Par Robert Inlakesh
Les récentes arrestations ont choqué les habitants de Naplouse, qui sont descendus dans la rue pour protester contre la décision de l’AP de s’en prendre à la résistance palestinienne.
De violents affrontements entre des manifestants palestiniens et les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne (AP), ce lundi, ont entraîné la mort d’un homme de 53 ans et ont marqué un tournant dans les relations entre l’AP et les organisations de la résistance nouvellement formées en Cisjordanie occupée.
Lundi soir, le « service de sécurité préventive » de l’AP a arrêté deux combattants de la résistance palestinienne recherchés par « Israël », Musab Shtayyeh et Ameed Tabila, dans la ville de Naplouse.
Musab Shtayyeh, le plus connu des deux, avait échappé à de multiples campagnes d’arrestations israéliennes depuis juin de l’année dernière. Musab Shtayyeh avait également réussi à échapper à une tentative d’assassinat israélienne le 24 juillet, qui a fait trois morts parmi les résistants palestiniens, après qu’ « Israël » eut pris d’assaut la ville de Naplouse avec des centaines de militaires, dont des unités des forces spéciales.
Les arrestations ont choqué les habitants de Naplouse, qui sont descendus dans la rue pour protester contre la décision de l’AP de s’en prendre à la résistance palestinienne.
À Naplouse et à Jénine, les deux villes où les groupes armés palestiniens se sont montrés les plus actifs, les combattants armés sont descendus dans la rue pour faire des annonces condamnant les actions de l’AP.
Bien que les forces de résistance de Naplouse aient clairement indiqué que leurs armes ne visaient personne d’autre que l’occupant israélien, elles ont souligné que leur patience ne devait pas être mise à l’épreuve.
Il n’a pas fallu longtemps pour que des jeunes descendent dans la rue pour brûler des pneus dans le centre de Naplouse et crient des slogans en soutien à Shtayyeh et Tabila, ce à quoi les forces de police de l’AP ont répondu par des tirs et des gaz lacrymogènes.
Les combattants de la résistance palestinienne ont de leur côté riposté aux forces de l’AP et il a été annoncé plus tard qu’un civil de 53 ans avait été tué par balles, le meurtre étant imputé à l’Autorité palestinienne.
Les images en provenance de Cisjordanie sont frappantes : des jeunes gens lancent des pierres sur des véhicules militaires, tandis que les forces entraînées par l’Occident tirent des gaz lacrymogènes et des balles réelles, sauf que cette fois, la force militaire n’est pas israélienne, mais palestinienne.
Pour ajouter l’insulte à l’injure, il est apparu que l’AP a pris la décision de mener sa campagne d’arrestation en réponse d’une demande formulée par le régime d’occupation israélien. Hussein al-Sheikh, le secrétaire général du comité exécutif de l’AP, semble être à l’origine de l’ordre donné pour procéder aux arrestations.
À l’heure actuelle, l’AP s’est mise dans son mode défensif habituel, où elle tente de justifier ses actions et tente de convaincre les Palestiniens que sa « coordination de la sécurité » avec l’ocupant, sont dans le meilleur intérêt du peuple palestinien, ce que les Palestiniens ne comprennent pas.
Toutes les explications et excuses du monde ne parviendront pas à couvrir ce qui s’est passé ce lundi. Tout comme l’année dernière, lorsque les forces de sécurité de l’AP ont brutalement battu à mort le militant très estimé Nizar Banat, après l’avoir fait sortir de chez lui devant sa famille.
Selon Amnesty International, il est clair à l’heure actuelle que l’AP n’a pas veillé à ce que les responsables de l’assassinat de Nizar Banat rendent des comptes. Il n’est donc pas surprenant que les forces de l’AP soient sur une pente glissante allant vers le chaos.
Tout comme les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN n’ont pas réussi à adapter leur mentalité à l’époque actuelle, il en va de même pour les dirigeants de l’Autorité palestinienne. Nous devons reconnaître que nous assistons maintenant à une ère où l’expression d’une nouvelle génération palestinienne se fait sentir, et des organisations de la résistance armée se lèvent, une résistance armée composée – principalement – de jeunes âgés de 18 à 25 ans.
Lorsque nous analysons ce que cela signifie, nous constatons que les résistants d’aujourd’hui en Cisjordanie n’étaient que de jeunes enfants lorsque la deuxième Intifada a eu lieu.
Les combattants d’aujourd’hui à Jénine et Naplouse s’inscrivent dans une tendance qui a commencé à émerger au début et au milieu des années 80, lorsque les cadres du Jihad islamique palestinien (JIP) s’organisaient avec des moyens modestes pour lutter contre l’occupation.
La résistance palestinienne en Cisjordanie est au-delà de ce qu’elle a pu éprouver lorsqu’elle a été écrasée lors de la brutale « opération bouclier défensif » d’ « Israël » en 2002, elle n’a pas peur et croit en la victoire.
Cependant, le plus gros problème auquel la résistance est confrontée aujourd’hui a commencé en 2002, après l’opération « Bouclier défensif », à savoir le démantèlement et la réforme par la CIA des forces de police de l’Autorité palestinienne.
Personne n’aime en parler, mais c’est la vérité et on ne peut la contester : à l’instigation des Israéliens, des Européens et des Américains, les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne ont été transformées en une force d’intervention « antiterroriste » formée et équipée par les Occidentaux et les Jordaniens, conçue pour faire le gros du sale travail pour le compte de l’armée d’occupation israélienne.
Depuis la fin de la deuxième Intifada, en 2007, nous n’avons pas assisté à une lutte armée aussi énergique que celle que nous observons aujourd’hui en Cisjordanie, et les forces de l’AP ont donc été capables de remplir leur fonction, avec peu ou pas de contrecoup.
Cependant, les accords d’Oslo se sont écoulés depuis trop longtemps et la rhétorique de l’entité sioniste est revenue à celle qu’elle tenait dans les années 1970, concernant l’autonomie palestinienne.
Les Palestiniens ne voient pas d’espoir de changement et l’AP ne fait aucun progrès vers la réalisation d’une forme quelconque d’État palestinien.
La bourgeoisie palestinienne de Ramallah est heureuse de vivre dans son monde imaginaire et l’AP a maintenant absorbé l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Il n’y a pas eu d’élections nationales depuis 2006 et la non-économie de la Cisjordanie, entièrement contrôlée par l’entité sioniste et le régime jordanien, ne fait qu’empirer la situation des plus pauvres de la société.
L’AP commence maintenant à faire face à son pire cauchemar, l’ultimatum que nous savions tous qu’il allait arriver à un moment ou à un autre : ils peuvent tourner leurs armes contre l’entité sioniste, ou ils peuvent tourner leurs armes contre la résistance palestinienne et faire face à la fin de leur pouvoir tel que nous le connaissons.
Il n’est plus question de rester au milieu, de tenter de plaire à l’Occident en collaborant avec les forces d’occupation israéliennes dans le cadre de la « coordination de la sécurité » et de jouer le jeu consistant à condamner les atrocités sionistes, tout en suppliant à genoux pour la paix.
Le prochain chapitre sera violent, maintenant c’est à ceux qui sont à la tête du parti Fatah de décider où l’AP se dirige et de quel côté de la violence ils seront.
Auteur : Robert Inlakesh
* Robert Inlakesh est un analyste politique, journaliste et réalisateur de documentaires actuellement basé à Londres, au Royaume-Uni. Il a rapporté et vécu dans les territoires palestiniens occupés et travaille actuellement avec Quds News et Press TV. Il est le réalisateur de Steal of the Century: Trump's Palestine-Israel Catastrophe. Suivez-le sur Twitter.
23 septembre 2022 – Al-Mayadeen – Traduction : Chronique de Palestine
Quand l’AP ne défendait pas le peuple c’était déjà abject, mais là elle collabore ouvertement. Hélas pour elle, il n’y a pas que des factions dites “islamiques” (Hamas/Jihad Islamique) mais aussi des jeunes membres du Fatah. Pour un parti “au pouvoir depuis 15 ans” en Cisjordanie cela va faire tache de tuer ses propres citoyens. Il est temps pour les Palestiniens de renverser leurs dirigeants et d’entrer dans la 3e Intifada. La solidarité internationale répondra présente ! (Pas celles des Etats bien sûr.)