Par Jeremy Salt
Netanyahu ou Gantz, ce sera comme d’habitude, maintenant que les élections ont eu lieu : davantage d’attaques contre Gaza, peut-être une guerre de grande envergure contre Gaza, peut-être une guerre contre le Liban, ou l’Iran, qui pourrait le dire, car Israël a une profusion de cibles.
Non, la nouvelle la plus importante n’a pas été les élections, mais le meurtre d’une Palestinienne en Cisjordanie, quelques jours seulement après qu’un garçon de 10 ans, Abd al Rahman Yasir Shtewi, eut reçu une balle dans la tête tirée par un soldat près du village de Kafr Qaddum, dans le nord de la Cisjordanie lors d’une manifestation contre la fermeture d’une route d’accès. Il a été transporté à l’hôpital dans un état critique.
La femme, Alaa Wahdan, a été abattue avec un fusil d’assaut alors qu’elle se dirigeait vers un poste de contrôle près du camp de réfugiés de Qalandiya, construit pour les réfugiés après les massacres et le nettoyage ethnique des Palestiniens de Lydda et Ramle en 1948.
Elle marchait sur la route, ayant manqué le chemin piéton attribué aux Palestiniens. C’était le crime pour lequel elle devait mourir. On lui a ordonné de s’arrêter. Selon les cinq hommes fortement armés qui lui barraient la route, elle a sorti un couteau, une petite chose à manche jaune photographiée gisant sur la route. Alaa était à cinq ou sept mètres de là et il aurait été facile de lui faire lâcher le couteau d’un coup de crosse de fusil, mais l’un des hommes armés lui a tiré dessus, la balle lui ayant apparemment sectionné une artère de la jambe.
Alaa s’est effondrée sur la route et est restée sans soin agonisante pendant une demi-heure, se vidant de son sang. Le Croissant-Rouge palestinien a déclaré qu’on l’avait empêché d’aller la secourir. Les soldats l’ont regardée se traîner le long de la route sur le ventre, le sang ruisselant de son corps, laissant derrière elle une longue et large traînée rouge. Aucun d’entre eux n’a tenté de la réconforter ou d’arrêter l’hémorragie. Ils l’ont regardée se vider de son sang. Ils l’ont laissée mourir, conformément à la politique implicite de l’État.
Qui était Alaa exactement, une mère, une sœur, une fille ou une tante, ne présentait aucun intérêt pour les occupants. C’était une histoire de bas de page dans les médias, pas même digne d’être nommée, pas plus que les “terroristes” africains des années 1940 ou 1950 n’étaient dignes d’être nommés par les occupants britanniques ou français de leur terre qui les ont torturés et assassinés. Selon Mickey Rosenfeld, le gauleiter de la police de Jérusalem occupée, elle n’était rien de plus qu’une “femme terroriste” qui a été “modérément blessée”. Si c’est le cas, M. Rosenfeld, pourquoi est-elle morte ?
En arrière-plan, pendant qu’Alaa se traînait le long de la route, le sang de sa vie s’écoulant inexorablement, les escrocs, les voleurs et les criminels de guerre se disputaient pour savoir qui serait le prochain à être en charge de l’occupation de la Palestine. Netanyahu ou Gantz ? Le résultat des élections est si serré que le “faiseur de rois” sera Avigdor Lieberman, l’immigrant moldave arrivé en Palestine à l’âge de 20 ans et qui vit avec sa femme et ses enfants sur une terre palestinienne dans la colonie de Nokdim.
Comme Menahem Begin dans les années 1970, Lieberman était autrefois considéré comme un voyou et un fanatique qui ne parviendrait jamais à intégrer le courant dominant de la politique sioniste, mais comme le courant dominant s’est déplacé année après année davantage vers la droite, il l’a finalement rattrapé. Il a un jour préconisé le bombardement du barrage d’Assouan pour faire en sorte que les Égyptiens ne fassent plus parler d’eux.
Il pense que les membres “arabes” du parlement” sioniste sont les alliés des terroristes.
Il veut que les Palestiniens musulmans et chrétiens soient tenus de prêter serment de loyauté à un État qui s’est déclaré juif, qui les a pratiquement dépouillés de tout ce qu’ils possèdent et qui prévoit de continuer jusqu’à ce qu’il ne leur reste rien.
