Sur une vidéo diffusée sur les médias sociaux, on voit des proches d’Ahmad Jarrar, un jeune homme de 22 ans tué la semaine dernière par les forces israéliennes en Cisjordanie occupée après une chasse à l’homme d’un mois, chasser Azzam al-Ahmad du cortège de deuil, à Amman, la capitale jordanienne, vendredi dernier.
Les proches de la victime ont accusé al-Ahmad de complicité dans la mort de Jarrar, à cause de la coordination répressive de l’Autorité palestinienne dirigée par le Fatah avec Israël.
Les participants ont interrompu le discours d’al-Ahmed qui est membre du comité central du Fatah, et ont exigé qu’il quitte la tente de deuil, comme on le voit sur la vidéo.
En vertu des accords d’Oslo signés entre Israël et la Palestine dans les années 1990, l’AP est tenue de partager avec Israël des renseignements sur la résistance armée à l’occupation israélienne dans le cadre d’une pratique connue sous le nom de « coordination sécuritaire ».
Le 9 janvier, Jarrar aurait tué le colon israélien Raziel Shevah en tirant sur lui d‘une voiture, près d’une colonie juive adjacente à Naplouse, une ville palestinienne du nord de la Cisjordanie.
Mardi, les forces israéliennes ont encerclé un bâtiment où Jarrar se cachait, à Yamoun, près de Jénine en Cisjordanie, et ont ouvert le feu sur lui en le voyant soi-disant sortir du bâtiment avec une arme à feu.
Les Palestiniens désapprouvent la coordination sécuritaire de leur gouvernement avec Israël et l’explosion de colère qu’a suscité le rôle joué par l’AP dans la mort de Jarrar en est un signe, a déclaré Diana Buttu, chargée de mission à Al-Shabaka: The Palestinian Policy Network.
Buttu, un ancien négociateur de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), a accusé le président palestinien Mahmoud Abbas de superviser un gouvernement qui s’efforce « d’être le plus répressif possible », et il a souligné la colère suscitée par la coordination répressive et le manque de transparence sur de prochaines élections potentielles.
« D’un côté, vous avez Abbas, qui dit que la coordination répressive est morte et que les États-Unis et Israël ont tué Oslo », a-t-elle déclaré à Al Jazeera.
« De l’autre, cette même personne, en dépit d’une décision du Conseil de sécurité de l’OLP de mettre fin à la coopération, s’accroche toujours à l’essence même d’Oslo, qui est la collaboration sécuritaire », a-t-elle ajouté.
« Il ne fait pas ça pour la liberté des Palestiniens », poursuit Buttu. « C’est tout le contraire. Il n’a en tête que sa survie politique, au détriment des vies palestiniennes. »
“Le leader devrait partir”
Selon un sondage mené en décembre 2017 par le Centre palestinien de recherche sur les politiques et les enquêtes, 70 % des Palestiniens souhaitent la démission d’Abbas, âgé de 82 ans.
« La grande majorité des personnes qui vivent sous le contrôle de l’AP disent que le dirigeant devrait s’en aller » a déclaré M. Buttu, décrivant la coopération en matière de sécurité comme l’un des nombreux « griefs actuels » contre les dirigeants palestiniens.
En décembre, le président américain Donald Trump a annoncé son intention de reconnaître Jérusalem comme la capitale d’Israël après avoir décidé de déplacer l’ambassade américaine dans cette ville.
L’AP soutient depuis longtemps que Jérusalem-Est sera la capitale d’un futur État palestinien.
La semaine dernière, un ancien haut responsable palestinien du renseignement, Tawfiq Tirawi, et le chef de l’association du barreau de Cisjordanie, Jawad Obeidat, ont annoncé qu’ils poursuivaient Abbas en justice après que des documents alléguant que le gouvernement palestinien avait mis sur écoute téléphonique de nombreux Palestiniens ont été divulgués par un lanceur d’alerte.
L’opération, qui aurait été soutenue par la Central Intelligence Agency (CIA) des États-Unis, visait le responsable du renseignement, Obeidat, ainsi qu’un grand nombre de responsables palestiniens, de juges et de membres de la société civile.
S’adressant à l’époque à Associated Press, Adnan Damiri, porte-parole des services de sécurité palestiniens, a qualifié ces allégations de « non-sens ».
Israël occupe la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et la bande de Gaza assiégée depuis la guerre de juin 1967.
Plus d’un demi-million d’Israéliens vivent dans des colonies de peuplement exclusivement juives à travers la Cisjordanie occupée, y compris Jérusalem-Est, selon le groupe de défense des droits israéliens B’Tselem.
Toutes les colonies sont considérées comme illégales en vertu du droit international, mais, en plus, il y a 100 avant-postes qui ont été construits sans autorisation et qui sont considérés comme illégaux par le gouvernement israélien lui-même.
* Patrick O. Strickland est un journaliste et grand reporter américain indépendant spécialiste des questions de justice sociale et des droits humains au Moyen-Orient et spécialement en Palestine. Il écrit pour de nombreux médias notamment al-Jazira, Alternet, VICE News, Deutsche Welle, Syria Deeply, AlterNet, Electronic intifada, Socialist Worker etc …
Son compte Twitter : @P_Strickland_
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10 février 2018 – Al-Jazeera – Traduction : Chronique de Palestine