Par Adnan Abu Amer
Depuis les évènements qui se sont déroulés dans le quartier de Beit Hanina, à Jérusalem occupée, les soldats de l’occupation vivent dans la crainte que des jeunes Palestiniens ne mènent d’autres opérations similaires. L’Occupation affirme avoir déjà déjoué 29 attaques, et les menaces d’attaques armées individuelles se multiplient. Selon les responsables de la sécurité, ce pourrait être début d’une troisième Intifada palestinienne.
Depuis le début de l’année 2023, il y a eu 32 attaques palestiniennes qui ont fait sept morts, trois blessés graves et deux blessés légers parmi les colons. En outre, il y a eu 41 alertes d’éventuelles attaques sur fond de menace permanente d’une flambée générale.
Dans beaucoup de cas des armes ont été utilisées. Les attaques sont variées : au couteau, aux explosifs, avec des voitures. Ce niveau de tension sécuritaire rappelle celui qui a précédé la guerre de Gaza en mai 2021.
L’armée n’a plus affaire à des jets de pierres et de cocktails Molotov, mais à des armes à feu que les Palestiniens n’ont semble-t-il aucun mal à se procurer.
Certes le nouveau gouvernement d’ultra-droite a rapidement décidé d’une série de punitions collectives à l’encontre des Palestiniens, mais cela ne rassure pas les israéliens, pour qui il s’agit de mesures tactiques qui ne résolvent pas le problème de fond.
Les Israéliens craignent que de plus en plus de Palestiniens ne se mettent à imiter les attaques, et ils veulent mettre fin à l’escalade avant le mois de Ramadan.
Si l’Occupation n’y parvient pas, elle entrera dans une période de grave tension sécuritaire car elle fait face aux attaques armées sans doute les plus dangereuses qu’elle a connues depuis 2011.
L’armée d’occupation a renforcé ses troupes de trois bataillons en Cisjordanie et concentré ses principaux efforts sur la protection de ses axes et de ses colonies par crainte de nouvelles attaques palestiniennes, tout en poursuivant ses arrestations généralisées contre les militants palestiniens.
L’attaque à Jérusalem a semé la panique parmi les Israéliens parce qu’elle s’est déroulée à un moment où les mesures de sécurité étaient à leur maximum, tout comme les alertes sur le fait que Palestiniens passaient d’attaques individuelles (donner quelques coups de couteaux ou écraser une ou deux personnes) à des opérations plus organisées et plus efficaces.
C’était leur réponse au gouvernement extrémiste de Tel Aviv, qui continue de les menacer.
L’opération de Jérusalem contre les colons a eu lieu moins d’un jour après le massacre sanglant perpétré par l’occupant dans le camp de Jénine, ce qui en fait la réponse naturelle à l’escalade des crimes israéliens.
Ces crimes ont poussé les jeunes Palestiniens à prendre des mesures immédiates, inspirées de la politique générale de résistance à l’occupation, sans attendre la permission ou la décision de quiconque.
L’opération a aussi montré qu’elle pouvait changer les réalités sur le terrain, non pas à cause du nombre élevé de morts israéliens, mais parce qu’elle a déclenché une escalade explosive d’attaques palestiniennes.
Cette fois, Israël est confronté à un problème majeur : l’attaque l’a pris par surprise, il n’avait aucune information préalable et c’est un point critique car il y a 300 000 Palestiniens à Jérusalem.
L’opération de Jérusalem a rappelé à l’Occupation les opérations de commando armé qu’elle a subi en 2022 en Cisjordanie, notamment dans le nord.
En réponse, Israël avait intensifié ses activités agressives, au cours desquelles plus de deux cents Palestiniens avaient été tués, pour la plupart des civils. Pareillement, depuis le début de 2023, près de trente civils ont été tués par l’Occupation, ce qui soulève des troubles importants dans les rues palestiniennes.
