Par Jonathan Cook
Depuis plus d’un an, ceux qui appellent à la fin du massacre des civils de Gaza par Israël sont inlassablement vilipendés : on les traite d’apologistes du Hamas, d’antisémites, on les accuse d’incitation au génocide contre Israël et le peuple juif au sens large.
Ces calomnies sont répandues par les politiciens et les médias occidentaux qui insistent sur le fait qu’Israël mène une guerre légitime, « défensive », avec des objectifs limités : soi-disant éradiquer le Hamas et libérer quelques douzaines de prisonniers israéliens encore retenus.
Le tableau d’ensemble est occulté. Israël a rasé les infrastructures nécessaires à la vie à Gaza, bombardé les Palestiniens partout où ils se sont réfugiés, massacré des dizaines de milliers de civils – ou plus probablement des centaines de milliers – et affamé activement la majeure partie de la population en refusant de laisser passer l’aide humanitaire.
Et, ce qu’on ne dit pas, c’est qu’Israël n’a toujours pas réussi à vraiment affaiblir la capacité de combat du Hamas, tout en mettant en danger la vie des prisonniers avec ses campagnes de bombardements aveugles.
Enfin, au bout de quatorze mois, la Cour pénale internationale (CPI) a porté un grand coup au tissu de mensonges et de propagande d’Israël, ainsi qu’à la complicité des élites occidentales.
Le mois dernier, les juges du tribunal chargé de juger les crimes de guerre ont approuvé la délivrance de mandats d’arrêt à l’encontre du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, et de son ancien ministre de la défense, Yoav Gallant.
Après six mois d’attente, la CPI a accepté, malgré la campagne d’intimidation sans précédent dont elle était victime, d’inculper les deux hommes à La Haye pour crimes contre l’humanité, dont l’assassinat volontaire de civils et l’utilisation de la famine comme méthode de guerre.
Si l’un ou l’autre d’entre eux foulait le sol de l’un des 124 États membres – y compris la Grande-Bretagne et l’ensemble de l’Europe – cet État serait tenu de les arrêter et de les transférer à La Haye.
Les accusations portées contre Netanyahu et Gallant devraient également consolider les arguments avancés par la Cour internationale de justice (CIJ), cour sœur de la CPI, selon lesquels les actions d’Israël à Gaza répondent à la définition juridique du génocide.
Ce qui est clair, c’est que les murs se referment sur Israël, comme sur ceux qui ont aidé et encouragé ses crimes. Ce qui inclut les institutions politiques et médiatiques occidentales.
Choc frontal
Il s’agit d’un moment historique – et donc dangereux – pour la Cour et pour l’ordre juridique international.
Les juges ont enfin trouvé le courage de s’attaquer à un allié de Washington – en fait, son État client favori – plutôt que de continuer à pointer du doigt les crimes des dictateurs africains ou des ennemis officiels de l’Occident.
Le fait que la Cour ait décidé d’agir montre à quel point les crimes d’Israël sont graves et indiscutables et à quel point sa propre crédibilité serait en jeu si elle continuait à les ignorer.
La Cour est coincée.
Refuser d’inculper Netanyahu et Gallant reviendrait à donner sa bénédiction au démantèlement, progressif, des règles de la guerre par Israël.
Cela donnerait raison à ceux qui disent que la CPI n’est qu’une arme de plus – une arme juridique – utilisée par les États-Unis et l’OTAN contre des États qu’ils n’aiment pas.
Et cela permettrait à d’autres États de citer l’exemption d’Israël comme alibi pour commettre leurs propres crimes contre l’humanité. La CPI signerait ainsi son propre arrêt de mort.
D’autre part, en agissant contre Israël – et donc contre Washington et ses valets européens – la Cour rentre en collision avec l’Occident.
Elle met en danger l’ordre juridique international qu’elle est censée défendre, un ordre élaboré immédiatement après la Seconde Guerre mondiale pour prévenir les crimes contre l’humanité qui ont culminé avec l’Holocauste et les bombardements atomiques américains sur les villes japonaises.
C’est exactement l’objectif de Netanyahu, comme l’a rapporté la semaine dernière le journal israélien Haaretz : « Netanyahu a l’intention de transformer le mandat d’arrêt de la CPI à son encontre en une motion de censure mondiale contre le droit international et ses institutions ».
Il est probable que Washington préfèrera faire s’écrouler tout l’édifice plutôt que de créer un précédent dans lequel il accepterait de sacrifier son État client hautement militarisé et stratégiquement situé dans le Moyen-Orient riche en pétrole.
Il ne faut pas s’attendre à une forte réaction de l’Europe, même dans les capitales où règnent les centristes et pas les nationalistes.
L’hypocrisie de l’Union européenne, soi-disant attachée à l’État de droit et aux principes humanitaires, mais qui, dans la pratique, est entièrement soumise militairement, économiquement et idéologiquement au complexe impérial de Washington, ne tardera pas à être démasquée.
Ils ne s’intéressent à l’« humanitaire » que lorsque cela sert l’agenda géostratégique de Washington ou le leur – comme en Ukraine, un pays qu’ils utilisent comme champ de bataille pour mener une guerre par procuration contre la Russie.
Les accusations d’antisémitisme
Compte tenu des preuves des crimes perpétrés par Israël au cours des 13 derniers mois – l’assassinat de centaines de milliers de civils, selon les estimations les plus fiables, et le blocage total de l’aide humanitaire – ainsi que des déclarations des dirigeants israéliens sur leur intention de rendre Gaza inhabitable, il est difficile de concevoir comment la Cour pourrait ne pas déclarer Netanyahu ou Gallant coupables, s’ils étaient jugés.
Ou du moins, il est difficile de croire que des considérations politiques n’influencent pas les préoccupations des juges. Après tout, même un ancien chef de l’armée israélienne, Moshe Yaalon, a admis le week-end dernier qu’il était clair qu’Israël ne se défendait pas à Gaza, mais qu’il procédait à un « nettoyage ethnique » – pour reprendre ses termes – de l’enclave.
C’est pourquoi une campagne pour détourner l’attention tout en salissant le tribunal a immédiatement commencé. Netanyahu a accusé le tribunal d’être « antisémite », comme il le fait à l’égard de tous ceux qui tentent de lui demander, à lui ou à l’armée israélienne, de rendre des comptes sur leurs violations flagrantes des règles de la guerre.
Netanyahu a affirmé qu’Israël n’affamait pas la population de Gaza, alors même que les chiffres publiés par l’ONU ont montré que pratiquement aucune nourriture n’avait été livrée au cours des 40 jours précédents dans une grande partie de l’enclave. Les Nations unies ont prévenu que les habitants de la région étaient confrontés à des « conditions de survie de plus en plus difficiles ».
Mais selon Netanyahu, les preuves que nous avons sous les yeux ne sont rien d’autre qu’un complot visant à noircir son nom, et donc celui d’Israël.
Une fois de plus, Netanyahu, relayé par ses soutiens, a imposé un faux choix binaire qui ne peut qu’alimenter l’antisémitisme. Il nous dit : soit vous soutenez le génocide d’Israël à Gaza, soit vous faites preuve d’antisémitisme.
Les Palestiniens, les militants de la solidarité et les organisations de défense des droits de l’homme y sont habitués. Mais aujourd’hui, même les juges de la Cour pénale internationale sont taxés d’antisémitisme. C’est le meilleur moyen de rendre l’antisémitisme respectable !
Les pires criminels
À leur manière, les dirigeants occidentaux participent à la banalisation de l’antisémitisme par Netanyahu – et par extension, à celle des crimes contre l’humanité et des génocides.
Plutôt que de défendre fermement la Cour et l’État de droit, ils s’accrochent désespérément à la narrative habituelle : Israël est la partie lésée, et pas du tout les dizaines de milliers d’enfants palestiniens tués et mutilés par ses bombes, ni les plus de deux millions de civils qui meurent de faim à cause du blocus de l’aide.
Comme toujours, la Grande-Bretagne et les États-Unis sont les pires.
Le président Joe Biden a contesté les motivations de la Cour, qualifiant de « scandaleuse » la décision d’appliquer le droit international à l’État client de Washington. Un porte-parole de la Maison Blanche a parlé d’une « décision erronée » de la Cour, sans pouvoir préciser en quoi elle était erronée.
Les États-Unis et Israël ont refusé de ratifier le Statut de Rome qui a fondé la CPI pour une seule raison : ils se considèrent comme exemptés des dispositions du droit international.
En d’autres termes, le droit international est considéré uniquement comme un moyen de promouvoir leurs intérêts, et non comme le cadre dans lequel doit s’inscrire leurs opérations militaires. Les actes d’accusation de la CPI à l’encontre de Netanyahu et de Gallant ont bouleversé le principe d’un « ordre international fondé sur des règles » dans lequel Washington est le seul à fixer les règles.
La semaine dernière, le Washington Post a affirmé que la Cour n’avait pas à demander des comptes aux « dirigeants élus d’un pays démocratique » pour les crimes contre l’humanité qu’ils sont accusés d’avoir commis.
Mais même si nous acceptons cet argument fallacieux – les dictateurs sont-ils les seuls à commettre des crimes de guerre ? – Israël n’est en aucun cas un pays démocratique. C’est un État d’apartheid et de colonisation, comme les groupes de défense des droits de l’homme – y compris israéliens – le dénoncent depuis des années.
Son génocide n’est que l’aboutissement d’un processus à somme nulle qui dure depuis des décennies et par lequel Israël cherche à éradiquer les revendications nationales du peuple palestinien sur sa terre natale.
L’expulsion, la ségrégation ou l’extermination des populations autochtones sont inscrites dans l’ADN des États colonisateurs, comme les États-Unis devraient bien le savoir de par leur propre histoire.
La droite américaine appelle à invoquer la « loi sur l’invasion de La Haye » de 2002, si Netanyahu ou Gallant venaient à être jugés. Cette loi permet à Washington d’utiliser la force militaire contre la Cour si celle-ci accuse le personnel américain de crimes de guerre.
En attendant, à Washington, dans les deux partis, on appelle de plus en plus à relancer les sanctions contre les hauts fonctionnaires de la CPI – une forme d’intimidation qui vise à subvertir les procédures régulières et qui est elle-même susceptible de constituer un crime international.
En 2020, Donald Trump a imposé des sanctions draconiennes à la CPI après que celle-ci a annoncé qu’elle enquêtait sur les États-Unis et Israël pour des crimes de guerre commis respectivement en Afghanistan et dans les territoires palestiniens occupés.
Biden a renoncé à ces sanctions quelques mois plus tard, peu après son entrée en fonction, mais seulement en échange de la « dépriorisation » par la CPI de son enquête sur les crimes commis par les États-Unis en Afghanistan.
Dans quelques semaines, Trump sera dans le bureau ovale. La CPI sait qu’elle risque d’être confrontée une fois de plus à son courroux.
Le double standard systématique
D’ores et déjà, les États européens se bousculent pour rester du bon côté de Washington quitte à violer les principes du Statut de Rome.
La France, après avoir indiqué dans un premier temps qu’elle appliquerait le mandat d’arrêt à l’encontre de Netanyahu, a retourné sa veste la semaine dernière et juré que le premier ministre israélien bénéficiait d’une « immunité » contre toute arrestation.
Paris a fait écho à la Maison Blanche en justifiant sa décision par l’argument, totalement discrédité, selon lequel Israël n’est pas signataire de la CPI. Comme cela a été souligné à maintes reprises, la Cour s’est déclarée compétente pour les territoires palestiniens, où Israël commet ses crimes.
La Grande-Bretagne n’est pas encore allée jusqu’à défier ouvertement la Cour dans sa réponse aux mandats d’arrêt. Elle s’est contentée de quelques vagues paroles de soutien.
Keir Starmer, le premier ministre britannique, et son ministre des affaires étrangères, David Lammy, tous deux avocats, ont gardé un silence prudent pendant que Netanyahu et Biden s’attaquaient à la réputation de la Cour et au statut du droit international.
Yvette Cooper, la ministre de l’intérieur qui devrait approuver un mandat d’arrêt si Netanyahu ou Gallant arrivait au Royaume-Uni, a rejeté toute responsabilité, prétendant tout à coup ne rien comprendre aux principes les plus élémentaires du droit britannique – ni au rôle qu’elle est supposée jouer.
« Cela ne rentre pas dans mes attributions », a-t-elle déclaré aux chaînes de télévision en choisissant bien ses mots.
Pendant ce temps, un porte-parole du gouvernement s’est contenté de dire que la Grande-Bretagne « se conformerait à ses obligations légales », laissant planer le doute sur la manière dont elle pourrait interpréter ces obligations si elle devait les remplir un jour.
D’ailleurs, Herzi Halevi, le chef de l’armée israélienne, qui figure en bonne place sur la liste des responsables israéliens susceptibles d’être inculpés par la CPI, s’est rendu au Royaume-Uni la semaine dernière pour y rencontrer plusieurs de ses homologues d’autres pays.
Il est presque certain que le gouvernement de Starmer lui avait préalablement délivré une immunité de « mission spéciale », étant donné le risque qu’un mandat d’arrêt puisse être délivré à bref délai au cours de sa visite.
On voit se répéter le même deux poids deux mesures.
Peu avant que la CPI n’annonce ses mandats d’arrêt contre Netanyahu et Gallan, dans un discours prononcé à l’ONU, Lammy a condamné la Russie en des termes clairs et sans équivoque pour avoir opposé son veto à une résolution du Conseil de sécurité proposée par le Royaume-Uni en vue de protéger les civils au Soudan.
Lammy s’inquiète du fait que la guerre civile qui sévit au Soudan a provoqué, selon ses termes, des crimes de guerre tels que « le meurtre, le viol et la famine » dont ont été victimes des personnes ordinaires.
On se demande donc pourquoi Lammy n’est pas tout autant préoccupé par le fait qu’Israël « tue, viole et affame » les civils palestiniens à Gaza. Tous ces crimes ont été documentés avec des détails horribles au cours de l’année écoulée et sont au cœur du dossier de la CPI contre Netanyahu et Gallant.
De même, pourquoi Lammy n’a-t-il pas protesté – comme il l’a fait pour la Russie – lorsque l’administration Biden a opposé son veto, il y a deux semaines, à une résolution du Conseil de sécurité en faveur d’un cessez-le-feu à Gaza pour mettre un terme au massacre des civils palestiniens et garantir la libération des otages israéliens ?
Une affirmation stupéfiante
Le gouvernement britannique n’est pas seulement hypocrite. Lammy et Starmer ont dû feindre d’ignorer complètement des aspects les plus fondamentaux du droit international pour nier qu’Israël se livre à un génocide à Gaza.
Le mois dernier, Lammy a affirmé qu’Israël n’avait pas tué suffisamment de Palestiniens à Gaza pour que ses actions puissent être qualifiées de génocide.
Cette affirmation était doublement mensongère.
Lammy sait que le nombre de morts à Gaza est obligatoirement sous-estimé. Les systèmes de santé et de gouvernance de l’enclave, complètement désorganisés après plus d’un an de bombardements, ne sont pas en mesure d’enregistrer tous les décès, a supposer même qu’on réussisse à sortir les corps des décombres et à les identifier.
Mais surtout, aucun juriste ou juge sérieux ne pense qu’un génocide se détermine à partir d’une quantité ou d’une formule mathématique. La Convention sur le génocide énumère spécifiquement des formes de génocide – telles que le transfert forcé d’enfants d’un groupe à un autre – qui peuvent ne pas entraîner de pertes de vies humaines.
Et comme l’a fait remarquer à plusieurs reprises le rapporteur spécial des Nations unies, Francesca Albanese, l’objectif de la convention sur le génocide est de reconnaître le génocide au stade le plus précoce possible afin d’éviter les massacres. Et, dans le cas présent, de dissuader Israël d’étendre le génocide de Gaza à la Cisjordanie et à Jérusalem-Est.
Comme elle le fait remarquer : « Le génocide est un processus, pas un acte… Aucun Palestinien n’est en sécurité sous la domination israélienne ».
La Convention sur le génocide n’est pas là, comme le laisse entendre Lammy, pour servir simplement de guide pour évaluer rétrospectivement si un génocide a eu lieu lorsqu’on n’a pas réussi à l’empêcher.
C’est cette stupéfiante manipulation du droit par Lammy qui a conduit Albanese à le qualifier de « négateur de génocide ».
On pourrait dire la même chose de Starmer.
Ce mois-ci, il a déclaré à la Chambre des communes que, grâce à son travail antérieur en tant qu’avocat spécialisé dans les droits de l’homme, il était certain qu’Israël ne commettait pas de génocide à Gaza.
Sauf que, si les preuves de sa vie professionnelle antérieure prouvent quoi que ce soit, c’est à quel point la vérité lui importe peu lorsqu’il s’agit de la destruction de la bande de Gaza.
Pas de courage, ni de conviction
Pendant des mois, les médias de l’Establishment ont pris soin d’éviter de montrer les vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux, où l’on voit Starmer expliquant, avant le début du massacre d’Israël à Gaza, en quoi consiste un génocide.
Dans l’une de ces vidéos, datant de 2014, on le voir dénoncer devant la Cour internationale de justice, la cour sœur de la CPI, ce qu’il qualifie de politiques génocidaires de la Serbie lors du siège de la ville croate de Vukovar en 1991, à la suite de l’éclatement de la Yougoslavie.
Starmer expliquait alors : « Les forces serbes ont mené une campagne soutenue de bombardements, d’expulsions systématiques, de privation de nourriture, d’eau, d’électricité, d’installations sanitaires et de traitements médicaux, de bombardements, d’incendies, de meurtres brutaux et de tortures, qui ont réduit la ville [de Vukovar] à l’état de ruines et détruit sa population croate ».
Il précisait qu’il qualifiait ces actes de génocide plutôt que de conflit armé parce que les actions serbes constituaient une « attaque radicalement disproportionnée délibérément destinée à dévaster la ville et sa population civile ».
Comme Starmer le sait bien, les crimes commis par Israël à Gaza sont bien pires – et bien plus nombreux – que tout ce qu’a subi Vukovar. De plus, contrairement à Vukovar, dans le cas d’Israël, ses dirigeants n’ont pas hésité à exprimer clairement leurs intentions génocidaires à l’égard de Gaza.
Dès lors, comment, selon la définition de Starmer, le massacre d’Israël à Gaza peut-il ne pas être considéré comme un génocide ?
De même, en juillet 2020, peu après son accession à la tête du parti travailliste, Starmer a diffusé une vidéo à l’occasion de la journée commémorative de Srebrenica, qui marque l’anniversaire des événements de 1995 au cours desquels 8000 hommes et garçons musulmans de Bosnie ont été tués et enterrés dans des fosses communes par les forces serbes.
Il est frappant de constater que Starmer a qualifié ces morts de génocide, un génocide qui « ne doit jamais être oublié ».
Si Starmer était si sûr que le massacre de Srebrenica constituait un génocide – un petit front dans une guerre beaucoup plus vaste – comment le massacre d’Israël à Gaza, à une échelle incomparablement plus grande, ne pourrait-il pas également être qualifié de génocide ?
Starmer a ajouté qu’il incombait à l’Occident « d’utiliser l’agonie et la colère que suscitent des crimes comme celui de Srebrenica pour nous aider à trouver le courage et la conviction de nous lever et de dire “plus jamais ça” ».
Il n’est pas nécessaire de rappeler que, trois ans plus tard, Starmer n’a pas trouvé, et ne trouve toujours pas le courage ni la conviction de s’opposer à Israël ou aux États-Unis et de dire « plus jamais ça » alors que le génocide de Gaza se poursuit.
La complicité est claire et nette
Les paroles de Starmer et Lammy doivent être considérées pour ce qu’elles sont : une tentative de subvertir les règles de la guerre, conformément aux souhaits d’Israël et de Washington.
Par leur négation répétée du génocide, les deux hommes ont cherché à saper le statut de la Cour internationale de justice et de son large panel de juges, tous d’éminents juristes de droit international.
La Cour a statué il y a dix mois qu’il était « plausible » qu’Israël commette un génocide à Gaza. La situation dans l’enclave est aujourd’hui bien pire.
Starmer et Lammy ont traité la CIJ avec mépris. Et par leurs dérobades et leur politique de « deux poids, deux mesures », ils sont en train d’affaiblir la position de la CPI.
Le prédécesseur de Starmer, Jeremy Corbyn, a laissé entendre que le gouvernement britannique n’osait pas qualifier le massacre de Gaza de génocide car cela « reviendrait à admettre sa propre complicité dans l’un des plus grands crimes de notre temps ».
Corbyn a en partie raison. Il ne fait aucun doute que le retard pris par la CPI dans la délivrance des mandats d’arrêt reflète son inquiétude en ce qui concerne les répercussions du processus qu’elle a lancé.
Il sera difficile de limiter les accusations à Netanyahu et Gallant, ou même à d’autres Israéliens, surtout lorsque les dirigeants occidentaux, y compris Biden, Starmer et Lammy, méritent clairement d’être sur le banc des accusés avec eux.
La Grande-Bretagne est intimement complice du génocide israélien depuis le tout début.
Elle vend des armes et des composants essentiels au fonctionnement des avions de chasse F-35 qui bombardent Gaza et tuent un grand nombre de civils.
Elle a également fourni des armes à Israël depuis sa base aérienne de Chypre : le plus grand nombre de livraisons d’armes à Israël a été effectué par l’intermédiaire de la RAF.
Et depuis cette même base aérienne, des avions de surveillance britanniques survolent secrètement Gaza plusieurs fois par jour pour fournir des renseignements à Israël – des renseignements qui ont très probablement été utilisés pour cibler et détruire les infrastructures, et ainsi rendre l’enclave inhabitable.
Et pour couronner le tout, Starmer et son gouvernement ont justifié les crimes de guerre d’Israël en les qualifiant de « légitime défense » et en devançant le jugement de la CIJ sur la question de savoir si Israël est coupable de crimes de guerre génocidaires.
Cela va bien au-delà du déni de génocide et relève de la collusion et de la participation actives.
Le triomphe des pires menteurs
Mais il ne s’agit pas seulement d’échapper aux conséquences de leurs actes. Le nombre d’experts qui dénoncent le génocide à Gaza augmente de jour en jour. Même des spécialistes israéliens de l’Holocauste ont ajouté leur voix.
L’un d’entre eux, Omer Bartov, estime non seulement qu’un génocide est en cours à Gaza, mais qu’il est en train d’atteindre son « stade final ».
Starmer pourrait facilement faire marche arrière et profiter de la décision de la CPI pour déclarer qu’Israël a franchi un seuil et que le Royaume-Uni doit cesser de participer à l’éradication de Gaza.
Il a décidé de ne pas suivre cette voie. Il a décidé d’aider Israël à commettre son génocide jusqu’au bout.
En refusant de déclarer clairement que le Royaume-Uni soutient fermement le droit international, à un moment où Israël et les États-Unis sont déterminés à le démolir brique par brique, Starmer commet un acte encore plus grave. Il se rend complice du démantèlement de l’État de droit et des institutions qui le soutiennent, comme la CPI.
Il n’y a que deux leçons possibles à retirer de cette affaire.
Soit la Grande-Bretagne n’a jamais vraiment soutenu le droit international. En signant le Statut de Rome et en rejoignant la CPI, elle est toujours partie du principe que la Cour était là pour punir les autres et qu’elle n’oserait jamais s’attaquer aux membres du club autoproclamé des « démocraties occidentales ».
Ou la Grande-Bretagne, comme le reste de l’Europe, n’est pas vraiment un État indépendant et souverain, mais l’avant-poste, le protectorat, d’un centre impérial qui dicte, depuis Washington, notre politique étrangère. L’opposition ne peut être envisagée parce qu’elle ne sera pas tolérée.
Ou bien les deux.
Quoi qu’il en soit, la vérité est qu’on ne peut plus considérer la Grande Bretagne comme une démocratie libérale. Lorsque les gardiens de l’ordre libéral, de l’État de droit et de l’humanitarisme se révèlent être des charlatans – comme c’est le cas de Starmer et de Biden – les forces des ténèbres s’empressent de combler le vide.
Lorsque tout est mensonge, les plus grands menteurs triomphent. L’avenir est sombre.
Auteur : Jonathan Cook
4 décembre 2024 – Middle-East-Eye – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet
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