Par Jonathan Cook
Les événements récents ont mis en lumière non seulement la manière dont Israël intensifie sa brutalité envers les Palestiniens sous son autorité, mais aussi la complicité perverse avec ses actions que manifestent les gouvernements occidentaux.
L’arrivée de Donald Trump à la maison blanche il y a deux ans et demi a enhardi Israël comme jamais auparavant, lui laissant toute liberté de déchaîner de nouvelles vagues de violences dans les territoires occupés.
Les états occidentaux non seulement ferment les yeux sur ces atrocités, mais apportent un soutien actif en contribuant à réduire au silence quiconque ose les dénoncer.
Cela crée rapidement un engrenage infernal : plus Israël viole le droit international, plus l’occident réprime les critiques, et plus Israël profite de son impunité.
Cette honteuse descente aux enfers a été illustrée de manière frappante la semaine dernière lorsque des centaines de soldats israéliens, dont un grand nombre masqué, lourdement armés ont fait une descente dans un quartier de Sur Baher, à la périphérie de Jérusalem. Des dizaines de maisons furent détruites à l’aide d’explosifs et de bulldozers, jetant à la rue plusieurs centaines de Palestiniens.
Au cours de l’opération, une force extrême a été utilisée à l’encontre des résidents, ainsi que des volontaires internationaux qui se trouvaient là dans l’espoir désespéré que leur présence dissuaderait l’emploi de la violence. Des enregistrements vidéo montrent les soldats se réjouissant et célébrant tandis qu’ils rasaient le quartier.
La destruction des maisons est depuis longtemps un horrible attribut de l’occupation belligérante d’Israël, mais il y a cette fois ci des raisons supplémentaires de s’inquiéter.
Traditionnellement, les démolitions ont lieu sur les deux-tiers de la Cisjordanie placés temporairement sous contrôle israélien par les Accords d’Oslo. C’est déjà suffisamment grave ; Israël aurait dû céder ce qui est appelé « Zone C » à l’Autorité palestinienne il y a vingt ans. Au lieu de cela il fait la chasse aux Palestiniens de cette zone pour faire place aux colonies juives illégales.
Mais les démolitions de Sur Baher ont eu lieu en «Zone A», territoire attribué par Oslo au futur gouvernement des Palestiniens, en prélude à la création d’un État palestinien. Israël n’est censé y exercer aucune responsabilité d’urbanisme ou de sécurité.
Les Palestiniens craignent à juste titre qu’Israël n’ait créé un dangereux précédent, l’annulation des Accords d’Oslo, qui peut un jour être utilisée pour expulser plusieurs autres milliers de Palestiniens du territoire sous contrôle de l’AP.
La plupart des gouvernements occidentaux n’ont guère réagi. Même les Nations Unies n’ont exprimé qu’un sentiment hypocrite de «tristesse» pour ce qui s’était passé.
A quelques kilomètres au nord, à Issawiya, autre faubourg de Jérusalem-Est, les soldats israéliens terrorisent depuis des semaines 20000 résidents palestiniens. Ils ont installé des postes de contrôle, procédé à des dizaines d’arrestations nocturnes aléatoires, imposé des amendes et des contraventions arbitraires, et tiré à balles réelles et à balles d’acier recouvertes de caoutchouc dans des zones résidentielles.
Ir Amin, groupe de défense des droits de l’homme israélien qualifie le traitement infligé à Issawiya « d’état perpétuel de punition collective », ce qui constitue un crime de guerre.
A Gaza, le blocus imposé par Israël depuis douze ans non seulement affame lentement les 2 millions d’habitants, mais une folie meurtrière hebdomadaire contre les Palestiniens manifestant près de la barrière qui les emprisonne est devenue si habituelle qu’elle n’attire guère plus l’attention.
Vendredi, des tireurs d’élite israéliens ont tué un manifestant et en ont gravement blessés 56, dont 22 enfants.
Cela faisait suite à de nouvelles révélations selon lesquelles la politique d’Israël consistant à tirer sur les manifestants non armés en visant la cuisse pour les blesser, autre crime de guerre, s’est poursuivie bien après qu’il est devenu évident qu’une proportion significative de Palestiniens succombaient à leurs blessures.
Dernièrement, après plus de 200 morts et les graves mutilations de plusieurs milliers de Palestiniens, les tireurs d’élite ont reçu la consigne de « se calmer » et de viser la cheville des manifestants.
B’Tselem, autre organisation israélienne de défense des droits de l’homme, a qualifié le règlement qui autorise l’armée à faire feu de « politique criminelle », politique qui « choisit délibérément de ne pas considérer ceux qui se trouvent de l’autre côté de la barrière comme des êtres humains.
Plutôt que de mettre fin à de telles pratiques criminelles, Israël préfère les dissimuler. Il a de fait bouclé des zones palestiniennes pour les soustraire au regard.
Omar Shakir, chercheur de Human Rights Watch, est menacé de déportation imminente, preuve supplémentaire de la répression croissante par Israël des militants de défense des droits de l’homme.
Un rapport de la campagne palestinienne pour le Droit d’Entrée signalait la semaine dernière qu’Israël refuse systématiquement d’accorder à des ressortissants étrangers un permis de séjour et de travail pour les territoires occupés, y compris ceux censés être sous administration de l’AP.
Cela touche les Palestiniens nés à l’étranger, souvent ceux qui épousent des Palestiniens de la région, et des étrangers. Selon de récents rapports, Israël expulse activement des universitaires qui enseignent à la principale université de Cisjordanie, Bir Zeit, portant ainsi un sérieux coup à la liberté universitaire palestinienne.
Les journalistes palestiniens qui révèlent les crimes israéliens sont aussi dans le viseur d’Israël. La semaine dernière, Israël a révoqué le statut de résident de Jérusalem de l’un d’eux, Mustafa Al Haruf, l’arrachant à son épouse et à son jeune enfant. Comme il est interdit de condamner une personne à l’apatridie, Israël harcèle maintenant la Jordanie pour qu’elle l’accueille.
Une autre politique d’exclusion, refuser l’entrée aux plus virulents critiques, ceux qui soutiennent le mouvement international de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) est confrontée à son premier défi.
Deux élues à la Chambre des représentants des États-Unis qui soutiennent le mouvement BDS, Ilhan Omar et Rashida Tlaib, qui a de la famille en Cisjordanie, ont annoncé qu’elles avaient l’intention de se rendre en Palestine.
Les responsables israéliens ont indiqué qu’ils leur accorderont à toutes deux le droit d’entrer, craignant apparemment d’attirer davantage l’attention sur les restrictions draconiennes à l’entrée imposées par Israël, qui couvrent également les territoires occupés.
Israël se montre probablement trop prudent. Le mouvement BDS, qui seul plaide pour l’imposition de pénalités à Israël jusqu’à ce qu’il cesse de brutaliser les Palestiniens, se voit matraqué par les gouvernements occidentaux.
Aux États-Unis et en Europe, les vives critiques à l’égard d’Israël, même de la part des Juifs – sans parler de l’exigence d’actions concrètes – sont amalgamées à de l’antisémitisme. Une grande partie de cette fureur semble destinée à faire taire plus facilement les critiques d’Israël.
Plus d’une vingtaine d’états, ainsi que le sénat, ont adopté des lois – rédigées par des groupes de pression pro Israël – pour restreindre le droit des citoyens de soutenir les boycotts d’Israël.
La France et l’Allemagne ont aussi adopté une législation anti BDS.
Et la semaine dernière la Chambre des Représentants états-unienne a fait de même, en adoptant à une majorité écrasante une résolution condamnant le mouvement BDS. Seuls 17 députés ont voté contre.
Ce fut une gifle pour Mme Omar, qui fait campagne pour un projet de loi visant à protéger les droits du premier amendement des partisans du boycott.
Il semble absurde que ces restrictions de la liberté d’expression apparaissent au moment où Israël indique clairement qu’il ne veut nullement de la paix, qu’il n’acceptera jamais un état palestinien, et qu’il renforce un système d’apartheid permanent dans les territoires occupés.
Mais rien d’étonnant à cela. Ces mesures répressives sont une preuve supplémentaire que le soutien occidental à Israël repose effectivement sur des valeurs communes, à savoir celles qui considèrent les Palestiniens comme des êtres inférieurs, dont les droits peuvent être bafoués à volonté.
Auteur : Jonathan Cook
30 juillet 2019 – The Palestine Chronicle – Traduction: Chronique de Palestine – MJB