Les Israéliens pensent que l’attentat de Jérusalem incitera davantage de militants palestiniens à en commettre et, par conséquent, on s’attend à ce que les forces d’occupation soient fortement renforcées à Jérusalem occupée et, peut-être, en Cisjordanie.
Cela signifie davantage de frictions et davantage de victimes palestiniennes, ce qui entraînera davantage de violence et d’escalade.
Bien que de nombreux acteurs internationaux s’efforcent de calmer la situation, notamment les États-Unis, l’Union européenne, la Jordanie et l’Égypte, leur pouvoir est limitée, et les agences de renseignement israéliennes et régionales s’attendent plutôt à un déclin du contrôle de l’occupation sur la Cisjordanie et à une intensification prochaine des opérations commando.
Le massacre sanglant perpétré par l’armée d’occupation israélienne à Jénine a montré, une fois de plus, que des centaines, voire des milliers, de jeunes Palestiniens sont prêts à braver la mort lors de manifestations contre l’armée.
Cela signifie que les facteurs d’escalade sont non seulement réunis mais qu’ils s’intensifient, d’autant plus que la mosquée Al-Aqsa se prépare à fêter le mois de Ramadan ; on va donc assister à une escalade des protestations en Cisjordanie, et à une augmentation du nombre de victimes palestiniennes.
Le massacre de Jénine commis par l’occupation a prouvé que les Palestiniens mettent en pratique le slogan qu’ils répètent depuis longtemps, à savoir « la mort naturelle n’est pas pour toi, ne meurs que sous une pluie de balles », qui est une citation du poète palestinien Ghassan Kanafani, assassiné par le Mossad il y a cinquante ans.
Il semble, aujourd’hui, que de nombreux jeunes de Cisjordanie en ont fait le principe de leur vie, ou plutôt de leur mort.
Le rythme des événements et des batailles actuels dépasse tout ce que les Israéliens ont vu ces dernières années. La motivation des jeunes Palestiniens à combattre l’armée d’occupation augmente, aucun mesure politique ou sécuritaire ne pourra rien y changer.
Tous les facteurs concourent à l’escalade, surtout avec le Ramadan qui arrive dans un mois et demi. La situation est vraiment explosive pour les Israéliens et on ne voit pas comment le gouvernement d’extrême droite pourrait parvenir à rétablir le calme.
L’attaque de Beit Hanina scelle une nouvelle ère du gouvernement fasciste d’occupation. L’opération a fait de nombreux morts et blessés parmi les colons. Elle est la marque du changement de niveau des opérations de la Résistance qui, depuis un an, se multiplient à base d’attaques armées et en voiture.
On ne sait pas encore quelle forme prendra cette nouvelle phase de la confrontation palestino-israélienne.
Il était naturel que l’opération de Jérusalem soit accueillie par tous les Palestiniens, comme la réponse attendue au massacre continuel des leurs par l’armée d’occupation, et à la prise d’assaut de la mosquée Al-Aqsa par les colons.
Elle a aussi été saluée comme le signe, non seulement que la Résistance se poursuit, mais qu’elle est capable d’infliger des formidable revers à Israël et des formidables démentis aux faits israéliens sur le terrain.
Pour tous les Palestiniens, l’attaque de Jérusalem vient de renvoyer Israël à la case départ.
Auteur : Adnan Abu Amer
* Adnan Abu Amer dirige le département des sciences politiques et des médias de l'université Umma Open Education à Gaza, où il donne des cours sur l'histoire de la Cause palestinienne, la sécurité nationale et lsraël.Il est titulaire d'un doctorat en histoire politique de l'université de Damas et a publié plusieurs ouvrages sur l'histoire contemporaine de la Cause palestinienne et du conflit israélo-arabe. Il travaille également comme chercheur et traducteur pour des centres de recherche arabes et occidentaux et écrit régulièrement pour des journaux et magazines arabes. Son compte Facebook.
2 février 2023 – Middle East Monitor – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet