Par Adnan Abu Amer
Alors que les manifestations se poursuivent contre la réforme judiciaire imposée par le gouvernement israélien, la direction des Forces de défense israéliennes (FDI) craint une montée du mécontentement dans ses rangs ainsi qu’une aggravation de son manque de compétence.
Les signes s’accentuent de jour en jour, incitant les commandants de l’armée à mettre en garde contre les faiblesses qui affecteront son état de préparation à la guerre.
Des officiers supérieurs ont admis l’existence d’une crise sans précédent dans les compétences de l’armée d’occupation, et elle est plus grave que ce qui est présenté au public.
Des centaines de pilotes accusent le chef d’état-major et le ministre de la sécurité nationale de mentir lorsqu’ils affirment que la compétence de l’armée n’a pas été mise à mal.
Il est vrai que les FDI peuvent être préparées à la guerre, mais les relations entre ses différentes armes ont été gravement endommagées. Le nombre de pilotes et d’officiers de réserve qui refusent de se présenter au service volontaire est beaucoup plus important que ce que prétend l’armée.
Plus d’un millier d’entre eux ont annoncé la suspension de leur service en prélude à des actions contre le gouvernement. Certains craignent qu’Israël ait atteint un point où l’armée de l’air pourrait être incapable, voire refuser, de le protéger.
Cela révèle un dangereux aveuglement face à la réalité, d’une manière qui me rappelle la suffisance malavisée qui a précédé la défaite d’Israël lors de la guerre de 1973.
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Le manque de confiance au sein de l’armée israélienne est plus préoccupant que sa perte d’aptitude à la guerre, car de nombreux pilotes qualifient leurs officiers supérieurs d’arrogants.
Le plus grand test pour ceux qui refusent de se porter volontaires sera le prochain exercice de commandement aérien, car le QG des opérations de l’armée de l’air est essentiellement composé de personnel de réserve.
Cette crise touche également d’autres unités de l’armée et Israël craint qu’elle n’affecte bientôt l’artillerie ainsi que la précision et donc l’efficacité de ses missiles.
Des dizaines d’officiers de réserve de l’unité d’élite du renseignement ont également fait part de leur mécontentement, tout comme des officiers de marine expérimentés. Leur absence dans les rôles opérationnels met en danger les vies dans les rangs de ceux qu’ils devraient diriger.
Ces données suggèrent que les FDI n’ont pas confiance en leur capacité à remplir leur rôle si la réforme judiciaire est adoptée par la Knesset. Toutes les armes seront affectées négativement, ce qui se répercutera sur leur préparation au combat et leur efficacité.
Tout cela coïncide avec le fait que l’opposition israélienne a obtenu le soutien d’officiers supérieurs de l’armée, des agences d’espionnage Mossad et Shin Bet, et de la police, y compris une longue liste de généraux à la retraite.
Nombre d’entre eux ont envoyé une lettre au Premier ministre Benjamin Netanyahu, l’accusant de porter gravement atteinte à la sécurité de l’État et déclarant leur soutien aux réservistes qui ont confirmé la suspension de leur service militaire.
Ils affirment que Netanyahuest directement responsable des graves dommages causés à l’armée et à la sécurité de l’État, et que la réforme judiciaire proposée par son gouvernement viole le contrat social qui existe depuis 75 ans entre l’État et des milliers de soldats dqui se sont portés volontaires pendant de nombreuses années pour le défendre.
Il est intéressant de noter que les réservistes de l’unité de renseignement 8200 ont participé aux manifestations et ont envoyé un message aux chefs du gouvernement, de l’armée et des services de renseignement, aux membres de la Knesset et au ministre de la sécurité nationale, les mettant en garde contre les conséquences désastreuses que pourrait avoir l’adoption de la réforme par le parlement.
Cette unité recueille les renseignements les plus sensibles, ce qui la rend indispensable aux opérations quotidiennes des forces armées.
Dans le même temps, le chef d’état-major Herzi Halevy est soumis à une pression énorme pour dire au ministre de la défense Yoav Gallant que l’armée n’est plus prête à défendre l’État.
Il ne peut ignorer les signaux d’affaiblissement, ce qui signifie qu’il doit tout réexaminer et contrôler les compétences des FDI alors même que des centaines de personnes annoncent la fin de leur service volontaire.
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La pression sur les FDI devient insupportable, les craintes s’accroissant alors que la tension coïncide avec les menaces sécuritaires à la frontière nord avec le Hezbollah libanais et les troubles actuels en Cisjordanie occupée.
Tel est le contexte de la crise au sein des forces de défense israéliennes.
Tandis que des personnalités puissantes s’alignent pour accuser le gouvernement Netanyahu de nuire à la compétence des FDI, il est dit que si la loi de réforme judiciaire est adoptée, les citoyens israéliens ne seront pas obligés de respecter leurs obligations envers le gouvernement.
Si trop de personnes refusent de servir dans les forces armées, l’infrastructure sur laquelle l’État d’occupation a été construit commencera à s’effondrer.
Cette situation a poussé certains généraux à exiger le renversement du gouvernement par la non-coopération et des actes de rébellion contre les autorités qui, selon eux, transforment Israël en une dictature fascisante.
En tout état de cause, les Israéliens n’ont aucune raison de coopérer avec le gouvernement, car le serment prêté par le personnel de l’armée consiste à servir l’État, ses lois et ses institutions élues, dans cet ordre.
Donc leur loyauté est due à l’État avant tout, et non aux lois promulguées par un gouvernement pour répondre aux besoins personnels de ses ministres.
La principale raison de l’opposition à la révision judiciaire – un « coup d’État judiciaire » – par des officiers supérieurs des FDI sera que la Cour internationale de justice de La Haye sera en mesure d’enquêter sur les soldats israéliens.
En outre, en poursuivant ce processus, M. Netanyahu se met lui-même et son pays en porte-à-faux avec l’administration américaine. Il met ainsi à mal les « valeurs communes » sur lesquelles repose l’alliance entre Israël et les États-Unis.
Il s’agit clairement d’un moment décisif dans l’histoire relativement courte d’Israël.
Auteur : Adnan Abu Amer
* Adnan Abu Amer dirige le département des sciences politiques et des médias de l'université Umma Open Education à Gaza, où il donne des cours sur l'histoire de la Cause palestinienne, la sécurité nationale et lsraël.Il est titulaire d'un doctorat en histoire politique de l'université de Damas et a publié plusieurs ouvrages sur l'histoire contemporaine de la Cause palestinienne et du conflit israélo-arabe. Il travaille également comme chercheur et traducteur pour des centres de recherche arabes et occidentaux et écrit régulièrement pour des journaux et magazines arabes. Son compte Facebook.
8 août 2023 – Middle East Monitor – Traduction : Chronique de Palestine