Les conditions humanitaires, socio-économiques, politiques et sécuritaires à Gaza déclinent inexorablement. La grande majorité des deux millions d’habitants de Gaza sont pris dans un cycle de violence, de pauvreté et de vulnérabilité omniprésente créé par les décisions et les politiques suivies.
Casser ce cercle vicieux est un impératif du point de vue des droits de l’homme et une responsabilité à l’échelle mondiale.
À la suite du blocus en cours, de trois opérations militaires dévastatrices et d’une division intra-palestinienne, les perspectives de développement de Gaza ont été largement détruites ces dernières années. L’ensemble de ces raisons ont causé l’effondrement de l’économie de la bande côtière déjà assiégée, et ont généré encore plus de vulnérabilité et d’angoisse pour les habitants.
La myriade de problèmes et de complications qui affectent actuellement Gaza est écrasante, et désoriente même pour les personnes les plus aptes à traiter avec les pays en crise. Aujourd’hui, les femmes, les hommes, les enfants et les personnes âgées de Gaza sont tous forcés de survivre avec un approvisionnement en eau contaminé à 95%. Ils sont également contraints de vivre sans électricité pendant 20 heures par jour. Et le monde, apparemment habitué à la souffrance des marginalisés, ferme les yeux.
Les habitants de Gaza vivent dans un large réseau de défis qui se renforcent mutuellement. La croissance économique de Gaza a chuté de 8 pour cent en 2016 à seulement 0,5 pour cent en 2017, avec près de la moitié de la population en âge de travailler au chômage. Cela classe Gaza – si on traite le territoire en tant que pays – à l’échelle mondiale à la deuxième plus forte baisse du produit intérieur brut (PIB) en 2017 par rapport à l’année précédente, juste derrière le Venezuela.
Les secteurs de l’agriculture, de la manufacture, du commerce et de la construction à Gaza ont connu une baisse sans précédent. Aujourd’hui, l’économie de Gaza dépend comme jamais auparavant des dépenses de consommation et de l’aide financière internationale.
La lutte des habitants de Gaza pour survivre
Le resserrement des liquidités et l’augmentation des dépenses de crédit et de la dette s’ajoutent à la dépression économique de Gaza. C’est un modèle économique profondément défectueux qui n’a pas été créé par les Palestiniens de Gaza eux-mêmes, mais renforcé par le blocus israélien.
Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) dans l’État de Palestine a récemment mené une enquête sur l’état d’esprit qui prédomine au niveau des ménages à Gaza. 92% des personnes interrogées ont exprimé une anxiété personnelle liée aux conditions économiques générales, et 87% ont déclaré que les troubles politiques et civils en cours sont probablement dus à la mauvaise conjoncture économique.
La fragilité de l’économie des ménages de Gaza est illustrée par la hausse des taux de chômage et une forte augmentation des taux de pauvreté – de 39% en 2011 à 53% en 2017 – ainsi qu’une augmentation significative de la grande pauvreté.
Le travail à temps plein est rare à Gaza. Seulement un cinquième de ceux qui ont répondu à notre sondage ont déclaré occuper des emplois à temps plein. Un peu plus disent travailler à temps partiel. Près de 40% des personnes interrogées actuellement sans emploi ont déclaré que leur chômage durait depuis plus de cinq ans.
Seulement 11% des femmes et 58% des hommes interrogés avaient un emploi. Seulement 18% des répondants âgés de 18 à 24 ans avaient un emploi. En d’autres termes, presque une personne sur deux à Gaza est au chômage et la plupart des femmes et des jeunes sont sans emploi.
Les entreprises de Gaza réduisent leur production en raison de la baisse de la demande des consommateurs, des sanctions financières en vigueur, de l’accès restreint aux biens et aux matériaux et au manque de liberté de mouvement. La forte réduction du financement de l’UNRWA est un autre contributeur majeur à ce sinistre scénario. Les entreprises essaient de garder leur personnel mais avec des salaires plus bas et des heures réduites.
A cause du blocus, aider la croissance économique par les dépenses de consommation n’est pas possible à Gaza. De plus, dans la situation actuelle, les habitants de Gaza ne peuvent pas répondre par eux-mêmes à leurs besoins socio-économiques si pressants.
Israël, l’Autorité palestinienne et la communauté internationale devront assumer la responsabilité de la reconstruction de la base de production de Gaza et du développement de ses capacités commerciales.
Si l’aide humanitaire demeure un besoin vital, une réflexion à long terme s’impose pour réaliser de réels progrès.
La communauté internationale et le gouvernement palestinien doivent prendre des mesures constructives pour mettre fin au blocus de Gaza, tout en préparant les habitants et l’économie de Gaza à se rétablir après le blocus.
Cela implique de se concentrer sur le potentiel à venir de Gaza plutôt que de condamner le territoire assiégé à un état de crise humanitaire permanente à travers des politiques à courte vue. Compte tenu de l’augmentation des taux de chômage et du niveau de pauvreté, il est essentiel de faciliter l’investissement et de stimuler les revenus des ménages.
Le PNUD travaille dans les territoires palestiniens occupés depuis quatre décennies. Nous avons fait d’innombrables interventions qui ont eu un effet positif sur les conditions de vie des Palestiniens. Beaucoup d’autres organisations nationales et internationales travaillent aussi sans relâche pour aider le peuple palestinien. Ensemble, nous essayons de promouvoir un développement humain durable, de protéger les droits de l’homme et d’aider les Palestiniens à mener une vie digne.
Pourtant, l’occupation, le blocus et les divisions intra-palestiniennes empêchent encore et toujours un développement palestinien.
* Roberto Valent est le Représentant spécial de l’Administrateur du Programme d’assistance au peuple palestinien du PNUD (PNUD/PAPP).
17 juin 2018 – Al-Jazeera – Traduction : Chronique de Palestine