S’appuyant sur des notes de renseignement fuitées, le Washington Post vient encore de révéler un scandale, impliquant cette fois-ci Jared Kushner qui est à la fois le gendre de Trump et son assistant.
Selon le Post il y aurait eu des accords entre Kushner et quatre États, les Émirats Arabes Unis [UAE], la Chine, Israël et le Mexique, pour échanger de l’influence politique contre des opérations financières profitant à l’affaire immobilière en difficulté de sa famille ainsi qu’à lui-même.
Kushner a essayé d’utiliser sa position pour emprunter de l’argent pour renflouer son entreprise familiale et il a demandé à l’État du Qatar d’investir dans un bâtiment qu’il contrôle à New York. Lorsque le Qatar a refusé d’investir dans l’affaire immobilière de sa famille, Kushner lui en a apparemment voulu et il a rejoint le camp des pays qui faisaient le blocus de la nation du Golfe, selon un reportage paru d’abord dans le Daily Intelligencer, puis confirmé par CBNC News le 2 mars.
Mais dans quel but? Ou plus précisément, quel montant d’argent Kushner a-t-il perçu sans doute de la part de plusieurs entités?
Les rapports soulignant le manque d’expérience politique de Kushner ainsi que le fait qu’il soit soupçonné de collusion dans des transactions douteuses pour un profit personnel et/ou des avantages politiques, ont incité le membre du Congrès Ted Lieu, à suggérer sur Twitter le 27 février de carrément congédier Kushner si les rapports s’avéraient exacts, et de ne pas se contenter de simplement réduire son habilitation de sécurité.
Quelque temps plus tard, un invité de This Week sur ABC a dit que, s’il était vrai que Kushner avait pris fait et cause pour l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis dans leur blocus du Qatar – ce qui était contraire aux intérêts américains -, alors il devait partir.
Kushner est en charge, à la Maison Blanche, du dossier de la paix au Moyen-Orient. Mais étant donné ses liens financiers avec les pays qui déstabilisent le Moyen-Orient, on peut se demander quelle sorte paix il recherche exactement? En fait, le chaos s’est propagé dans toute la région depuis que Kushner, sa femme et son beau-père ont mis les pieds sur la péninsule arabique pour concocter un accord entre les États-Unis et les pays du Golfe en plus du soi-disant « Accord du siècle** ».
« Notre homme tout en haut »
Peu de temps après ces révélations, le chef d’état-major de la Maison-Blanche, John Kelly, a décidé de modifier les habilitations de sécurité, pour que Kushner ne puisse plus assister aux briefings quotidiens « top secret ». De nombreux commentateurs étasuniens ont considéré cette évolution comme un nouveau scandale qui discréditait Kushner aux yeux de ses interlocuteurs au Moyen-Orient.
Selon CNN, le FBI enquête également toujours sur des affaires impliquant la femme de Kushner, Ivanka Trump, ce qui aurait incité Trump à demander à John Kelly de faire pression sur sa fille pour qu’elle quitte la Maison-Blanche. Selon le New York Times, ce serait surtout Kushner qui serait dans le viseur.
Le Times a également déclaré que le conseiller spécial, Robert Mueller, a élargi son enquête sur l’ingérence russe à une éventuelle participation des Émirats Arabes Unis à l’achat d’influence auprès des décideurs américains par l’intermédiaire de George Nader, le conseiller du prince héritier d’Abu Dhabi Mohammed bin Zayed. Il y a des témoins qui font état de réunions secrètes entre Bin Zayed et Trump, et selon lesquels les Émirats Arabes Unis auraient financé la campagne Trump en échange de son soutien à leur politique dans la région et de la désignation de Mohammed bin Salman comme prince héritier d’Arabie Saoudite.
Selon CNN, l’ambassadeur des Émirats aux États-Unis, Yousef al-Otaiba, aurait même écrit le discours de Trump dans lequel il affirmait que le Qatar soutenait le terrorisme. En outre, la BBC a publié lundi un article sur des courriels fuités qui révèlent l’implication présumée des EAU dans les pressions pour obtenir le renvoi de Rex Tillerson, le secrétaire d’État américain, en raison de son opposition à la position des EAU sur le Qatar et sur le blocus de Doha.
N’oubliez pas le rôle que Trump a joué dans les événements du Golfe. Dans son livre Fire and Fury, Michael Woff raconte comment Trump s’est vanté devant ses amis, après que Mohammed bin Salman soit devenu le nouveau prince héritier, d’avoir organisé avec son beau-fils un coup d’État en Arabie Saoudite. Voilà ses propres mots : « Nous avons mis notre homme tout en haut ».
Un parfum de Watergate
Tous ces scandales ont fait couler beaucoup d’encre dans la presse politique américaine et suscité des demandes de passer à l’action chez les membres du Congrès et du système judiciaire américain. De fait, cela rappelle le scandale du Watergate, au paroxysme duquel le président républicain Richard Nixon a démissionné en 1974, à la suite d’un rapport d’enquête publié par Bob Woodward et Carl Bernstein dans le Washington Post.
Entre autres similitudes il y a le fait que, lorsqu’il a été prouvé que des hauts fonctionnaires étaient impliqués dans le scandale et que l’enquête s’est étendue au personnel de la Maison-Blanche, Nixon a licencié deux de ses principaux assistants, augmentant ainsi les soupçons. Lorsque le contenu des auditions a été diffusé à la télévision, la popularité de Nixon s’est effondrée, le forçant à démissionner pour éviter la destitution.
Telle est la puissance du quatrième pouvoir, et ce que nous ne savons pas encore est peut-être encore pire. En effet, les ententes illicites pour violer le droit du peuple américain à des élections justes et libres ont été conclues à un niveau mondial et pas seulement local. Sans doute à cause de Kushner, Trump se retrouve impliqué dans l’affaire de l’ingérence russe, et maintenant, on parle d’une ingérence émiratie dans la même campagne – et les enquêtes ne sont même pas encore terminées.
Si les Américains appellent Watergate la mère de tous les scandales politiques étasuniens, alors le Kushner-gate pourrait bien être leur père.
John Dean, l’avocat de la Maison Blanche pendant le Watergate, a déclaré au Telegraph en janvier qu’il y avait des similitudes avec le Watergate en ce sens qu’il a commencé par « une effraction au siège du Comité national démocrate, et que le “Russiagate” a commencé par un piratage des ordinateurs du comité ».
Dean a notamment dit que, selon lui, Trump était plus dangereux que Nixon. Car ce dernier était malhonnête mais compétent tandis que Trump est malhonnête et incompétent. Il a également laissé entendre que l’enquête de Mueller causerait plus de tort aux États-Unis que le scandale Nixon.
La Maison-Blanche et le Congrès vont-ils se lever contre Trump et l’obliger à rendre des comptes? Ou bien vont-ils rester les bras croisés pendant que Trump et ses amis du Golfe attentent à la constitution américaine et aux valeurs américaines? Le Kushner-gate sera-t-il le scandale du siècle?
Le peuple américain doit prendre conscience de son pouvoir et exercer pleinement les droits qui lui confère le Premier Amendement, et le quatrième pouvoir doit exiger que les personnes impliquées s’expliquent et rendent des comptes, ou il aura sa part de responsabilité dans le sombre avenir qui menace la démocratie américaine.
Notes :
* Les medias, la presse, les journalistes
** L’accord du siècle est un plan proposé par le gouvernement américain et soutenu par les régimes saoudien et israélien. Il vise soi-disant à mettre un terme au conflit israélo-palestinien et à permettre aussi et surtout la normalisation des relations des pays arabes avec le régime sioniste.
9 mars 2018 – The New Arab – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet