Par Rima Najjar
Mais en Israël, Oum al-Hiram (et d’autres expulsions forcées et des plans de nettoyage ethnique actuellement en cours dans le Néguev, la vallée du Jourdain, à Jérusalem et ailleurs) est une info banale enrobée d’hasbara qui ne recule même pas à la vue d’une scène comme celle sur la photo ci-dessous de Ayman Odeh, membre arabe palestinien de la Knesset (MK), qui a été frappé à la tête et dans le dos par des balles en acier recouvertes de caoutchouc tirées par la police israélienne en janvier 2017, tandis qu’avec d’autres il protestait contre les plans de raser ce village.
Ayman Odeh, Member arabe palestinien de la Knesset (MK), a été frappé à la tête et dans le dos par des balles d’acier et caoutchouc tirées par la police israélienne en janvier 2017, tandis qu’avec d’autres il protestait contre les plans de raser ce village.”
Raser ce village et transférer ses habitants de force ailleurs est déjà suffisamment grave. La raison invoquée par Israël pour le faire l’est plus encore. Il s’agit d’y construire des unités d’habitations pour des juifs dans le cadre de sa quête sans fin de peupler de juifs la Palestine arabe et de la vider des Arabes non juifs.
La mission et la raison d’être d’Israël nécessitent un nettoyage ethnique perpétuel : l’expulsion des Arabes palestiniens de chez eux et le vol pur et simple de leurs terre et biens pour les transférer aux juifs.
Il existe un lien direct entre l’Agence juive, qui a blanchi ses larcins par l’intermédiaire du Fond National juif avant la Nakba, et l’actuel gouvernement israélien qui revendique la terre et les biens palestiniens comme «propriété inaliénable du peuple juif.»
Ce qui nous arrive à nous Palestiniens c’est une Nakba permanente infligé par l’état juif. Une ligne droite relie ce qui se passe actuellement à Um al-Hiram et ce qui est arrivé à mon grand-père et à mon père à Lifta en 1948.
Grâce à un passeport d’un pays occidental qui leur permet d’entrer en qualité de touristes, de nombreux Palestiniens qui retrouvent le chemin de leur patrie, aujourd’hui l’état juif autoproclamé, sont allés frapper à la porte de maisons toujours debout et maintenant occupées par des juifs. L’accueil qu’ils reçoivent de ces juifs varie et ils relatent cette expérience déchirante.
Lorsque j’ai eu cette possibilité de visiter la maison de mon arrière grand-père à Upper Lifta, qui est toujours debout et occupée par des juifs comme on peut le voir sur la photo du haut, je l’ai regardée et prise en photo depuis l’autre côté de la rue mais je n’ai pas frappé à la porte, dissuadée à la vue d’une mère se débattant avec une poussette d’enfant pour accéder à un appartement de l’étage supérieur (la maison a été divisée en plusieurs appartements).
Les réactions des juifs occupant maintenant des biens palestiniens envers leurs propriétaires légitimes lorsque ces derniers se présentent vont de l’hostilité et la suspicion à l’impuissance et à l’incrédulité.
L’incrédulité vient de l’ignorance dans laquelle ils sont depuis si longtemps, du lavage de cerveau par l’idéologie sioniste qu’ils subissent depuis la naissance.
Je me demande, toutefois, si le nom hébreu de la nouvelle « implantation » comprendra les mots « Hurba » ou « Iyim » signifiant « ruines » ou va-t-il tout simplement voler le nom al-Hiran l’assortissant de quelques variations ? ((Lire Erased from Space and Consciousness: Israel and the Depopulated Palestinian Villages of 1948 by Noga Kadman / Effacés de l’espace et de la conscience : Israël et les villages palestiniens de 1948 de Noga Kadman)
Je m’interroge sur les juifs destinés à vivre sur les ruines de Oum al-Hiran. Ne sauront-ils pas ? N’auront-ils pas honte ? Comment le gouvernement israélien envisage-t-il d’appeler le village juif ?
Ou bien, ces « colons » juifs n’auront-ils aucune empathie et aucune honte comme Eden Wiseman, Roni Rotem, Nitzan Lederman, Maayan Cohen Marciano, Adi Shildan et Maia Halter ? Ces noms sont ceux de danseuses israéliennes dont la demande de participation au festival de danse, « Feminine Tripper » qui se tient à Oslo en Norvège, a été rejetée au motif qu’Israël se sert de la culture pour blanchir ses crimes contre les Palestiniens.
La lettre adressée à ces danseuses israéliennes les invitait à faire preuve d’empathie avec les artistes
des territoires palestiniens occupés (car), ne pouvant voyager librement, ils n’ont qu’un accès très restreint aux salles de spectacle internationales et n’ont que peu d’occasions de communiquer leur art en dehors des territoires occupés … Nous apprécions votre projet artistique et espérons avoir l’occasion de vous inviter de nouveau en Norvège une fois que les circonstances politiques auront changé. Nous espérons que vous – en tant qu’artistes – contribuerez à sensibiliser votre société aux préoccupations que suscitent chez beaucoup d’entre nous, artistes et travailleurs culturels partout dans le monde, les effets brutaux de l’occupation sur les artistes palestiniens et le reste de la population.
Cet espoir des organisateurs du festival d’Oslo fut déçu lorsque ces jeunes juives répondirent faisant valoir qu’elles-mêmes étaient des victimes en lutte «pour obtenir leur liberté de parole et d’expression en raison des tentatives récentes de censure de la part du ministre israélien de la culture» sans le moindre mot pour les Palestiniens, ou les concernant dans toute leur déplorable réponse.
Dans leur monde juif israélien, les Palestiniens ne sont, au mieux, que des fantômes. Ces jeunes juives sont en effet des victimes de l’état sioniste, mais pas au sens où elles l’entendent.
Philip Weiss a récemment écrit sur la peur panique engendrée chez les juifs plus âgés, comme Ron Lauder, le dirigeant du World Jewish Congress, David Harris de l’American Jewish Committee et le sénateur Chuck Schumer, par de jeunes juifs aux États-Unis qui ne sont «pas convaincus de la valeur du grand projet juif du siècle dernier, Israël.»
Les jeunes juifs israéliens vont-ils un jour partager cette prise de conscience avec les jeunes juifs états-uniens? Nous devons continuer à les rassurer sur le fait que notre retour inévitable ne bouleversera pas beaucoup leur vie. Comme l’a montré le chercheur Salman Abu Sitta, le retour des réfugiés et exilés palestiniens dans leur patrie selon la résolution 194 est réalisable sans que les communautés juives actuelles ne soient trop bouleversées.
Auteur : Rima Najjar
* Rima Najjar est une Palestinienne dont la famille du côté paternel vient du village de Lifta dans la banlieue ouest de Jérusalem, dont les habitants ont été expulsés. C’est une militante, chercheuse et professeure retraitée de littérature anglaise, Université Al-Quds, en Cisjordanie occupée. Ses articles sont publiés ici.Son compte Twitter.
29 mars 2018 – Medium.com – Traduction : Chronique de Palestine – MJB