Par Daniel Vanhove
L’étape d’une annexion supplémentaire par le binôme Netanyahu/Gantz d’environ 30% de la Cisjordanie occupée n’a rien d’une surprise. Elle n’est qu’une confirmation officielle de l’annexion entamée depuis 1947 lors du vol de terres palestiniennes pour l’établissement d’un pseudo État israélien – en réalité le projet colonial sioniste – sous la bénédiction des pays dominant alors la planète.
Sauf rarissime exception, les gesticulations actuelles de quelques élus ici-et-là à travers le monde pour faire croire à leur ferme opposition à ce plan d’annexion ne sert qu’à masquer le peu de volonté politique et de probité qui les anime, sinon leur indifférence pour le dossier palestinien dont ils se sont détournés depuis longtemps.
S’il restait à ces derniers un peu de dignité ou le moindre sens de l’honneur, ils se tairaient. Dans les faits et sur le terrain, tout le monde a pu constater que la Cisjordanie est annexée depuis des dizaines d’années par le régime colonial sioniste et aucun de ceux-là n’a jamais rien pris comme décision effective pour contraindre le régime de Tel-Aviv de renoncer à ses projets. Pire, certains se sont surpassés pour tenter de briser le soutien des populations dans les campagnes BDS à l’encontre de l’idéologie sioniste.
Dans le cas d’Israël, ni sanction, ni embargo, ni arrêt de financement quelconques. Que du contraire. Sans parler des USA dont on sait qu’il sont le pilier central de la colonie israélienne, tant les pays européens que certains pays arabes n’ont de cesse de flatter les divers gouvernements israéliens qui se sont succédé au fil du temps.
Faut-il rappeler que l’UE est le premier partenaire commercial du régime israélien (!), quand elle se vante d’être exemplaire en matière de politique extérieure soi-disant guidée par les “Droits de l’Homme”?! Pourtant, les rapports officiels de l’ONU dénoncent depuis des lustres les injustices flagrantes et les crimes odieux que se permettent les gouvernements sionistes. Au point d’en arriver au constat que ‘l’État juif’ est “de facto” un État d’apartheid ! Sans parler de l’impunité de ces gouvernements qui n’ont respecté aucune des Résolutions onusiennes, sans que cela n’inquiète ceux qui aujourd’hui, font semblant de s’émouvoir que cette annexion “de fait” devienne officielle. Quelle honte ! Et que de mensonges !
Il y a quelques années, après plusieurs voyages dans la région, je dénonçais déjà cette hypocrisie de la caste politico-médiatique à la manœuvre. Et annonçais que seule la lutte armée de la résistance palestinienne viendrait à bout de ce régime assassin que certains dénoncent sur papier mais soutiennent dans les faits :
« De l’abus de faux prétextes pour camoufler les calculs…
(…) En septembre 1995, Yasser Arafat et Itzhak Rabin signèrent sur la pelouse de la Maison Blanche sous l’œil ému de Bill Clinton, et devant les caméras du monde entier, les Accords sur l’extension de l’autonomie par découpage des zones A, B et C dans les Territoires palestiniens occupés. Ce sont les Accords d’Oslo 2, incluant « quelques années de transition » pour la création de l’État palestinien à l’horizon 1999. On connaît les suites. Durant cette période, Israël a plus que doublé ses colonies, alors que les Accords en prévoyaient le gel avant leur démantèlement pour la plupart ! Et 1999 arriva, sans qu’aucune lueur d’espoir ne permette aux Palestiniens de voir se dessiner les bribes de leur État pourtant promis sous l’égide des puissances internationales…
Lorsque Yasser Arafat démocratiquement élu Président de la Palestine dirigeait son peuple, et que face aux multiples promesses bafouées et trahies par Israël la jeunesse palestinienne excédée finit par réagir à la visite provocatrice d’Ariel Sharon sur l’Esplanade des Mosquées, le gouvernement israélien – qui trouvait en cela écho à Washington – confronté au début d’une 2è Intifada, déclara de manière unilatérale, qu’il n’avait pas d’interlocuteur avec lequel dialoguer en la personne d’un « terroriste »… Aucune avancée n’a été réalisée en faveur d’une paix juste et de l’avènement d’un État palestinien. Bien au contraire. Le recul fut évident. Lorsque, après le sanglant mois d’avril 2002 et sa meurtrière opération “Remparts de Protection” décrétée par l’état-major israélien, le Quartette (USA, UE, Russie et ONU) adopta sa Feuille de route, les plus naïfs crurent encore à l’engagement de la Communauté internationale pour imposer aux belligérants une solution partagée. On connaît les suites de cette Feuille, rebaptisée depuis, « de déroute »…
Lorsque Mahmoud Abbas, l’un des architectes des Accords d’Oslo (dont les textes ne mentionnent jamais le mot « occupation »), et reconnu jusqu’en Israël pour être un modéré du Fatah, succéda à Y. Arafat – dont l’empoisonnement à Paris n’est pas à exclure – les commentaires étaient unanimes pour décréter que les choses allaient bouger puisque le gouvernement israélien pouvait enfin entamer le dialogue tant attendu pour l’instauration d’une paix durable et la reconnaissance des deux États. Là encore, des mots, de belles phrases, de pompeuses déclarations sans que rien ne change hormis la poursuite meurtrière de la politique israélienne.
Lorsque Ariel Sharon ordonna pendant l’été 2005 le retrait unilatéral de la Bande de Gaza des quelques colonies qui s’y étaient indûment implantées, les médias occidentaux qui nous inondaient quotidiennement de leurs images déchirantes des pauvres colons que l’armée du pays arrachait à leurs verdoyantes propriétés, multipliaient dans le même temps les dithyrambes pour annoncer qu’un jour nouveau s’était levé dans la région et que, vraiment cette fois, les espoirs de paix n’avaient jamais été aussi proches – oubliant soigneusement d’expliquer que nombre de ces colons s’étaient déjà implantés à l’époque, sur les hauteurs du Sinaï égyptien, avant d’en être délogés de la même émouvante manière contre de confortables dédommagements financiers; et avant de toucher la mise une seconde fois en quittant Gaza et d’aller pour la plupart s’installer en Cisjordanie, dans l’espoir de toucher le pactole à une troisième reprise, en cas d’accord de paix avec les Palestiniens qui obtiendraient sans doute alors, le démantèlement de nombreuses colonies. Là aussi, derrière les apparences, tout est bien économique !
Les déclarations des plus hauts élus politiques ne tarissaient pas d’éloges, se concurrençaient dans la surenchère panégyrique à l’égard du 1er Ministre israélien. Le rusé général – aux mains baignées de sang – était même promu par G. W. Bush, « homme de paix »… Bref, comme toujours dans la bouche de ces démagogues, n’importe quoi ! Et bien sûr, sans le moindre résultat quant à un État palestinien repoussé cette fois par l’administration américaine pour l’horizon 2010. Le contrôle de Gaza s’effectue dorénavant à moindre coûts pour Israël qui peut intervenir en toute impunité depuis l’extérieur plutôt qu’à l’intérieur de cette Bande de terre laminée. Avec cet atout supplémentaire, que débarrassée des colonies, cette zone peut désormais être la cible de destructions massives, à l’aide de n’importe quel type d’armement, sans crainte d’indisposer les colons et leur famille. Ce qui, à terme, constitue une menace redoutable pour les Gazaouis. Hier occupée, la Bande de Gaza est aujourd’hui assiégée. Voilà la dramatique différence !
Peu après, lorsque Ehud Olmert prit la place d’Ariel Sharon – tombé dans un coma approprié – dans la fonction de 1er Ministre et à la tête du parti Kadima, la presse une fois encore, annonça les lueurs d’espoir que suscitait une nouvelle génération dans la conduite des affaires. Chacun peut voir ce qu’il en est…
Lorsque début 2006, pressé par la Communauté internationale qui voulait en terminer avec les pratiques douteuses de la vieille équipe Fatah et préconisait la tenue d’élections démocratiques, le Hamas fut porté au pouvoir par les urnes, sous strict contrôle international, le gouvernement israélien toujours en parfaite synchronisation avec celui des USA – et malheureusement avec la diplomatie européenne – put reprendre sa rengaine d’absence de partenaire avec lequel dialoguer… et en profita pour étrangler un peu plus, une population déjà épuisée.
Plus récemment, même la proposition de 2002 du prince saoudien Abdallalh, devenu roi depuis, reprise en grandes pompes cinq ans plus tard, début 2007 à Riyad, d’une normalisation des relations de tous les pays arabes avec Israël à la condition du retrait de l’armée et des colons sur la ligne de ’67 et en gros, à l’application des Résolutions de l’ONU, n’y a rien fait.
Résultat : non seulement un État Palestinien viable est au point mort, mais les futures frontières de celui-ci sont de plus en plus éparses et étriquées… Les seules choses qui avancent, sans frein, son toujours les mêmes : l’occupation et ses conséquences effroyables pour les familles palestiniennes ; la colonisation endémique par vols quotidiens d’hectares de terres ; la paupérisation croissante d’une population que l’occupant n’hésite même plus à affamer dans l’indifférence générale de nos exemplaires « démocraties » ; et le Mur de l’apartheid…
Aujourd’hui, sous les pressions insupportables qui s’accumulent sur des populations exténuées par tant d’années de résistance, la politique du pire semble prévaloir. La Palestine, à l’image de l’ensemble de la région, se déchire. Les puissances étrangères, sous l’impulsion américaine en intense activité dans ces pays, ont bien compris que la meilleure manière de faire plier la résistance à leurs plans sordides est la division des forces. L’adage Diviser pour régner est mis en application avec un zèle des plus efficace. Et si le Président Arafat, malgré certaines tensions et plusieurs erreurs, avait toujours pu éviter le piège d’une division de la société palestinienne, son successeur Mahmoud Abbas n’a pas le même charisme. Lui qui, lors d’une rare rencontre en début de mandat avec Ehud Olmert s’est accroché au cou de ce dernier en l’embrassant (!), a de plus en plus de mal à maintenir l’unité de la résistance. Si l’on hésitait encore sur sa promptitude à confondre compromis et compromission… nous voilà renseignés sur la question.
Comme en Irak où l’intervention américano-britannique a jeté le pays dans un conflit fratricide, la Palestine est sur le point de suivre la même voie, particulièrement dans la Bande de Gaza. Au bord du gouffre, elle se déchire, se désunit, s’oppose dans des combats entre clans, avec des conséquences désastreuses dont personne ne mesure encore la tragique portée. Et ni l’Afghanistan, ni l’Irak, ni le Liban ne sont en reste… Ici le Hamas s’oppose au Fatah, là les Sunnites s’entre-tuent avec les Chiites, quand les Libanais se déchirent entre leurs différentes communautés. Sans parler du problème kurde – plus de 25 millions d’habitants ! – en attente, avant d’exploser tel un pétard mouillé, à la face de ceux qui tenteront d’intervenir dans une situation qu’ils auront préalablement alimentée et entretenue…
Les seuls bénéficiaires de ces situations sont toujours les mêmes : les puissances étrangères. Trop contentes de voir que la partition des pays qu’elles veulent contrôler se réalise par les résistants eux-mêmes. Ces chaos qu’elles s’empressent de dénoncer, leur conviennent bien. En coulisse, tirant les ficelles, elles se frottent les mains. Jouant sans la moindre retenue, et abusant même de ces dramatiques circonstances pour déclarer comme M. Solana « … qu’il faut d’abord que les Palestiniens résolvent leurs problèmes internes avant de pouvoir avancer sur le chemin de la paix ! » Tout est bon, sert d’excuse honteuse pour justifier l’inaction, l’hypocrisie d’une veule diplomatie dont la lâcheté et le cynisme rampants sont à leur comble… »
[Daniel Vanhove – La Démocratie Mensonge – 2008 – Ed. M. Pietteur – Extraits]
Ainsi, rien de ce que les Palestiniens auront consenti comme efforts et sacrifices n’a jamais été accepté par les autorités israéliennes. Par ces refus systématiques, l’objectif du projet sioniste se situe autre part. Pour ceux qui en doutaient encore, la chose est désormais évidente. Et, tout ce que l’on a vu jusqu’à présent comme crimes d’État devra dès lors faire l’objet de poursuites au niveau international. Les enquêtes sont nombreuses et les preuves accablantes. Il faudra un Tribunal du type de Nuremberg où les responsables de ces politiques mortifères devront être présentés devant leurs juges. Et condamnés à des peines incompressibles.
En attendant, et comme je l’ai écrit à plusieurs reprises, le projet sioniste poursuivra ses exactions sans que les autres États du monde ne prennent la moindre mesure pour en renverser le cours. L’annexion passera simplement d’une situation de fait à une normalisation qui permettra à ce régime d’apartheid d’étendre encore ses frontières. Ce ne sera qu’une étape supplémentaire dans la conquête sioniste. L’archipel palestinien se réduira d’autant. Et après quelques semaines de turbulences les choses rentreront dans l’indifférence habituelle puis l’oubli, la période estivale tombant à point nommé.
L’étape suivante sera sans doute la tentative d’édification du nouveau Temple en lieu et place de la mosquée al-Aqsa fragilisée par d’incessants travaux de fouilles sous prétextes ‘archéologiques’, dans une Jérusalem déjà unifiée et dont, comme pour le reste, les mêmes qui aujourd’hui s’opposent à l’annexion par pétitions médiatisées, n’ont jamais levé le petit doigt dans les faits. Et lors des prochaines élections aux USA, pas plus une nouvelle administration démocrate que l’actuelle républicaine ne changeront quoi que ce soit à l’inconditionnel soutien US aux criminels sionistes.
Le monde tourne ainsi. Seule la loi du plus fort prévaut. Tout le reste n’est qu’un immense bluff, une pathétique comédie, une imposture magistrale. Mais, avec les outils de communication actuels, malgré quantité d’intox, de plus en plus de citoyens l’ont compris. Aucun de nos responsables politiques n’est à la hauteur morale d’une Justice digne de ce nom. Leur plan de carrière est leur seule boussole.
Le peuple palestinien – pas ses actuels représentants ! – et leurs soutiens effectifs à l’international l’ont également compris et se moquent désormais des discours des uns et des autres, y compris ceux d’associations et de militants qui prônent encore une solution à deux Etats, signe qu’ils n’ont pas intégré les changements de paradigmes en cours. Aussi, l’Axe de la Résistance a pris son temps pour fourbir et accumuler des armes de plus en plus précises et sophistiquées. Le moment de la confrontation et de la reconquête approche.
Si de lourds nuages assombrissent le ciel de la région, la Palestine historique retrouvera bientôt ses frontières d’antan et la colonie israélienne n’aura été qu’un épisode tragique mais éphémère dans le déroulement de l’Histoire. Dont la seule vérité qui devrait animer toute âme noble doit être : sans vraie justice, pas de paix !
1e juillet 2020 – Transmis par l’auteur.