On peut résumer sa philosophie avec ses propres mots : “Quiconque est contre nous, il n’y a rien à faire … Nous devons lever une hache et lui trancher la tête … sinon nous ne serons pas ici.” L’option de rendre une partie de ce qui a été volé comme moyen de faire la paix ne lui effleure même pas l’esprit.
Quant à Netanyahu, sa campagne était manifestement raciste. Il a mis en garde contre le fait qu’un parti “arabe” puisse parvenir au gouvernement et son parti, le Likoud, a installé des caméras dans les bureaux de vote pour intimider les Palestiniens et les empêcher de voter. Ça n’a pas marché. Ils sont venus voter plus nombreux que jamais.
On mesure le caractère vil du personnage au fait qu’il voulait attaquer Gaza soit pour remporter ou reporter les élections, volant pour finir vers la victoire sur les corps de davantage d’hommes, de femmes et d’enfants palestiniens morts.
Gantz s’est mis en travers de son chemin, mais seulement pour la même raison électorale, parce qu’il est lui aussi un tueur de Palestiniens, et fait actuellement l’objet de poursuites aux Pays-Bas pour le bombardement d’un immeuble à Gaza en 2014 qui a tué six membres de la même famille.
Comme les Palestiniens le savent bien, peu importe lequel des partis est au pouvoir, car leurs politiques – plus de guerre, plus de morts, plus de colonies, et l’annexion toute proche – sont les mêmes.
Les sionistes sont pathologiquement inaccessibles à la raison. Ils ne sont sensibles à aucune loi ou valeur, si ce n’est les leurs et tenter de raisonner avec eux sur la base du droit international et des valeurs universelles est une perte de temps, et revient à jeter des cailloux contre un char.
En 2013, Mehdi Hassan a interviewé Dani Dayon en tant que principal interlocuteur d’un débat de l’Oxford Union. Jusqu’à récemment, Dayon était à la tête du conseil des colons de Yesha. Assise au premier rang, Ghada Karmi, née à Al-Quds dans une famille dont les terres en Cisjordanie ont été saisies par des colons étrangers comme Dayon, a dû endurer les mensonges et les délires que déversait la bouche de cet homme. Battant en brèche son arrogance et l’assurance souriante arborées pour tromper le public, elle lui a dit ce qu’il était réellement à ses yeux et aux yeux du monde – un vulgaire voleur.
Il n’y a pas de mystère sur ce qui s’est “passé” en Palestine. Il n’y a pas de “conflit de droits”, de “récits controversés” ou de propriété “contestée”. Ce sont toutes des expressions de propagande destinées à dissimuler la réalité incontestable. De la Méditerranée au Jourdain, la Palestine a été volée par des personnes dont le droit moral d’y séjourner ne peut leur être conféré que par les personnes dont ils ont volé les terres. S’ils avaient accepté ce principe, s’ils s’étaient excusés pour leurs crimes, s’ils avaient accepté de partager au lieu de vouloir tout s’approprier, par tous les moyens brutaux à leur disposition, ce droit moral aurait pu être garanti mais ils ont perdu cette possibilité depuis longtemps, préférant la guerre sans fin à la paix possible. Il n’y a pas de solution “à deux États” en vue. Ajoutez-la à la liste des mythes que l’on continue de véhiculer. Aucune solution n’est en vue, du moins pas une solution fondée sur une discussion rationnelle et l’application des principes internationaux.
Il n’y a pas de délai de prescription. La terre a été volée et le restera, peu importe combien de temps les sionistes la détiennent. Il n’y a pas de “terre d’Israël”. Il n’y a pas de “Mont du Temple” ni de “tombeau des patriarches” à Hébron. Ce sont des mystifications trônant au sommet d’une montagne de mensonges destinés à enterrer la vérité. Il y a la Palestine, il y a le Haram al Sharif, la mosquée Ibrahimi à Hébron, où le pogrom de l’état colon contre les Palestiniens se poursuit sans interruption, et d’innombrables autres sites sur la carte, tous occupés et rebaptisés. Pas une goutte d’eau de la mer ou un grain de sable de la plage n’appartient aux sionistes. Tout a été volé.
Dès la fin des élections, le “faiseur de rois” Lieberman, qui conduisait le parti des “immigrants” russes dans un pays occupé illégalement, a commencé à assembler un gouvernement “d’unité nationale”. Tout excitée ou préoccupée par le processus que puisse être la population sioniste de Palestine, il n’y a aucune perspective de changement pour les Palestiniens, sauf un changement pour le pire.
Gantz est autant un va-t-en guerre que Nétanyahu ou Lieberman et comme les Palestiniens continueront à résister à l’occupation de leurs terres où et quand ils le pourront, comme c’est leur droit naturel et leur droit en vertu du droit international, un nouveau déchaînement de violence à grande échelle n’est qu’une question de temps.
Aveuglés par leur arrogance, les sionistes font fi de tous les signes avant-coureurs, les cris de “mort à Israël” des Houthis, les dizaines de milliers de missiles dans l’arsenal du Hezbollah et la détermination de l’Iran à se défendre et à défendre ses alliés.
Les sionistes peuvent malmener les Palestiniens, mais pas ces puissants ennemis, qui ont derrière eux le soutien à la Palestine des musulmans du monde entier, sans parler des nombreux défenseurs de la Palestine et des droits des Palestiniens en Europe, aux États-Unis, au Canada, en Australie et dans de nombreux autres pays.
Les sionistes sont venus au Moyen-Orient comme “rempart” de la “civilisation occidentale” et c’est là qu’ils sont restés, sur les remparts, derrière les palissades, les clôtures et le mur, maintenant les autres à l’extérieur et se barricadant à l’intérieur. Ils voulaient être au Moyen-Orient, mais pas du Moyen-Orient. C’était indigne d’eux. Ils se sont emparés des aspects de sa culture qui leur convenaient, mais ils ont dédaigné les autres et ils continuent de le faire.
En tout cas, domination occidentale était l’expression exacte, et non civilisation occidentale. L’Occident n’a jamais été civilisé, ni au Moyen-Orient, ni dans aucune autre contrée contre laquelle il est entré en guerre et qu’il a occupée. Au contraire, il a été totalement barbare, au sens où le mot est généralement compris, et le sionisme a fait partie de cette barbarie.
Ne voulant pas faire partie du Moyen-Orient si ce n’est selon ses propres termes inacceptables, le sionisme doit compter sur de puissants soutiens extérieurs, rôle actuellement assumé par l’un d’eux, les États-Unis. Toutefois, seront-ils toujours là pour apporter à l’État sioniste le soutien qu’il réclame, seront-ils toujours capables de lui apporter le soutien qu’il réclame, seront-il finalement prêts à risquer leur propre vie pour un petit État éloigné et méprisé par une grande partie du monde, non pour de mauvaises raisons mais pour des raisons parfaitement compréhensibles, et qui est également honni par un nombre croissant d’Américains ?
Seule l’arrogance pourrait être la raison de la volonté des sionistes de mettre leur avenir en jeu sur de telles incertitudes, alors que pour un prix modique, sauf à l’aune de leur cupidité, ils auraient pu s’assurer leur place au Moyen-Orient depuis longtemps. Mais il y a une autre raison à leur confiance, ils possèdent l’arme nucléaire. Au pire, le dos finalement au mur, ils peuvent emporter tout le monde avec eux.
Sortez un tueur en série de l’asile psychiatrique, donnez-lui une mitrailleuse et attendez de voir ce qui se passe. Telle est la perspective qui nous attend au Moyen-Orient tant que l’État sioniste restera un tueur en liberté.
Auteur : Jeremy Salt
* Jeremy Salt a enseigné l’histoire moderne du Moyen-Orient à l’Université de Melbourne, à la Bosporus University à Istanbul et à la Bilkent University à Ankara pendant de nombreuses années. Parmi ses publications récentes son livre paru en 2008 : The Unmaking of the Middle East. A History of Western Disorder in Arab Lands (University of California Press).
20 septembre 2019 – The Palestine Chronicle – Traduction: Chronique de Palestine – MJB