Par Haidar Eid
Quand nous, la société civile palestinienne, avons publié notre appel BDS en 2005, nous comptions sur les gens de conscience plutôt que sur les gouvernements et les entreprises complices.
La plupart d’entre nous avons fait valoir que nous devions avant tout nous adresser aux gens ordinaires qui achètent des produits dans les supermarchés, aux artistes, aux personnalités culturelles, aux universitaires, aux sportifs etc… Nous avions en fait notre propre définition de la « communauté internationale », par opposition à celle des leaderships traditionnels, qu’ils soient de droite ou de gauche.
Notre « communauté internationale » se composait de la société civile, des églises, des fonds de pension, des municipalités, des clubs, des groupes de musique, des universités … etc.
En vertu du droit international, nous avons voulu isoler le régime israélien d’oppression, ainsi que les entreprises et les institutions qui sont impliquées dans son déni des droits des Palestiniens. Nous avons alors dit très clairement que nous voulions que le mouvement soit fédérateur et ancré dans la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Sur cette base, nous avons été confrontés à des questions sur ce qui serait considéré comme de la normalisation ou pas ! Suite à quoi nous avons élaboré sur les critères anti-normalisation ensuite adoptés dans un quasi-consensus des plus grandes entités de la société civile palestinienne depuis novembre 2007, lors de la première conférence nationale BDS.
Nous avons précisément appelé au « boycott des événements et des activités qui dépeignent l’oppression coloniale, par nature anormale, comme normale. » Nous avons fait valoir que ce genre d’activités contribuent à blanchir les crimes – de l’occupation, de l’apartheid, et du colonialisme – d’Israël contre le peuple palestinien.
Inspiré par le modèle anti-apartheid sud-africain, nous sommes allés plus loin et avons publié ce qui est devenu les lignes directrices de boycott pour guider les personnes qui ont répondu à notre appel partout dans le monde, et pour dénoncer 14 années de mascarade « d’industrie de la paix » et sa culture de normalisation.
Ce type de projets avait dans une certaine mesure donné une fausse impression de symétrie ou parité entre l’oppresseur, Israël dans ce cas, et les opprimés, les Palestiniens. Quatorze années de prétendues « négociations » entre les deux parties avaient obscurci la ligne séparant les colonisateurs et les colonisés, et revenait à considérer es deux protagonistes également responsables du « conflit ! »
Ainsi, le système israélien à plusieurs niveaux d’oppression, à savoir l’occupation, la colonisation et l’apartheid, avait été réduit à un « conflit ! » Ceci, pour la société civile palestinienne, est « intellectuellement malhonnête et moralement répréhensible », et tout projet qui les encourage « doit être boycotté ».
Le mouvement BDS est cependant non dogmatique : il a clairement fait savoir qu’il se félicitait de la coopération avec les Israéliens qui reconnaissent nos droits fondamentaux en vertu du droit international, y compris le droit au retour. Il revendique également une lutte commune – une « co-résistance » contre l’oppression par Israël de tout le peuple de Palestine, que ce soit dans les territoires occupés en 1967, dans la diaspora, ou parmi les citoyens de 3ème classe de l’État d’Israël [Palestine de 1948].
* Haiddar Eid est écrivain et professeur de littérature postcoloniale à l’université Al-Aqsa à Gaza, après avoir enseigné dans plusieurs universités à l’étranger. Vétéran dans le mouvement des droits nationaux palestiniens, c’est un commentateur politique indépendant, auteur de nombreux articles sur la situation en Palestine. Son compte Twitter.
19 juillet 2016 – The Palestine Chronicle