Dans son exposé pour The New Yorker, Ronan Farrow révèle que, parmi les enquêteurs privés et les entreprises avec lesquels travaillait Weinstein, on trouvait Black Cube, « une entreprise dirigée par beaucoup d’anciens officiers du Mossad et d’autres agences de renseignement israéliennes. »
Black Cube se présente elle-même comme une entreprise dont les agents sont « très expérimentés et sont entraînés dans les unités d’élite des services secrets de l’armée et du gouvernement d’Israël ».
Son conseil consultatif regorge de personnalités et de militaires israéliens, notamment « feu Meir Dagan », l’ancien chef du Mossad, et Giora Eiland, un général israélien qui a l’habitude de menacer de mort et de destruction les Palestiniens et les Libanais dans les médias.
Dans un tweet qui a suivi les révélations, Asia Argento s’est demandé pourquoi elle et d’autres actrices de renom n’avaient pas parlé plus tôt. Elle a répondu elle-même à la propre question: « Nous avons été suivies par d’anciens agents du Mossad. N’est-ce pas terrifiant? Si, on ne peut pas plus. »
Argento a accusé Weinstein de viol.
Farrow a tweeté que c’était « l’affaire la plus folle sur laquelle j’ai jamais écrit et une expérience professionnelle singulière car j’en suis arrivé à craindre pour ma sécurité ».
Dans un tweet ultérieur, il a souligné que « pendant toute une année, des agents d’élite des services secrets israéliens se sont insinués dans la vie de Rose McGowan en utilisant de fausses identités ».
Les méthodes du Mossad
La mission de Black Cube était d’empêcher l’actrice Rose McGowan qui a également accusé Weinstein de viol, et d’autres personnes, de raconter leur histoire.
Deux employés de Black Cube ont rencontré McGowan. « L’un des enquêteurs a prétendu être un défenseur des droits des femmes et a secrètement enregistré au moins quatre conversations avec McGowan », selon The New Yorker.
Le même agent a contacté des journalistes en prétendant être une victime de Weinstein, sous une autre fausse identité.
Il était précisé, en toutes lettres, dans le contrat avec Black Cube, que l’entreprise toucherait un bonus de centaines de milliers de dollars si elle fournissait des « renseignements » suffisants pour empêcher la publication d’articles sur les agissements de Weinstein.
En mai, une certaine « Diana Filip » a contacté McGowan, en prétendant être une défenseuse des droits des femmes employée par Reuben Capital Partners, une firme d’investissement basée à Londres. Elle a offert 60 000 dollars à McGowan pour prendre la parole lors d’un gala à Londres et, au fil de leurs rencontres, elle a laissé entendre qu’elle pourrait investir dans la société de production de McGowan.
« Lors d’une de nos rencontres, en septembre, Filip a été rejoint par un autre agent de Black Cube, qui a dit s’appeler Paul et s’est présenté comme son collègue de travail à Reuben Capital Partners », rapporte The New Yorker. Leur but « était de repasser McGowan à un autre agent pour en extraire plus d’informations. »
On a découvert par la suite que « Diana Filip » était le « nom d’emprunt d’un ancien officier des forces de défense israéliennes originaire d’Europe de l’Est qui travaillait pour Black Cube », selon The New Yorker.
Et Reuben Capital Partners était en fait une façade – la création de fausses entreprises est un stratagème courant du Mossad pour donner des identités plausibles à ses agents.
« Filip » a réapparu en tant que « Anna », une femme qui a pris contact avec des journalistes en prétendant avoir des révélations à faire contre Weinstein. Il s’agissait d’une tentative malhonnête de gagner leur confiance en se faisant passer pour une victime.
Un des journalistes a déclaré au The New Yorker que lorsque « Anna » lui avait raconté ce que Weinstein lui avait soi-disant fait, « on aurait dit un feuilleton sentimental ».
Des liens avec l’ancien Premier ministre israélien
Des médias israéliens ont rapporté, mardi, que l’ancien Premier ministre israélien Ehoud Barak avait recommandé Black Cube à Weinstein.
Citant la chaîne israélienne Channel 2, le journal Haaretz a écrit que « Barak a involontairement joué un rôle en mettant Weinstein en contact avec Black Cube » et que « Weinstein a même invité Barak et le dirigeant de Black Cube à une réception de collecte de fonds de Hillary Clinton ».
Selon Haaretz, Barak a dit aux médias que « plus d’un an auparavant, Weinstein lui avait demandé s’il connaissait une société de sécurité israélienne dont on avait donné le nom à Weinstein et si elle pourrait l’aider à résoudre des problèmes commerciaux qu’il avait ». Barak l’a aidé à rentrer en contact avec l’entreprise.
Des méthodes abjectes
Bien que Weinstein n’ait pas utilisé que des compagnies ou des agents israéliens dans son entreprise d’intimidation, la connexion avec le Mossad est notable.
Weinstein est connu pour soutenir des organisations pro-israéliennes et collecter des fonds pour elles. Il a dit à une de ces réceptions de collecte de fonds l’année dernière qu’il était « israélien de cœur et d’esprit ».
L’usage qu’il fait d’anciens agents du Mossad est un nouvel exemple des prétendus talents – développés au cours des décennies d’occupation militaire et de violations des droits des Palestiniens – qu’Israël promeut et déploie dans toutes sortes d’opérations pernicieuses dans le monde entier.
En début d’année, il est apparu que les logiciels malveillants israéliens vendus au Mexique servaient à espionner les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme de ce pays.
Israël et ses suppléants utilisent aussi évidemment des méthodes illégales pour espionner les défenseurs des droits humains pour empêcher le peuple palestinien d’obtenir justice.
Violence sexuelle
Il faut aussi noter que la violence sexuelle est un des moyens de torture utilisés couramment par les services de renseignement israéliens contre les Palestiniens.
Un des cas les plus médiatisés a été celui de Rasmea Odeh. Au cours de son procès pour avoir violé les lois sur l’Immigration étasunienne, elle a décrit les viols et les tortures sexuelles que lui avaient fait subir des agents israéliens après son arrestation en 1969.
Les groupes de défense des droits humains ont aussi prouvé que les interrogateurs israéliens menacent couramment les enfants palestiniens en détention de violences sexuelles et de viol.
Il y a également toute une série de hauts responsables israéliens, dont des proches du premier ministre Benjamin Netanyahou, qui ont fait l’objet d’enquêtes et, dans certains cas, de condamnations pour crimes sexuels contre des femmes et des fillettes, au cours d’une série de scandales de crimes sexuels impliquant les plus hautes sphères de la société israélienne.
Mais comme David Sheen l’a écrit, les politiciens israéliens ont tenté de détourner l’attention en proférant des allégations mensongères et racistes sur une fausse épidémie de crimes sexuels commis par des Palestiniens et d’autres non-juifs.
Israël tente d’imposer au niveau mondial l’image positive d’un état en pointe sur « l’innovation », les technologies « vertes », les arts et la culture.
Mais les révélations de The New Yorker sur l’emploi des agents du Mossad par Weinstein pour faire taire les victimes de ses agressions sexuelles vont peut-être enfin faire comprendre à beaucoup de gens ce que les Palestiniens savent déjà : quand il y a d’immondes turpitudes de faites quelque part, Israël est rarement loin.
* Ali Abunimah est un journaliste palestino-américain, auteur de The Battle for Justice in Palestine. Il a contribué à The Goldstone Report : The Legacy of the Landmark Investigation of the Gaza Conflict. Il est le cofondateur de la publication en ligne The Electronic Intifada et consultant politique auprès de Al-Shabaka.
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7 novembre 2017 – The Electronic Intifada – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet