nom de la « paix », Israël poursuit sa guerre quotidienne contre les Palestiniens, impose des restrictions sur leurs mouvements, démolit leurs maisons, déplace les familles, assassine les Palestiniens et bombarde villes et villages quand bon lui semble.
Ce n’est pas par hasard que depuis les Accords d’Oslo en 1991, le nombre de colonies illégales ait augmenté de façon spectaculaire. Dès le départ, Israël, avec l’appui des États-Unis, a refusé de respecter les lois et conventions internationales qui interdisent aux forces d’occupation de confisquer des terres acquises par la force et l’implantation de nouvelles populations sur ces terres.
Les accords qui ont suivi Oslo ont été signés sans prise en compte du droit international. Par conséquent, ils ne servent que de diktats du rapport de forces sur le terrain, permettant à Israël de poursuivre ses activités coloniales en toute impunité. Et pourtant, en même temps, ces accords donnent l’apparence dangereuse d’une fausse symétrie, mettant à « pied d’égalité » les autorités palestiniennes et israéliennes.
Le fait que même le Président palestinien ne puisse voyager dans et hors les territoires occupés ou que la l’armée israélienne puisse systématiquement kidnapper des Palestiniens, montrent bien que les structures du pouvoir demeurent intactes.
Ce sont les exigences d’Israël en matière de sécurité, sans cesse modifiées et redéfinies par Israël lui-même, qui régulent les rapports asymétriques entre Israël et l’Autorité Palestinienne.
Par conséquent, des dirigeants qui jadis avaient mené un combat pour la liberté en sont réduits à devenir des hommes de main, chargés de faire respecter les mesures de sécurité d’Israël, tenus de maîtriser la résistance palestinienne en nourrissant l’illusion que la « bonne conduite » des Palestiniens mettrait fin à l’occupation israélienne.
Ce qui était au départ une illusion est devenu une conviction bien établie, prônée par un grand nombre de dirigeants et autres membres de l’élite palestinienne, alors que leurs privilèges, dont la liberté de mouvement, et leurs intérêts dépendent de leur aptitude à « préserver le calme » pour Israël.
Préserver la « sécurité israélienne » est en effet devenu l’ultime test de l’humanité palestinienne, et les Palestiniens sont soumis à ce test quotidiennement. S’ils enfreignent les règles, ils subissent toutes sortes de punitions : restrictions de liberté de mouvement, arrestations, assassinats ou même invasions et guerres.
C’est exactement leur droit à mener une vie ordinaire que revendiquent les jeunes Palestiniens et Palestiniennes. Mais mener une vie ordinaire est impossible sans liberté. Et à moins que les pays occidentaux n’acceptent cette réalité, ils ne font que perpétuer cette injustice et cautionner les crimes d’Israël .
Les jeunes hommes et femmes qui affrontent les soldats israéliens armés ne comptent pas sur un soudain éveil des consciences des gouvernements occidentaux, mais sur le bousculer le statu quo.
Et comme les générations précédents qui ont participé aux première et seconde Intifadas de 1987 et 2001, ils font preuve d’un énorme courage et affrontent de lourds sacrifices. Ils ne comptent pas sur de faux espoirs de reprise de négociations alors que l’étau de l’occupation ne cesse de se resserrer.
Oslo a longtemps servi de sédatif, créant un mirage d’une paix juste. De tels sédatifs ne fonctionnent plus – chose dont les Palestiniens se sont rendus compte quand, en 2001, ils se sont soulevés durant la seconde Intifada.
Bien évidemment, les négociations ont repris après la seconde Intifada, tout comme la construction du mur de séparation qui a accéléré la colonisation des terres et a étouffé et divisé les villes et villages.
Les Palestiniens ne sont pas seulement en train de se soulever contre le régime militaire et colonial de l’apartheid ; ils brandissent un miroir devant une Autorité Palestinienne déshonorée et un monde apathique.
Alors qu’Israël est le principal responsable, il est grand temps que l’Autorité Palestinienne si elle souhaite éviter d’être complice des crimes d’Israël, mette fin à cette farce qu’est la coopération sécuritaire avec l’occupant.
L’Occident peut choisir de continuer à soutenir Israël et à fermer les yeux, mais une nouvelle génération versera larmes et sang pour s’assurer que les droits de Palestiniens ne disparaîtront pas.
* Lamis Andoni est analyste et commentatrice pour le Middle Eastern and Palestinian Affairs
14 octobre 2015 – Al-Jazeera – Traduction – Abla Kandalaft