Par Asa Winstanley
Israël arme à présent sept groupes rebelles en Syrie.
L’occupation israélienne illégale des hauteurs syriennes du Golan est maintenant en place depuis plus de 50 ans. Ce vaste territoire, qui fait partie du sud de la Syrie, a été conquis par les forces d’occupation israéliennes lors de la guerre de 1967.
La majorité de la population syrienne sur le territoire a alors été expulsée ou a fui vers des endroits plus sûrs. Israël a démoli leurs maisons, leurs bâtiments et leurs villages entiers dans le Golan afin de construire des colonies juives là où ils vivaient autrefois.
En 1981, au mépris des Nations Unies et du droit international, Israël a annexé les hauteurs du Golan. Cette initiative – non reconnue même par les alliés d’Israël – avait pour but de consolider le contrôle de facto du territoire syrien occupé par Israël, en lui donnant une image de reconnaissance légale. De plus, au cours des dernières années, Israël a utilisé la guerre sanglante qui dure depuis plusieurs années en Syrie pour étendre son contrôle du Golan, allant plus loin dans le reste du sud du territoire souverain de son voisin. Il veut gagner autant de terrain que possible.
Comme je l’ai écrit l’été dernier, Israël est en train d’établir une zone tampon dans le sud de la Syrie, qui s’étend à partir du Golan. S’activant avec des collaborateurs locaux dans le sud du pays, Israël établit ce qu’il revendique comme une “zone de sécurité”.
Des “jihadistes” qui survivent grâce aux armes et à l’argent d’Israël et des États-Unis
Cet été-là, nous avons appris qu’Israël soutenait à hauteur de dizaines de milliers de dollars un groupe rebelle de «forces frontalières» entre le Golan et le reste de la Syrie. Au cours des années précédentes, Israël avait déjà décidé de soutenir des groupes liés à Al-Qaïda dans le sud de la Syrie. Ce soutien a pris la forme d’un traitement dans les hôpitaux israéliens des combattants blessés de l’autre côté de la frontière, avant de les renvoyer en Syrie pour combattre le régime.
Les dernières nouvelles sont que l’armement israélien des forces de procuration en Syrie semble se développer rapidement. Un article paru dans le journal Haaretz de Tel Aviv la semaine dernière a rapporté qu’Israël armait “au moins” sept groupes rebelles dans le Golan, qui “se procurent des armes et des munitions venant d’Israël, ainsi que de l’argent pour acheter des armements supplémentaires”.
Les groupes en question signalent tous une augmentation récente de l’aide israélienne. Cela survient alors que divers États, y compris la Jordanie et les États-Unis, réduisent leurs opérations d’armement en Syrie. Comme l’a rapporté Haaretz, “En janvier, l’administration Trump a fermé le centre des opérations de la CIA à Amman, la capitale jordanienne, qui coordonnait l’aide aux organisations rebelles dans le sud de la Syrie. Suite à cela, des dizaines de milliers de rebelles qui touchaient régulièrement de l’argent des États-Unis ont été privés de leur revenu.”
L’objectif israélien semble être double. Tout d’abord, il s’agit de maintenir les forces armées de l’Iran et du Hezbollah – les alliés du régime syrien – à l’écart de la frontière du Golan. Le moyen le plus rapide de le faire est de s’assurer qu’il existe une opposition armée significative dans ce domaine.
Israël tient à ce que le bain de sang en Syrie se poursuive
Deuxièmement, le programme israélien de distribution d’armements vise à promouvoir son objectif stratégique officiel dans la région; “laisser saigner les deux côtés” afin de prolonger la guerre aussi longtemps que possible. Affaiblir la Syrie et ses alliés, le Hezbollah libanais et l’Iran, est un objectif important pour Israël et sa superpuissance alliée, les États-Unis. Encore plus important est l’objectif de s’assurer que la guerre continue.
Tout cela s’ajoute à l’objectif israélien à plus grande échelle de contrôler la quantité maximale de terres qu’il peut voler puis conserver. La zone tampon qu’Israël tente discrètement d’étendre jusqu’à 40 kilomètres plus loin en Syrie est atteinte grâce à des groupes de combattants se faisant passer pour des organisations d’aide supposément “non gouvernementales”, couvrant les salaires des combattants rebelles et envoyant des fonds pour acheter des armes.
Ces faux groupes “d’aide de la société civile” soutenus par Israël dans le sud de la Syrie – étendant ainsi son occupation du Golan – sont des groupes de combattants. En réalité, ils sont un moyen d’étendre le contrôle de leurs mandataires israéliens sur toute la région.
Tout cela rappelle beaucoup les combines et plans d’Israël au Liban. Entre 1982 et 2000, Israël a occupé illégalement le sud du Liban. Après l’invasion de 1982 – qui a atteint Beyrouth – Israël s’est retiré dans une zone «tampon» au sud du Liban. Au lieu d’occuper la zone avec des soldats israéliens, une grande partie du sale boulot a été effectuée par les forces mandataires libanaises. Ces groupes armés fantoches ont opprimé la population au nom d’Israël. Cela a rapidement conduit à une résistance armée à l’occupation israélienne, et c’est dans cet environnement qu’est né le Hezbollah.
Israël a occupé illégalement le sud du Liban jusqu’en 2000, jusqu’à ce que la résistance conduite par le Hezbollah ait expulsé la principale organisation de collabos : l’armée dite du Sud-Liban. Aujourd’hui, Israël tente d’établir ce qui est une sorte d’«armée de la Syrie du Sud». On peut douter que cela réussisse, mais comme le montre l’histoire du Liban, dans ce cas Israël aura peu de chances d’imposer son contrôle sur le long terme.
Auteur : Asa Winstanley
* Asa Winstanley est un journaliste indépendant basé à Londres qui séjourne régulièrement dans les TPO. Son premier livre « Corporate Complicity in Israel’s Occupation » est publié chez Pluto Press. Voir son site web
28 février 2018 – Middle East Monitor – Traduction : Chronique de Palestine