Les dirigeants palestiniens et leurs alliés arabes et internationaux vont maintenant entamer une nouvelle année avec la tâche ardue de mettre au point une toute nouvelle formule politique qui se passe des États-Unis.
L’Autorité palestinienne est entrée en 2017 avec le léger espoir que les États-Unis étaient en train de prendre ses distances, même légèrement, de son attitude radicalement pro-israélienne. Cet espoir était le résultat d’une décision prise par l’administration Barack Obama en décembre 2016 de ne pas opposer son veto à la résolution 2334 du Conseil de sécurité des Nations Unies qui déclarait nulle et non avenue le statut des colonies juives illégales dans les territoires occupés.
Mais la nouvelle administration de Donald Trump étouffa tout optimisme dès qu’elle prit possession de la Maison Blanche, avec la promesse de relocaliser l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem, reconnaissant ainsi, au mépris du droit international, la ville sainte comme capitale d’Israël.
Des messages mitigés de la part du président Trump ont fait qu’il n’était pas clair s’il allait mener à bien sa campagne et ses promesses pré-électorales, ou s’il resterait attaché à la politique étrangère traditionnelle des États-Unis. La nomination de politiciens d’extrême-droite, comme David Friedman comme ambassadeur des États-Unis en Israël, était juxtaposée à des références constantes à un “accord final” qui impliquerait les Palestiniens, Israël et les pays arabes.
La “paix régionale” américaine, cependant, n’équivaut à rien et Trump finit par remplir sa promesse envers Israël et ses alliés en signant le Jerusalem Embassy Act de 1995.
Ce faisant, il a mis un terme au rôle de premier plan de son pays dans le “processus de paix” préconisé par les États-Unis, qui prônait une “solution à deux États” fondée sur une formule de “la terre contre paix”.
Les pays européens avaient anticipé le retrait américain des efforts de paix dès janvier 2017, mais ils ont cependant poussé à l’organisation d’une conférence de paix à Paris le 15 janvier. La conférence rassembla près de 70 pays mais sans le soutien des États-Unis et avec le rejet d’Israël. Elle ne fut qu’une plate-forme pour répéter un langage éculé sur la paix, la coexistence et autres platitudes.
Maintenant que Trump a dégradé le rôle de son pays, les puissances européennes, en particulier la France, tenteront probablement de sauver les pourparlers de paix. Cependant, une telle possibilité risque de se révéler infructueuse puisque le gouvernement israélien d’extrême-droite de Benjamin Netanyahu a clairement indiqué que ni les colonies illégales, ni une Jérusalem partagée, ni un État palestinien ne sont dans les projets d’Israël. Sans l’application du droit international, Israël ne changera pas de plein gré sa position.
En fait, 2017 a été une année d’expansion effrénée des colonies juives, avec des milliers de nouveaux logements construits – ou en cours de construction – tandis que de nouvelles colonies sont également prévues.
L’intransigeance d’Israël et la fin de la comédie de la paix aux États-Unis ont renouvelé l’intérêt pour la lutte palestinienne, qui a été mise de côté pendant des années en raison des conflits régionaux et de la guerre en Syrie. Cela a permis de renforcer le soutien au mouvement palestinien de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS). Inspiré du mouvement de boycott contre l’apartheid en Afrique du Sud, le BDS appelle à une action directe de la société civile mondiale pour mettre fin à l’occupation israélienne de la Palestine.
Cependant, la montée en force de la campagne BDS a également engendré une forte poussée israélo-américaine pour mettre hors la loi le Mouvement et punir ses partisans. Près de deux douzaines d’États américains ont adopté des lois pour criminaliser le BDS, tandis que le Congrès américain finalise sa propre loi qui fera du boycott d’Israël un acte passible de lourdes amendes et peines d’emprisonnement.
Contestant à la fois l’occupation israélienne et l’Autorité de Ramallah, les Palestiniens des territoires occupés ont poursuivi leur Intifada, bien que celle-ci n’ait pas bénéficié de la mobilisation de masse des soulèvements antérieurs.
Des centaines de Palestiniens ont été tués et blessés, y compris de nombreux enfants, Israël faisant tout pour étouffer toute protestation contre son régime militaire.
Le siège de Gaza est également resté en place malgré les efforts du Hamas pour y mettre un terme par l’élaboration d’une nouvelle charte et les diverses ouvertures vers le Fatah de Mahmoud Abbas, qui domine le gouvernement palestinien à Ramallah.
Un accord d’unité entre le Hamas et le Fatah a été signé au Caire en octobre. Il fixe une date pour les élections et a permis à un grand nombre de responsables et employés de l’AP de retourner à Gaza pour s’occuper des passages frontaliers et reprendre une place dans divers ministères et bureaux du gouvernement.
Cependant, près de deux millions de Palestiniens dans la bande assiégée n’ont pas encore goûté le fruit de cette unité dans leur vie quotidienne.
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Bien que l’accord de réconciliation ait été motivé par l’opportunité politique pour les deux factions, le besoin d’une réelle unité entre les Palestiniens est plus urgent que jamais, et pas uniquement à cause de la décision de Trump concernant Jérusalem.
La Knesset israélienne a adopté, ou est sur le point d’adopter, plusieurs projets de loi qui scellent le sort des Palestiniens, indépendamment de leur situation géographique ou de leur appartenance politique. L’un d’entre eux est le projet de loi sur la nation juive qui définit Israël comme “la patrie du peuple juif”, faisant ainsi de millions d’Arabes palestiniens indigènes, des parias dans leur propre pays.
Le projet de loi sur le Grand Jérusalem bien que temporairement mis de côté malgré le soutien de la majorité à la Knesset, appelle à l’expansion des frontières de Jérusalem pour inclure d’importantes colonies juives illégales en Cisjordanie, annexant ainsi illégalement une partie de la terre palestinienne et réduisant la population palestinienne de Jérusalem en une minorité encore plus restreinte.
La direction palestinienne doit comprendre que les défis à relever sont bien plus importants que son besoin égoïste de survie politique et de soutien financier. Il est urgent de revitaliser toutes les institutions de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). La nouvelle stratégie devrait placer les Palestiniens en premier et mobiliser les énergies du peuple palestinien chez lui ou dans la shatat [diaspora].
2018 promet d’être une année décisive pour l’avenir de tous les Palestiniens et ce sera une année difficile. Non seulement les États-Unis se sont retirés du “processus de paix”, mais ils vont faire tout leur possible pour mettre en péril toute initiative palestinienne visant à tenir Israël responsable de son occupation militaire illégale de 50 ans.
Si la direction palestinienne ne parvient pas à se transformer, elle risque de se trouver en confrontation directe avec le peuple palestinien, qui est prêt à passer à un tout nouveau type de lutte, indépendant de la farce d’une “solution à deux États” qui par ailleurs n’a jamais été pertinente.
* Ramzy Baroud est journaliste, auteur et rédacteur en chef de Palestine Chronicle. Son prochain livre est «The Last Earth: A Palestine Story» (Pluto Press). Baroud a un doctorat en études de la Palestine de l’Université d’Exeter et est chercheur associé au Centre Orfalea d’études mondiales et internationales, Université de Californie. Visitez son site web: www.ramzybaroud.net.
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26 décembre 2017 – The Palestine Chronicle – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah