Par Sana Saeed
Les allégations des médias sur des « pogroms antisémites » contre des supporters israéliens à Amsterdam sont les dernières d’une série d’affabulations qui alimentent la violence antimusulmane et tentent de justifier le génocide à Gaza.
« Olé, olé !
Olé, olé, olé !
Que Tsahal gagne et que les Arabes aillent se faire foutre !
Olé, olé, olé !
Olé, olé, olé !
Pourquoi l’école est-elle fermée à Gaza ? Il n’y a plus d’enfants là-bas !”
Dans la nuit du 7 novembre, un pogrom antijuif aurait eu lieu à Amsterdam, lorsque de jeunes Marocains néerlandais en scooter sont descendus dans les rues pour agresser des supporters de football juifs israéliens.
C’est du moins l’histoire véhiculée dans les salles de presse occidentales et par les dirigeants américains et européens, alors que l’extermination israélienne de Gaza – en particulier du nord – se poursuit sans entrave.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a parlé d’un « horrible incident antisémite ».
Le président Joe Biden a éructé une déclaration sur X en disant que « les attaques antisémites contre des supporters de football israéliens à Amsterdam sont méprisables et font écho à des moments sombres de l’histoire où les juifs ont été persécutés ». Il a conclu en réaffirmant que « nous devons lutter sans relâche contre l’antisémitisme, où qu’il apparaisse ».
Le Premier ministre néerlandais, Dick Schoof, a promis que « les auteurs de ces actes seront recherchés et poursuivis ».
La commissaire européenne Ursula Von Der Leyen a rappelé que « l’antisémitisme n’a absolument pas sa place en Europe ».
Le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, a déclaré que « les nouvelles en provenance d’Amsterdam hier soir sont horribles. C’est un moment sombre pour notre monde, un moment que nous avons déjà connu ».
L’Anti-Defamation League a parlé d’ un « pogrom des temps modernes », son directeur général Jonathan Greenblatt établissant des comparaisons avec la Nuit de Cristal, affirmant que « les Juifs dans les rues d’Amsterdam ont été chassés, poursuivis, attaqués et forcés de se cacher d’une foule antisémite dont l’objectif était de blesser le plus grand nombre de Juifs possible ».
Les titres des journaux américains, en particulier, ont fait état d’une inquiétude similaire : « Violentes attaques à Amsterdam liées à l’antisémitisme » , « Des jeunes à scooter, pas des supporters de football, chassent les Juifs à Amsterdam », « Des supporters de football israéliens subissent des ‘attaques antisémites’ lors d’un violent incident à Amsterdam » etc… etc…
Mais ce n’est pas ce qui s’est passé !
Le 5 novembre, des centaines de supporters du Maccabi Tel Aviv – apparemment accompagnés d’agents du Mossad – avaient pris l’avion pour se rendre dans la ville afin d’assister à un match contre l’Ajax FC. Les jours précédents, il avait été signalé que des groupes pro-palestiniens prévoyaient une grande manifestation à l’extérieur du stade pour protester contre la présence de l’équipe de football israélienne.
Au cours des deux jours précédant le match, de nombreux incidents de violence et d’intimidation ont été signalés de la part des supporters israéliens, notamment des chants anti-arabes, l’attaque de chauffeurs de taxi, l’arrachage de drapeaux palestiniens et l’attaque de maisons arborant des photos palestiniennes.
Des vidéos et des témoignages de résidents d’Amsterdam (ici, ici et ici, par exemple) indiquent que la violence initiale est venue des supporters du Maccabi Tel Aviv, qui ont également perturbé une minute de silence en hommage aux victimes des inondations de Valence.
Mais malgré ces images et les témoignages des habitants d’Asterdame, la couverture médiatique – dans les médias internationaux, en particulier aux États-Unis – a été incapable de replacer dans leur contexte les contre-attaques contre la foule israélienne anti-arabe.
Lorsque les actions des supporters du Maccabi ont été mentionnées, le contexte critique de la violence et des chants anti-arabes n’est qu’un détail supplémentaire par rapport au fondement de la contre-violence.
Le contexte de la violence et du racisme à l’égard des Arabes est également minimisé, avec un langage très édulcoré pour le décrire.
Voici un extrait édifiant d’une dépêche de l’agence Reuters sur l’incident d’Amsterdam :
Des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux ont montré la police anti-émeute en action, certains attaquants criant des insultes anti-israéliennes. Des images ont également montré des supporters du Maccabi Tel Aviv scandant des slogans anti-arabes avant le match de jeudi soir.
Souhaiter la mort des Arabes aux mains des forces israéliennes et se moquer des enfants palestiniens morts, nous dit-on, c’est un slogan. Forcer les Israéliens à dire « Palestine libre » est une insulte. Par l’utilisation de ces deux mots, le poids de la violence et de la responsabilité est immédiatement déplacé vers ceux qui en sont les victimes.
Ensuite, il y a ce reportage de Channel 4, qui fait preuve d’une manipulation narrative magistrale. Il commence par des images de personnes drapées de drapeaux palestiniens, défilant dans les rues d’Amsterdam, avec une voix off qui parle de la violence « choquante » et de la façon dont « des hommes en scooter ont chassé des Israéliens pour les frapper ».
Nous voyons immédiatement des images d’Israéliens pris au hasard et battus dans les rues, puis nous passons au Premier ministre néerlandais qui condamne ces actes. Présenté de cette manière, le reportage est choquant : on apprend d’abord que des supporters de football juifs israéliens ont été « chassés » et agressés dans la rue par des hooligans pro-palestiniens.
Un peu plus d’une minute après le début du reportage de trois minutes, nous passons au contexte critique : 36 heures de violence, d’insultes et de chants racistes de la part des supporters du Maccabi. Le rapport consacre environ 40 secondes à cette question, avant de revenir à la définition de l’incident comme étant antisémite.
Il se termine par une brève reconnaissance du fait que les supporters du Maccabi ont un passé de racisme anti-arabe et anti-palestinien, mais sa note finale porte sur la mémoire historique des Juifs qui ont été « chassés et poursuivis » dans les rues.
Sans parler de l’expérience actuelle des Arabes, des musulmans exterminés dans leurs maisons, leurs hôpitaux, leurs écoles et leurs tentes par une armée juive.
Il convient également de mentionner que pendant la rédaction de cet article, Sky News a publié et supprimé un reportage vidéo sur l’instigation et la violence de la foule raciste israélienne – pour ensuite le publier à nouveau, avec son contenu et sa copie édités pour centrer le cadrage sur l’« antisémitisme ». En d’autres termes, il s’agit d’une fabrication en temps réel d’une histoire pour correspondre à un récit spécifique, en dépit de toutes les preuves disponibles.
Peu de choses ont illustré de manière aussi transparente et choquante la complicité intentionnelle des médias dans le génocide des Palestiniens.
La couverture des événements d’Amsterdam révèle un schéma troublant, mais limpide et répétitif : elle sert d’outil rhétorique pour justifier la violence contre les Arabes et les Musulmans, que ce soit à Gaza ou dans les rues d’Europe.
Chaque récit, qu’il soit centré sur le 7 octobre ou le 7 novembre, place invariablement la souffrance juive et le traumatisme historique au centre, renforçant ainsi la notion d’un droit juif à la violence.
Toute mise en contexte présentant les Israéliens ou les sionistes juifs comme des agresseurs menace de perturber ce monopole soigneusement entretenu sur la souffrance.
Dans le cas d’Amsterdam, le cadrage médiatique et les titres sensationnels renforcent l’image de la foule israélienne comme victime, assiégée par une foule arabe enragée qui « chasse les Juifs » dans les rues. Le moment choisi – juste avant l’anniversaire de la Nuit de Cristal – ajoute une résonance obsédante qui a permis de placer le récit de la persécution juive au centre de la couverture et de la condamnation.
Ce cadrage, à la fois direct et indirect, fait écho à la propagande israélienne et sioniste qui s’appuie sur un antisémitisme fabriqué et sur des tropes racistes de longue date concernant les Arabes et les Musulmans ; il perpétue un récit de victime éternelle qui est brandi pour justifier l’extermination en cours de 2,2 millions de Palestiniens.
Le génocide à Gaza a révélé le fascisme israélien et occidental
C’est ainsi que nos médias autorisent la violence – américaine, européenne et israélienne – à l’égard des Arabes et des musulmans. Ils encouragent l’éradication des Palestiniens par Israël, soutenue par les États-Unis, parce que, nous répète-t-on, les Juifs ne seraient en sécurité nulle part.
Cela a donné lieu à des histoires fabriquées de toutes pièces – bébés décapités, bébés dans des fours, viols massifs de femmes israéliennes, centres de commandement sous les hôpitaux, implication de l’UNRWA dans le 7 octobre, journalistes considérés comme des « terroristes », antisémitisme débridé sur les campus universitaires et pogroms contre les Juifs à Amsterdam – qui définissent la couverture américaine, canadienne et européenne du génocide des Palestiniens.
Les revendications et les expériences des Israéliens, des Juifs pro-israéliens sont présentées comme sacro-saintes, les remettre en question est antisémite ; c’est nier et soutenir le type de déshumanisation et de violence qui a conduit à l’Holocauste juif.
Les revendications et les expériences des Palestiniens, des Arabes et des Musulmans peuvent être tragiques, mais nous devons toujours considérer la souffrance et le traumatisme juifs avant tout – c’est ce qui doit toujours être protégé, toujours au centre de notre indignation.
La couverture des contre-attaques antiracistes à Amsterdam en est un exemple : le jour même où les dirigeants occidentaux se sont précipités pour condamner un pogrom inexistant contre les Juifs, l’Office des Nations unies pour les droits de l’homme a publié un rapport indiquant que 70 % des personnes tuées à Gaza sont des femmes et des enfants – principalement des enfants, âgés de 5 à 9 ans.
L’absence de condamnation, d’indignation – ni même la simple reconnaissance – de la part des dirigeants et des salles de presse occidentaux, qui sont coupables de ces 70 %, explique la condamnation d’un pogrom qui n’a jamais eu lieu.
Auteur : Sana Saeed
* Sana Saeed est une critique des médias basée à Washington D.C. Elle a précédemment travaillé à AJ+, animant Backspace et The Israeli Occupation Style Guide. Vous pouvez la suivre sur X (@SanaSaeed), Instagram (@sanaface) et Substack à sanasaeed.substack.com.
9 novembre 2024 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine
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