Les enseignements de Lénine nous permettent de comprendre certaines caractéristiques fondamentales du projet sioniste de colonisation, en particulier le fait qu’Israël a été fondé et continue d’exister sur la base de la violation de l’autodétermination palestinienne.
Vladimir Ilitch Lénine (1870-1924) était un marxiste, un révolutionnaire et un théoricien hors pair. Outre son immense rôle historique dans la révolution russe, Lénine est l’un des plus grands penseurs du XXe siècle.
Ses théories fondamentales sont inestimables pour comprendre le monde d’aujourd’hui ; en particulier, les écrits de Lénine sur le droit des nations à l’autodétermination constituent un outil indispensable pour analyser la question de la Palestine d’un point de vue marxiste.
Un aperçu théorique
Lénine était un fervent défenseur de l’autodétermination de toutes les nations opprimées. Ses enseignements sur le sujet, souvent sous la forme de thèses et de controverses, sont l’occasion d’une brillante analyse qui peut être extraite et réappliquée à la Palestine contemporaine.
Comme dans l’ensemble de sa pensée, Lénine a été immensément influencé par les écrits de Marx et d’Engels sur les questions nationales de leur époque. Il a développé leurs positions pour mieux les adapter à l’ère de l’impérialisme, c’est-à-dire au stade le plus élevé du capitalisme, dans lequel le monde était entré dans les années 1890.
Au milieu des années 1910, Lénine plaide résolument en faveur d’une « alliance anti-impérialiste entre la classe ouvrière des pays avancés et les mouvements de libération nationale dans les colonies » et ne manqua pas de souligner que « la division des nations en oppresseurs et opprimés [est] un fait fondamental, le plus important et le plus incontournable ».
Il n’a pas avancé d’arguments moraux en soutenant le droit à la libération des nations opprimées (ce qui ne veut pas dire qu’il ne se souciait pas de la souffrance des nations opprimées), mais il a exposé ses positions d’une manière rationnelle, scientifique et pragmatique, en soulignant l’importance de lier les mouvements révolutionnaires démocratiques dans les nations opprimées aux mouvements socialistes dans les pays oppresseurs :
« Nous devons combiner la lutte révolutionnaire contre le capitalisme avec un programme et une tactique révolutionnaires sur toutes les revendications démocratiques : une république, une armée du peuple, l’élection populaire des fonctionnaires, l’égalité des droits pour les femmes, l’autodétermination des nations, etc. »
Colonisation sioniste et libération nationale palestinienne
Il est très regrettable que Lénine n’ait pas vécu assez longtemps pour voir le développement de la théorie anticoloniale (qui a été grandement influencée par ses travaux) et de concepts tels que le colonialisme de peuplement, qui sont aujourd’hui essentiels pour comprendre la nature du sionisme et d’Israël.
Malgré cela, des éléments cruciaux de la pensée de Lénine sur l’autodétermination s’appliquent toujours à une analyse contemporaine de la Palestine.
Les enseignements de Lénine nous permettent de comprendre certaines caractéristiques fondamentales du projet sioniste de colonisation, en particulier le fait qu’Israël a été fondé et continue d’exister sur la base de la violation de l’autodétermination palestinienne.
Après des décennies de colonisation et de développement militaire constants, les colons sionistes ont annexé 78 % de la Palestine historique en 1948, puis, en 1967, se sont emparés de l’ensemble de la région et du plateau du Golan syrien.
Pour Lénine, les socialistes doivent avant tout s’opposer aux annexions « parce que l’annexion viole l’autodétermination des nations ou, en d’autres termes, est une forme d’oppression nationale ». Comme l’a précisé Lénine, l’annexion « est l’établissement de frontières étatiques contraires à la volonté de la population ».
Dans le cas d’Israël, sa fondation est le fruit du nettoyage ethnique de la Palestine et de l’établissement d’un nouvel État de colons contre la volonté de la population palestinienne autochtone.
L’existence d’Israël repose entièrement sur la négation du droit à l’autodétermination d’une nation, le peuple arabe palestinien. Ce fait est crucial pour comprendre pourquoi Israël et le sionisme doivent être envoyés résolument dans les poubelles de l’histoire.
L’œuvre de Lénine fournit également de nombreuses leçons pour les socialistes en dehors de la Palestine, en particulier ceux qui résident dans les pays impérialistes.
Être solidaire avec les opprimés :
« Les socialistes doivent non seulement exiger la libération inconditionnelle et immédiate des colonies sans compensation – et cette exigence, dans son expression politique, ne signifie ni plus ni moins que la reconnaissance du droit à l’autodétermination – mais aussi apporter un soutien déterminé aux éléments les plus révolutionnaires des mouvements démocratiques bourgeois de libération nationale dans ces pays et appuyer leur rébellion – et, le cas échéant, leur guerre révolutionnaire – contre les puissances impérialistes qui les oppriment. »
En appliquant cela à la Palestine, les socialistes du monde entier doivent exiger la libération inconditionnelle de la Palestine de l’oppression coloniale sioniste tout en soutenant simultanément les mouvements révolutionnaires de libération nationale en Palestine, et non les organisations réformistes qui cherchent à collaborer avec Israël.
Cela impliquerait également un soutien particulier aux organisations socialistes telles que le Front populaire de libération de la Palestine, en plus de l’expression de la solidarité en faveur de la résistance palestinienne au sens large.
Lénine a également proclamé que « le socialiste d’une nation dominante ou colonisatrice qui ne défend pas [le droit des nations à l’autodétermination] est un chauvin ».
Il convient également d’ajouter que le droit au retour de toutes les familles chassées de leur patrie doit faire partie de la libération nationale palestinienne. Dans le cas contraire, l’ensemble de la nation arabe palestinienne ne se verrait toujours pas garantir son droit à l’autodétermination.
Lénine fait en outre la distinction entre une guerre impérialiste, « lorsque les deux belligérants non seulement oppriment des ‘peuples étrangers’, mais mènent une guerre pour décider qui aura la plus grande part dans l’oppression des peuples étrangers », et les mouvements de libération nationale des opprimés et des colonisés.
Il a soutenu avec détermination les « guerres justes » et « défensives » des opprimés qui luttent pour leur libération, dans notre cas, la résistance palestinienne.
Simultanément, il a fort justement renoncé à la « défense de la patrie » dans une guerre impérialiste, comme la guerre actuelle en Ukraine, qui est en fin de compte un conflit entre deux blocs impérialistes (la Russie et l’OTAN).
En revanche, la lutte des Palestiniens contre Israël (et ses protecteurs impérialistes) est anti-impérialiste.
En définitive, pour Lénine, la lutte pour l’autodétermination fait partie de la bataille progressiste pour la démocratie politique. En débattant de la nécessité de tels mouvements révolutionnaires nationaux, il a déclaré qu’il est nécessaire de formuler et de mettre en avant toutes les revendications [démocratiques] ; non pas de manière réformiste, mais de manière révolutionnaire ; non pas en restant dans le cadre de la légalité bourgeoise, mais en le brisant ; non pas en se limitant à des discours parlementaires et à des protestations verbales, mais en entraînant les masses dans une action réelle, en élargissant et en suscitant la lutte pour chaque type de revendication démocratique fondamentale, jusqu’à l’assaut direct du prolétariat contre la bourgeoisie, c’est-à-dire jusqu’à la révolution socialiste ».
Cette phrase est toujours aussi pertinente aujourd’hui – notamment en ce qui concerne la question de la Palestine – qu’elle l’était lorsque Lénine l’a écrite en 1916.
Auteur : Mike Veronda Hazou
* Mike Veronda Hazou est un historien et écrivain américain d'origine palestinienne.
17 juillet 2023 – The Palestine Chronicle – Traduction : Chronique de Palestine