La tenue du huitième round de pourparlers à Genève entre le gouvernement syrien et les délégations de l’opposition n’est pas le développement le plus important de la crise syrienne cette semaine. Beaucoup plus significatif est ce qui se passe dans le district de la Ghouta orientale, où l’armée syrienne se prépare à une offensive dévastatrice visant à reconquérir complètement la zone et à sécuriser Damas contre de futures attaques.
Les rapports indiquent que des commandants militaires syriens, russes et iraniens ont pris des décisions ces derniers jours pour approuver et préparer une telle offensive. Si tout se déroule comme prévu et si cela réussit comme à Alep, Deir az-Zour, Palmyra et Albu-Kamal, cette offensive pourrait s’avérer être le plus grand tournant de la guerre civile en Syrie, mettant un terme au bombardement des quartiers Est de la capitale.
La Ghouta de l’Est a été un casse-tête politique et sécuritaire chronique pour le régime syrien, une enclave tenue par les rebelles qui menaçait directement une capitale qu’il a réussi à s’isoler des combats qui se déroulaient dans les périphéries syriennes et dans d’autres villes. Cela a conduit les autorités syriennes à accepter, quoique à contrecœur, les propositions russes d’ajouter cette zone aux zones de désescalade et de s’asseoir à la table des négociations dans le processus d’Astana avec les groupes armés déployés sur place. Pourtant l’armée syrienne, qui a réussi à s’imposer sur d’autres fronts, considère la reprise de la Ghouta orientale comme une priorité urgente.
Trois grandes factions contrôlent actuellement cette zone: Jayshul Islam dirigé par Muhammad Alloush, le chef de la délégation de l’opposition aux négociations d’Astana, également connu pour ses liens étroits avec l’Arabie Saoudite; Faylaq ar-Rahman, tenant de la ligne dure, qui a souvent affronté Jayshul Islam dans ses luttes d’uinfluence; et le Front al-Nusra dirigé par Abu-Muhammad al-Jolani.
Des sources proches du régime affirment que la patience des directions politiques et militaires syriennes est arrivée à bout après que ces organisations aient violé les accords d’Astana et les accords conclus dans le cadre de la désescalade. La décision a donc été prise de recourir à une force militaire massive et implacable, en utilisant tous les moyens disponibles.
La direction syrienne semble assurée que ses partenaires russes et iraniens sont d’accord. Cela renforce sa position face à la pression internationale croissante pour mettre fin au siège de la Ghouta orientale pour des raisons humanitaires et pour les souffrances que ce siège inflige à des centaines de milliers de civils assiégés – le régime accusant les factions armées de prendre ces habitants en otage.
La désescalade semble rapidement se transformer en une hyper-escalade dans la Ghouta orientale, en particulier après le récent bombardement des quartiers est de la capitale par des factions armées qui ont causé de nombreux morts civils et beaucoup de dégâts – un gros embarras pour un gouvernement qui se vante d’avoir restauré la sécurité et le calme dans la capitale.
Le gouvernement espère également entamer des plans de reconstruction ambitieux, qu’il aura du mal à lancer – ou à attirer des investissements, des entreprises et des capitaux – si les obus et les missiles peuvent continuer à tomber sur la capitale pour une raison ou une autre. D’où l’attitude tiède des autorités à l’égard d’une nouvelle série de négociations sur une nouvelle trêve à Ghouta.
La huitième série de pourparlers de Genève ne devrait pas être meilleure que les précédentes. C’est la conférence de Dialogue national élargi, à Sotchi et à laquelle Moscou a appelé, qui déterminera la nature et le cours des développements dans la prochaine période en Syrie. Et il semble que l’une des raisons, entre autres, que la conférence ait été reportée au mois de février, c’est de donner le temps au régime syrien de résoudre en sa faveur et de manière décisive la situation dans la Ghouta orientale.
* Abdel Bari Atwan est le rédacteur en chef du journal numérique Rai al-Yaoum. Il est l’auteur de L’histoire secrète d’al-Qaïda, de ses mémoires, A Country of Words, et d’Al-Qaida : la nouvelle génération. Vous pouvez le suivre sur Twitter : @abdelbariatwan
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3 décembre 2017 – Raï al-Yaoum – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah