Par Adnan Abu Amer
L’intention du gouvernement israélien de mettre en œuvre des changements dans la législation a fait grimper en flèche la polarisation israélienne, incitant les services de sécurité à relever au maximum le niveau de protection du Premier ministre Benjamin Netanyahu, de la présidente de la Cour suprême Esther Hayut et du ministre de la Justice Yariv Levin.
De plus, un appel téléphonique important a eu lieu entre le chef du service de sécurité du Shin Bet, Ronen Bar, et le commissaire de police, Kobe Shabtai, après l’atmosphère récemment lourde sur les médias sociaux après les menaces de mort proférées à l’encontre de certains officiels.
Ces mesures ont été prises après que le gouvernement a reçu diverses déclarations et menaces pour avoir encouragé ce que l’opposition appelle un coup d’État légal. L’ambiance israélienne qui domine, la crainte de tensions internes croissantes et le ciblage de personnalités publiques ont incité les services de sécurité à prendre certaines mesures pour empêcher la situation de déraper vers des niveaux dangereux et ils ont évalué la situation sécuritaire plus qu’à l’habitude.
Cela coïncide avec l’enquête de police sur le général Zaev Raz, qui a qualifié Netanyahu de « fils de la mort » et a demandé qu’il soit tué parce qu’il mène le pays vers un état de dictature.
Le parti du Likoud a considéré que cette incitation au meurtre était d’un niveau de folie sans précédent. En outre, la police enquête sur l’avocat David Hudak, apreès que celui-ci a annoncé qu’il serait prêt à se battre si les changements juridiques conduisaient à un régime dictatorial dans le pays, et qu’il s’y opposerait de toutes ses forces, quoi qu’il arrive, mettant en garde contre le déclenchement d’une guerre civile.
Le professeur d’université, Avishalom Elitzur, a déclaré qu’ « un Premier ministre qui abolit la démocratie sera remplacé par quelqu’un de non démocratique », et Ron Huldai, maire de Tel Aviv, a déclaré que « les pays dictatoriaux redeviennent démocratiques en passant par un bain de sang ».
Les accusations en va-et-vient entre les cercles politiques et partisans donnent beaucoup d’importance à ces développements, et contribuent à empoisonner l’atmosphère, ce qui pourrait conduire au meurtre de certains individus en fin de compte. Et aujourd’hui, plus d’un quart de siècle après le premier assassinat politique israélien d’Yitzhak Rabin en 1995, les désaccords et les divergences affichées pourraient provoquer un nouveau coup de tonnerre qui pourrait se terminer par un assassinat.
Entre-temps, les manifestations hebdomadaires du samedi coïncident avec une crainte croissante de voir les conditions internes se détériorer très rapidement, ce qui pourrait conduire à un assassinat politique, ce qui représenterait un tournant et une crise redoutable pour Israël.
Les estimations israéliennes de la possibilité d’un nouvel assassinat politique ont augmenté mais, cette fois, cela pourrait être le fait de militants d’ultra-gauche et non par la droite comme ce fut le cas lors de l’assassinat de Rabin par l’activiste d’extrême-droit, Yigal Amir.
Compte tenu de l’atmosphère tendue en Israël, il est possible de considérer la possibilité d’un assassinat politique commis par des membres de l’aile gauche, en notant que nous parlons de l’assassinat d’un homme politique juif par un autre juif.
Les craintes israéliennes d’un éventuel assassinat politique de l’un des ministres du gouvernement d’ultra-droite, ou même de son numéro un, rappellent l’incident où un militant du Likoud a remis à la femme de l’ancien Premier ministre Naftali Bennett une enveloppe contenant une balle et un morceau de papier sur lequel on pouvait lire : « Cette balle touchera votre ventre flasque si vous ne démissionnez pas ».
Cet activiste n’a jamais été attrapé ni poursuivi en justice.
Au même moment, le fils du Premier ministre, Yair Netanyahou, a posté une incitation au meurtre contre les hauts responsables de la police et du ministère public impliqués dans le procès de son père, les décrivant comme des traîtres et affirmant que tout le monde sait quelle est la punition pour la trahison, et que ce n’est pas l’emprisonnement…
Étrangement, le fils de Netanyahu est très populaire et compte des centaines de milliers d’abonnés sur les médias sociaux, de sorte que ses propos ont eu un très large écho.
En conclusion, on craint de plus en plus qu’en ce moment même, un militant israélien, qu’il appartienne à la gauche ou à la droite, soit tranquillement assis chez lui et se prépare à utiliser son arme dans un nouvel assassinat politique contre un responsable israélien, de quelque bord qu’il soit, ce qui constitue un risque politique non calculé, quelle que soit l’importance de ce risque.
Et, alors qu’Israël est confronté aux dangers d’un assassinat politique, à l’escalade des protestations qui le précèdent et aux manifestations chaque samedi soir, Netanyahu et ses ministres sont indifférents à tout cela, et avancent à marche forcée pour mettre en œuvre un coup d’État violent.
Cela incite les dirigeants de l’opposition à exiger de passer à une protestation plus large, de plus grande envergure et plus forte, affirmant qu’il est impossible de continuer à utiliser une méthode de protestation aussi réservée.
L’opposition estime qu’elle doit étendre les manifestations à un plus grand nombre de villes afin d’augmenter leur impact, ce qui, à son tour, appelle à l’activation de mouvements radicaux qui paralysent efficacement l’État.
L’opposition israélienne se rend compte que Netanyahu est un expert dans l’art de gagner du temps et de tromper ses rivaux et partenaires politiques, et qu’elle ne doit donc pas tomber dans son piège.
Les opposants soulignent que Netanyahu est coupable en raison de la grave situation de « conflit d’intérêts » dans laquelle il se trouve, des défaillances du système judiciaire et du fait qu’il est à l’origine de changements juridiques qui visent à lui permettre d’échapper à la justice.
En fin de compte, tout ceci est un coup d’État contre l’État.
Le gouvernement d’ultra-droite met en œuvre son programme en exerçant la tyrannie de la majorité, en portant atteinte aux droits civils, en rompant l’équilibre entre les autorités et les minorités et en ouvrant la voie à un État fondé sur une totale suprématie juive, ce qui entraînerait des conséquences désastreuses.
Le gouvernement poursuit ses procédures légales pour provoquer un coup d’État, en affaiblissant la Cour suprême, et en conduisant le pays vers la crise sociale et politique la plus grave depuis sa création, c’est-à-dire à une dictature qui n’est pas moins dangereuse qu’une autre.
Il est donc nécessaire pour l’opposition de mettre un terme aux actions de ce gouvernement maléfique et extrémiste qui cherche à faire un coup d’État de truands. Sinon, il se pourrait bien qu’il y ait un Israélien quelque part qui, à un moment donné, fera un saut dans le passé et fera un assassinat politique sérieux, sur le modèle de celui dont avait été victime Rabin !
Auteur : Adnan Abu Amer
* Adnan Abu Amer dirige le département des sciences politiques et des médias de l'université Umma Open Education à Gaza, où il donne des cours sur l'histoire de la Cause palestinienne, la sécurité nationale et lsraël.Il est titulaire d'un doctorat en histoire politique de l'université de Damas et a publié plusieurs ouvrages sur l'histoire contemporaine de la Cause palestinienne et du conflit israélo-arabe. Il travaille également comme chercheur et traducteur pour des centres de recherche arabes et occidentaux et écrit régulièrement pour des journaux et magazines arabes. Son compte Facebook.
23 février 2023 – Middle East Monitor – Traduction : Chronique de Palestine