Par Ramona Wadi
L’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) fait face à un déficit financier de 300 millions de dollars qui, selon Adnan Abu Hasna, le porte-parole de l’organisation à Gaza, pourrait compromettre les services aux réfugiés palestiniens. Israël et les États-Unis ont exercé d’incessantes pressions pour discréditer l’agence et l’obliger à fermer. Rappelons que les États-Unis ont refusé d’importants versements depuis décembre, alignant leurs objectifs sur ceux du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.
Il y a peu de doute sur les conséquences humanitaires si l’UNRWA devait faire face à de nouvelles restrictions financières. Elle est loin d’atteindre ses objectifs qui sont d’aider les réfugiés palestiniens à “réaliser leur plein potentiel en matière de développement humain”, en raison de plusieurs problèmes tels que la dépendance à l’égard du soutien entièrement bénévole des donateurs, qui balance en permanence entre l’aide et les pressions.
Actuellement, il semble y avoir un effort concerté pour imposer de nouvelles souffrances aux Palestiniens en retirant le soutien financier. Alors que l’UNRWA est sous pression de la part des États-Unis, les Palestiniens de Gaza subissent des conséquences similaires de la part de l’Autorité palestinienne, dont la dernière ambition est d’imposer son contrôle sur Gaza en amenant l’enclave assiégée au bord de l’effondrement.
Pourtant, le lien entre les deux formes d’oppression est rarement exposé. Mis à part le fait que la population de Gaza est en grande partie composée de réfugiés, les Palestiniens sont contraints à une série de privations par des pouvoirs politiques qui déterminent leur choix de survie au détriment de leur autonomie. En parlant de la situation des Palestiniens uniquement en termes humanitaires, les dommages qui peuvent être infligés sont sans limites, en particulier du point de vue de leurs droits politiques.
L’UNRWA s’abstient autant que possible de tenir un discours politique, en maintenant l’équilibre nécessaire pour s’assurer qu’elle peut encore obtenir des dons des États membres des Nations Unies, tout en sachant qu’une solution politique qui reconnaît et permet aux Palestiniens de revendiquer leurs droits et leur territoire est un objectif plus aléatoire que les dons financiers.
Il existe une contradiction dans le mandat de l’UNRWA, établi par l’ONU, qui rend l’organisation responsable des réfugiés palestiniens. L’absence de solution au problème des réfugiés palestiniens entretient la rhétorique politique dominante qui cherche à soutenir deux approches contradictoires : contraindre les Palestiniens à s’en tenir à un statut de réfugiés permanents, tout en permettant à Israël et aux États-Unis de réduire les moyens de l’UNRWA et, par conséquent, d’entraîner la disparition politique des réfugiés palestiniens du discours des Nations Unies.
Les approches sont en totale contradiction. Si elle n’est pas stoppée, l’expansion coloniale israélienne continuera à produire des réfugiés et l’importance du rôle de l’UNRWA ne diminuera pas. Les déficits dans les financements et la sollicitation de l’agence en tant que fournisseur de services aux réfugiés, continueront à consolider la division entre le discours politique et le peuple palestinien. En conséquence, l’UNRWA masquera la visibilité des Palestiniens du fait que l’agence se concentre sur l’aide dans une situation d’absence de droits.
Ni l’UNRWA ni les Palestiniens ne disparaîtront faute de financements. Cependant, être exposés par moments aux “feux de la rampe” ne suffira pas à compenser les violations généralisées des droits du peuple palestinien. Annihiler toute action politique possible – ce qu’Israël et ses complices cherchent à imposer – c’est éloigner encore plus les Palestiniens de leurs droits humains fondamentaux, sans parler des droits consacrés dans le droit international et supposés protéger toute population déplacée et colonisée.
Le plan de Netanyahou d’éliminer le concept même de réfugiés palestiniens – plus d’UNRWA signifierait, dans sa logique vicieuse, plus aucun «réfugié de Palestine» – échouera en raison de la dépendance d’Israël à l’égard de son expansion coloniale. Pourtant, les problèmes associés à un manque de financement vont rendre moins visible l’identité palestinienne, et creuser davantage de divisions entre le rôle humanitaire de l’UNRWA et les droits politiques légitimes des Palestiniens.
Auteur : Ramona Wadi
* Ramona Wadi est rédactrice au Middle East Monitor. Écrivain, chercheuse et journaliste indépendante, elle est également critique. Ses écrits couvrent une série de thèmes en relation avec la Palestine, le Chili et l'Amérique latine. Elle contribue régulièrement au PalestineChronicle.com. Consultez son site internet. Son compte Twitter.
19 avril 2018 – Middle East Monitor – Traduction : Chronique de Palestine