Depuis le début de l’incident présumé du 7 avril dans la ville de Douma, près de Damas, la capitale syrienne, le président américain Donald Trump s’est fortement appuyé sur son homologue français pour décider d’une éventuelle opération militaire.
Bloomberg appelle Emmanuel Macron ”l’interlocuteur privilégié”* de trump en Europe. Il parait que le président américain fait plus confiance à Macron qu’à n’importe quel autre dirigeant européen. Lorsque la nouvelle de l’incident présumé des armes chimiques a éclaté, c’est à Macron que Trump a téléphoné en premier – au grand dam des Britanniques et de leur soi-disant “relation spéciale” avec Washington.
Il semble que, dans les échanges téléphoniques qui ont suivi, les Français aient échangé des renseignements avec la Maison-Blanche pour démontrer que des armes chimiques avaient été utilisées contre des civils par les forces gouvernementales syriennes du président Bachar Assad. Il semble que ce soit sur les conseils des français que Trump a adopté la position belliqueuse qui l’a mené à traiter Assad “d’animal ” et à accuser le leader russe Vladimir Poutine de cette “atrocité”. Puis Trump a prévenu la Russie de se préparer à l’arrivée de “nouveaux missiles intelligents”. Cependant, le président a ensuite semblé reculer rapidement, en tweetant un peu plus tard que la décision de lancer ou non des frappes militaires n’avait pas encore été prise.
Il est significatif que le Français Macron ait ensuite tenu à affirmer catégoriquement “avoir la preuve que des armes chimiques avaient été utilisées par le régime syrien”.
Cela au moment même où le secrétaire américain à la Défense, James Mattis, déclarait qu’ils étaient toujours en train d’évaluer l’incident présumé.
Macron avait dit auparavant que le fait de ne pas poser de ” lignes rouges sur les armes chimiques ” était un signe de ” faiblesse “. Quand on affirme aussi catégoriquement que les forces d’Assad ont utilisé des armes chimiques, cela signifie qu’on se prépare à une intervention militaire.
Il semble donc bien, en effet, que le leader français soit “l’interlocuteur privilégié” de Trump en Europe – pour la guerre contre la Syrie. Ni les éléments précis sur lesquels se fondent les services secrets français, ni leurs sources, n’ont été communiqués au public. On n’a aucune preuve de quoi que ce soit, comme pour la plupart des affirmations des gouvernements occidentaux actuels. On est supposé croire le président français sur parole. Bien que ce qu’il dise soit tout fait sujet à caution.
Pour sa part, le gouvernement syrien a rejeté sans équivoque les accusations selon lesquelles ses forces auraient utilisé des armes chimiques pour reprendre Douma et les parties voisines de la Ghouta orientale. La Syrie et la Russie affirment que l’incident présumé était en fait une provocation mise en scène par les insurgés soutenus par l’Occident. L’avancée victorieuse des forces gouvernementales a semé la déroute dans le dernier bastion des combattants antigouvernementaux près de la capitale. Comme l’a indiqué le Président Assad, la provocation a été orchestrée pour détourner l’attention de la défaite des mercenaires soutenus par l’occident pour opérer un changement de régime en Syrie.
Les analystes russes de la guerre chimique, ainsi que les médecins locaux du Croissant-Rouge de l’hôpital de Douma, n’ont pas non plus trouvé de traces d’armes chimiques, ni de personnes présentant des symptômes d’empoisonnement. Une affirmation de l’Organisation mondiale de la santé selon laquelle “500 personnes avaient été blessées par des produits chimiques” n’est pas basée sur ses propres observations sur le terrain, mais sur les dires d’”activistes du secteur ” – c’est à dire probablement les fameux Casques blancs, les soi-disant sauveteurs embarqués avec des groupes terroristes comme Al-Nusra Front et Jaysh al-Islam.
Par conséquent, comment le président Macron peut-il être aussi sûr d’avoir des preuves ? Il ne peut pas en avoir. Soit il ment de lui-même, soit il relaie les mensonges des Casques blancs et d’autres mandataires dont on sait parfaitement qu’ils sont payés par le gouvernement français, la CIA et le MI-6 britannique.
Macron prend donc la suite de l’ancien dirigeant britannique, Tony Blair, qui servait de responsable des relations publiques à l’administration George W Bush pendant la guerre en Irak. Comme dans le cas de Blair, le soutien de Macron donne à Trump un meilleur alibi pour se lancer dans la guerre.
Ce qui est le plus remarquable, chez le leader français de 40 ans, c’est sa féroce ambition. Cet ancien banquier d’affaires a le talent de se glisser dans le chas d’une aiguille. Il veut devenir le premier leader européen et l’homme de confiance de Washington, en éclipsant l’Allemande Angela Merkel ou la Britannique Theresa May.
A la fin du mois, il sera le premier dirigeant européen à être officiellement reçu à Washington – le renvoi d‘ascenseur de Trump pour avoir été l’invité d’honneur de Macron au défilé du 14 juillet de l’année dernière à Paris
Macron s’est habilement érigé en “homme fort” vis-à-vis Trump sur la question du changement climatique. Rappelez-vous sa poignée de main musclée avec l’Américain lors du sommet du G20 à Berlin en juillet dernier. Macron a finement joué sur le sentiment anti-Trump en Europe, en transformant le slogan “Make America Great Again” en “Make the Planet Great Again”. Mais tout au long, Macron a pris soin de ne jamais s’en prendre à Trump personnellement. Le rôle que le leader français convoite est celui d’intermédiaire indispensable entre l’Europe et les États-Unis.
Ses efforts semblent être payants, si l’on en juge par les nombreux échanges de Trump avec Macron sur les mesures militaires à prendre à l’encontre de la Syrie.
Macron a d’autres ambitions pour redorer le blason de l’ancienne puissance coloniale et en refaire un acteur clé du Moyen-Orient. Cette semaine, il a reçu le jeune prince héritier saoudien Mohammed bin Salman. Les deux hommes ont partagé un repas de deux heures au Musée du Louvre et auraient discuté du renforcement du “partenariat stratégique” entre la France et l’Arabie Saoudite.
De toute évidence, le président offrait à l’héritier saoudien un bain de culture et d’arts français en jouant sur les prétentions de ce dernier à développer ces secteurs. M. Macron a promis que la France aiderait les dirigeants saoudiens à monter un orchestre national, des théâtres et des salles de cinéma.
L’offensive de charme de Macron lui a permis de signer cette semaine de futurs accords d’une valeur de 18 milliards de dollars avec l’Arabie saoudite. Les Français se tiennent prêts à développer les infrastructures et les services publics saoudiens, le traitement de l’eau, l’énergie solaire, la pétrochimie, l’agriculture et le tourisme.
En échange de la signature de ces accords, cette semaine, Macron a tout fait pour améliorer l’image des Saoudiens. Lors d’une conférence de presse conjointe à Paris, le président français a justifié la vente de plusieurs milliards de dollars d’avions de guerre à l’Arabie Saoudite en disant qu’elle favoriserait la “sécurité régionale”.
Macron a osé qualifier, sans rougir, la guerre génocidaire de l’Arabie saoudite contre le Yémen de “défense” nécessaire contre les missiles balistiques tirés par les rebelles Houthis.
Macron a également flatté l’obsession saoudienne selon laquelle la sécurité du Moyen-Orient est menacée par l’ “expansionnisme iranien”.
S’attirer les bonnes grâces du régime saoudien, le régime qui parraine le terrorisme, était une priorité absolue pour l’ambitieux Macron – même s’il fallait pour cela pousser le cynisme jusqu’à proférer quelques mensonges scandaleux sur l’abominable guerre au Yémen.
Cela explique aussi pourquoi Macron incite avec enthousiasme à la guerre contre la Syrie. Les Saoudiens demandent depuis longtemps aux Etats-Unis et à leurs alliés européens de lancer une intervention à grande échelle en Syrie afin de se débarrasser d’Assad et de l’axe Iran-Hezbollah.
Macron bat les tambours de guerre contre la Syrie pour faire plaisir aux despotes saoudiens dans l’espoir qu’ils ouvriront aux français leurs coffres remplis de l’or du pétrole. Et il le fait en toute connaissance de cause.
Note :
*En anglais “go-to guy in Europe.”
* Finian Cunningham (né en 1963) est un spécialiste des affaires internationales qui publie des articles en plusieurs langues. Originaire de Belfast, en Irlande du Nord, il est titulaire d’une maîtrise en chimie agricole et a travaillé comme rédacteur scientifique pour la Royal Society of Chemistry de Cambridge, en Angleterre, avant de poursuivre une carrière dans le journalisme. Pendant plus de 20 ans, il a travaillé comme rédacteur en chef et journaliste dans les principaux médias d’information, dont The Mirror, Irish Times et Independent. Aujourd’hui journaliste indépendant basé en Afrique orientale, il publie des chroniques sur RT, Sputnik, Strategic Culture Foundation et Press TV.
12 avril 2018 – Russia Today – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet