Par Faris Giacaman, Yumna Patel, Mariam Barghouti
2022 a dissipé les dernières illusions selon lesquelles la collaboration des Palestiniens avec Israël était durable et que le sionisme puisse être autre chose qu’un mouvement en guerre perpétuelle contre le peuple palestinien.
2022 a été un moment de vérité.
L’année a mis à nu la réalité politique en Palestine, du fleuve à la mer, dissipant toutes les illusions que nous pouvions avoir sur la nature du « conflit x, comme l’ont nommé avec désinvolture les grands médias. Deux de ces illusions peuvent être écartées immédiatement : pour les Palestiniens, que le collaborationnisme de l’Autorité palestinienne peut être maintenu indéfiniment, et pour l’État israélien, que le sionisme est autre chose qu’un projet colonial de peuplement qui doit constamment être en guerre avec le peuple palestinien.
Deux développements principaux ont rendu ces vérités claires et dépourvues d’ambiguïté.
En Cisjordanie, ce fut le retour de la résistance armée organisée pour la première fois depuis la deuxième Intifada, concentrée dans les villes de Naplouse et de Jénine, et accompagnée d’une série tout aussi formidable d’attaques de « loups solitaires » contre des cibles militaires et des colons israéliens, menaçant gravement la stabilité de l’appareil répressif israélien.
L’État israélien a réagi en lançant une vaste campagne militaire en Cisjordanie, destinée à briser la résistance palestinienne. L’armée israélienne l’a appelée « Opération Briser la vague ».
En Israël, ce fut la montée de la droite fasciste et l’émergence d’Itamar Ben-Gvir et de Bezalel Smotrich comme nouveaux faiseurs de rois de la politique israélienne, montrant au monde le vrai visage du sionisme.
La montée en puissance du parti du « Pouvoir juif » et du parti du sionisme religieux a clairement montré que l’État israélien sera toujours en guerre contre le peuple palestinien tant que celui-ci résistera à la colonisation de ses terres.
Les événements de cette année n’ont fait que valider ces vérités. L’intensification des attaques des colons contre les Palestiniens tout au long de l’année, les mesures judiciaires israéliennes approuvant la confiscation coloniale des terres palestiniennes, le nettoyage ethnique de communautés telles que celles de Masafer Yatta, le lancement de l’opération « Briser la vague » et le siège israélien des communautés et des villes qui abritent les nouveaux groupes de résistance, et surtout, le cri de défi d’une nouvelle génération qui a finalement osé prendre les armes, à un moment où une direction timorée préférait baisser la tête.
Dès le premier mois de l’assaut militaire israélien, il était clair que l’armée israélienne ne visait pas seulement les groupes armés de Naplouse et Jénine, mais lançait un assaut contre l’ensemble de la société palestinienne.
Lors de chaque raid dans les villes et villages palestiniens, l’armée israélienne a relancé sa politique vieille de plusieurs décennies de liquidation et d’exécutions sommaires – des instruments nécessaires au rétablissement de la dissuasion israélienne. Les combattants et les non-combattants palestiniens sont tombés sous les balles des escadrons de la mort israéliens lors de leurs invasions nocturnes, rappelant les bains de sang de l’opération « Bouclier défensif » en 2002.
L’objectif général de cette offensive contre les vies palestiniennes était clair : augmenter le coût de la résistance dans l’espoir que les Palestiniens en abandonnent l’idée même devant le nombre croissant de tués.
Pourtant, tout ce que cela semble avoir fait, c’est renforcer la détermination des Palestiniens à refuser la dégradation constante de leurs vies. Si 2022 nous apprend quelque chose, c’est que les Palestiniens n’accepteront jamais la simple survie sous le colonialisme.
De nouveaux groupes de défense des droits reconnaissent l’apartheid israélien
L’année a commencé par une nouvelle reconnaissance de l’apartheid israélien, avec un rapport d’Amnesty International accusant Israël du crime d’apartheid, affirmant que « c’est un crime contre l’humanité, et il faut y mettre fin. »
Ce rapport de 280 pages, publié un an après des rapports similaires de Human Rights Watch et de B’Tselem, a suscité une vive réaction de la part d’Israël et de ses partisans, qui ont accusé le rapport d’être antisémite.
D’un autre côté, il a été largement salué par les organisations et les individus qui soutiennent le mouvement pour la liberté et la justice palestiniennes, et a été salué comme un autre pas dans la bonne direction vers la reconnaissance de la réalité à laquelle sont confrontés les Palestiniens vivant sous le contrôle israélien.
Contrairement aux précédents rapports internationaux et israéliens, le rapport d’Amnesty prend en compte les millions de réfugiés palestiniens vivant en exil, auxquels Israël refuse le droit de retourner dans leur pays d’origine.
Le rapport n’a cependant pas été à la hauteur à certains égards, notamment en ne reconnaissant pas le droit collectif du peuple palestinien à l’autodétermination et le rôle du colonialisme sioniste comme moteur de l’apartheid israélien.
Ces manquements ont été rattrapés plus tard dans l’année par une coalition de groupes palestiniens de défense des droits de l’homme qui ont publié un rapport historique intitulé « Apartheid israélien : Outil du colonialisme de peuplement sioniste ».
Ce rapport, publié par le groupe palestinien de défense des droits de l’homme Al-Haq, vise, selon ses auteurs, à recadrer la conversation sur l’apartheid israélien afin de centrer les récits palestiniens sur leur propre dépossession et déplacement, de reconnaître le droit collectif du peuple palestinien à l’autodétermination et de donner la priorité à la décolonisation plutôt qu’aux approches d’ « égalité libérale » pour mettre fin à l’apartheid.
La communauté internationale ne réagit pas à la criminalisation par Israël de la société civile palestinienne
Un autre aspect moins mis en avant dans l’assaut israélien contre la société palestinienne a été son attaque délibérée contre la société civile – plus précisément, les six organisations palestiniennes de défense des droits de l’homme qu’Israël avait précédemment tenté de criminaliser en les désignant comme des « organisations terroristes ».
Ces six organisations, Al-Haq, le Bisan Center for Research and Development, l’Addameer Prisoner Support and Human Rights Association, Defense for Children International – Palestine, l’Union of Agricultural Work Committees et l’Union of Palestinian Women’s Committees, avaient été la cible de la campagne de diffamation d’Israël des années auparavant.
Malgré les attaques d’Israël, en juin dernier, l’Union européenne a rejeté la désignation de ces organisations comme « terroristes », invoquant un manque de preuves. Cette décision est intervenue alors qu’Israël avait déjà expulsé le directeur de Human Rights Watch de la région en 2019.
Deux mois après le rejet par l’UE de la campagne de dénigrement du gouvernement israélien, l’armée israélienne a fait une descente dans les bureaux de ces organisations, en plus du bureau d’une septième organisation – l’Union des comités de travail pour la santé (UHWC) – et a soudé les portes de leurs bureaux, laissant un ordre militaire interdisant la poursuite de leurs activités.
La tentative de fermeture de ces organisations s’est déroulée dans le cadre d’une véritable offensive militaire à travers la Cisjordanie, ce qui a limité les capacités des employés et des travailleurs à effectuer leur mission alors qu’ils s’attaquaient aux accusations non fondées portées contre eux.
Un autre développement dangereux s’est étendu au-delà de la société civile et a visé les résidents palestiniens de Jérusalem, illustré par l’expansion du pouvoir judiciaire de la cour israélienne pour chasser davantage les Palestiniens de Jérusalem.
Cette pratique a été illustrée cette année par l’expulsion de Salah Hammouri, un Palestinien né à Jérusalem, possédant la nationalité française et une carte d’identité de Jérusalem. Son statut de résident a été révoqué en vertu de la loi israélienne discriminatoire sur la « rupture d’allégeance », qui exige la loyauté d’un peuple colonisé envers l’État qui le colonise.
Les habitants de Masafer Yatta perdent une bataille juridique de 20 ans
Après une bataille juridique qui a duré plus de 20 ans devant les tribunaux israéliens, les habitants palestiniens de Masafer Yatta, ou des collines du sud d’Hébron, ont vu leur destin tranché par la Haute Cour israélienne en mai.
La Cour a jugé que les Palestiniens, qui sont près de 1300, résidaient « illégalement » sur des terres déclarées zone de tir militaire israélienne dans les années 1990, alors que les habitants affirment qu’ils y vivaient depuis des décennies.
La décision du tribunal a ouvert la voie à la démolition par l’armée israélienne de centaines de maisons à Masafer Yatta et à l’expulsion forcée des habitants de leurs terres, ce qui équivaudrait à un transfert forcé, un crime de guerre au regard du droit international.
Un peu moins de 900 structures sont sous la menace imminente d’une démolition dans la « zone de tir ». Ces structures comprennent des maisons, des enclos pour le bétail, des toilettes publiques, des citernes d’eau, des mosquées et des écoles.
Malgré le tollé international suscité par cette décision, l’armée israélienne a depuis démoli des dizaines de structures, dont une école à Masafer Yatta, tandis que les habitants ont été soumis à une violence accrue des colons à l’encontre de leurs communautés.
L’assassinat de Shireen Abu Akleh et l’incapacité des États-Unis à obtenir justice
Au deuxième mois depuis la déclaration officielle du lancement de l’opération « Briser la vague », la campagne militaire à grande échelle menée par Israël pour éradiquer les groupes de résistance palestiniens armés, l’éminente journaliste américano-palestinienne Shireen Abu Akleh a été assassinée par l’armée israélienne alors qu’elle portait son gilet de presse et couvrait une invasion israélienne du camp de réfugiés de Jénine.
Les porte-parole militaires israéliens ont tenté de rejeter la faute sur les Palestiniens armés qui, à ce moment-là, faisaient face à l’invasion israélienne, et un porte-parole a déclaré qu’Abu Akleh et ses collègues journalistes étaient « armés de caméras ».
Face à l’absence d’enquête sur ce meurtre, des investigations indépendantes menées par divers organismes et agences de presse montrent que la balle qui a tué la journaliste respectée provenait de l’armée israélienne.
Près de six mois plus tard, aucune responsabilité n’a été établie pour la mort d’Abu Akleh, bien que l’armée israélienne ait admis avoir probablement tué la journaliste « par accident ». Du côté américain, l’administration Biden s’est opposée à une poursuite en justice déposée par Al-Jazeera pour Shireen auprès de la Cour pénale internationale (CPI).
La mort de ِAbu Akleh a également mis en lumière le ciblage intentionnel des journalistes palestiniens.
En 2008, le caméraman de Reuters, Fadel Shana, âgé de 23 ans, a été tué dans l’exercice de ses fonctions en même temps que huit autres personnes, dont la plupart avaient moins de 16 ans.
En 2014, une autre journaliste, Simone Camilli, âgée de 35 ans, était en reportage pour l’Associated Press lorsqu’elle a également été tuée alors qu’elle portait son gilet PRESS à Gaza.
Rien qu’au cours des deux dernières décennies, 25 journalistes ont été tués en Palestine.
La mort d’Abu Akleh a également été précédée par l’agression brutale de sa collègue Guevara Budeiri, l’année dernière à Sheikh Jarrah, alors qu’elle couvrait la violence des colons. Le correspondant de CNN, Ben Wedmann, ainsi que le photojournaliste de l’AP, Mahmoud Alian, ont également été agressés.
Aucun membre de la police israélienne n’a jamais été tenu pour responsable. Au lieu de cela, Itamar Ben-Gvir, le colon qui avait érigé un « bureau » à Sheikh Jarrah l’année dernière et qui a explicitement soutenu le meurtre de Palestiniens, a fini par devenir un ministre de premier plan qui contrôle les forces armées israéliennes.
Biden visite la Cisjordanie occupée, sert des platitudes et des recettes économiques
À la mi-juillet, le président américain Joe Biden a entamé une tournée au Moyen-Orient, notamment en Israël et dans le territoire palestinien occupé. Au cours de sa tournée de deux jours, il a visité des hôpitaux à Jérusalem-Est occupée et tenu une conférence de presse avec le président palestinien Mahmoud Abbas dans la ville de Bethléem, en Cisjordanie occupée.
Alors que le public palestinien était moins optimiste quant à la possibilité que la visite de Biden puisse apporter des avancées significatives en ce qui concerne la situation politique sur le terrain, il s’agissait d’un voyage dont l’élite politique palestinienne espérait tirer quelques bénéfices.
Après les ruines laissées dans le sillage de l’ancien président Donald Trump, dont le mandat a vu la détérioration quasi-totale des relations diplomatiques entre l’Autorité palestinienne et le gouvernement américain, on espérait que Biden pourrait changer le cours des quatre années précédentes.
On imaginait par exemple que Biden rouvrirait le consulat américain désaffecté de Jérusalem-Est, qui était dédié au service des Palestiniens, ou qu’il prendrait réellement position sur le meurtre de la journaliste américano-palestinienne Shireen Abu Akleh, dont l’assassinat deux mois auparavant était, pour de nombreux Palestiniens, une question au cœur de la visite de Biden.
Mais en fin de compte, Biden a préféré proposer des « mesures de confiance » qui, bien qu’accueillies par l’AP, ont laissé la plupart des Palestiniens frustrés et en colère, car ils ont considéré que la visite du président autoproclamé « sioniste » n’était rien de plus que des platitudes face à un régime d’apartheid, soutenu et financé par les États-Unis.
En plus de reconstituer les fonds américains destinés à l’UNRWA, qui ont été réduits par Trump pendant sa présidence, Biden a également promis 100 millions de dollars de fonds pour les hôpitaux de Jérusalem-Est, des fonds pour l’aide humanitaire et des programmes qui « encouragent la collaboration et les échanges israélo-palestiniens ».
Il a également promis qu’Israël permettrait aux Palestiniens d’obtenir une connectivité 4G d’ici la fin de l’année, et que les restrictions de voyage au passage frontalier d’Allenby avec la Jordanie seraient également assouplies.
A la fin de l’année, les Palestiniens utilisaient toujours la 3G.
Gaza marque 15 ans de siège
Cette année a révélé une fois de plus que les cinq gouvernorats palestiniens de la bande de Gaza assiégée sont, par essence, un abattoir. En l’espace de trois jours, l’armée israélienne a tué 49 personnes.
Quatre autres Palestiniens de Gaza ont également plus tard succombé à des blessures subies lors de précédents assauts d’Israël.
Cette année a également marqué les 15 ans du début du blocus israélien sur Gaza, qui a officiellement débuté en 2007. Pourtant, comme l’a fait valoir Mondoweiss, le blocus n’a pas vraiment commencé en 2007, mais s’était déjà plutôt inséré progressivement dans la vie des Palestiniens de Gaza.
De plus, le modèle d’impunité de Gaza a été étendu à la Cisjordanie, où les méthodes israéliennes éprouvées de punition collective et de massacre ont été déployées lors de l’assaut israélien sur les villes et villages de Cisjordanie.
Les Nations unies prévoyaient que Gaza deviendrait inhabitable d’ici 2020. Deux ans plus tard, non seulement la bande de Gaza est inhabitable, mais elle a subi deux assauts militaires de grande envergure.
L’opération « Breaking Dawn » a fait 52 morts à Gaza
Dans les premiers jours du mois d’août, tous les regards se sont tournés vers la bande de Gaza où, pour la deuxième fois en un an, Israël a lancé une offensive militaire sur l’enclave côtière assiégée.
Présentée comme un assaut « préventif », Israël a lancé l’opération «Breaking Dawn » le 5 août, l’armée israélienne affirmant qu’elle visait des responsables militaires de haut niveau au sein du mouvement palestinien du Jihad islamique (PJI).
Cependant, bon nombre des combattants et dirigeants connus du PJI qui ont été tués lors des premières frappes aériennes n’étaient pas engagés dans le combat lorsqu’ils ont été ciblés et abattus ciblés dans des zones résidentielles. Par conséquent, beaucoup de ceux qui ont été tués le premier jour des frappes étaient des non-combattants, dont plusieurs enfants.
Les frappes se sont poursuivies pendant deux jours supplémentaires, visant des zones de la bande de Gaza, et le PJI a répondu par des tirs de roquettes en direction du territoire israélien.
Alors qu’Israël bouclait tous les points de passage frontaliers à l’entrée et à la sortie du territoire, l’unique centrale électrique de Gaza s’est arrêtée en raison de la pénurie de carburant, plongeant les habitants de Gaza dans l’obscurité alors que les frappes aériennes se poursuivaient autour d’eux.
Le 8 août à 23 h 30, trois jours après les premières frappes aériennes, un cessez-le-feu négocié par l’Égypte est entré en vigueur et l’opération « Breaking Dawn » a pris fin. Au total, 49 Palestiniens ont été tués au cours de ces trois jours de frappes aériennes, dont 17 enfants. Aucun Israélien n’a été tué.
Moins de dix jours après la fin de l’offensive, l’armée israélienne a admis avoir mené la frappe aérienne qui a tué cinq enfants palestiniens alors qu’ils se rendaient sur la tombe de leur grand-père, après avoir initialement attribué leur mort à un tir raté du PJI. La plus jeune victime de cette frappe n’avait que trois ans.
La résurgence de la résistance armée palestinienne en Cisjordanie
À la lumière de l’opération « Break the Wave », il est devenu plus courant de voir les combattants armés de la résistance palestinienne en Cisjordanie.
Au cours des dernières années, l’essentiel de la résistance armée contre les forces israéliennes et le colonialisme de peuplement est venue de la bande de Gaza assiégée, mais cette année, la résistance armée s’est levée depuis la Cisjordanie et au-delà de la Ligne verte (des communautés palestiniennes vivant au sein de l’État israélien).
Les opérations de tir en mars de cette année ont visé des Israéliens à l’intérieur des frontières officielles de l’État israélien et ont été parmi les premières activités armées qui ont déclenché la réponse israélienne.
Cependant, la résistance armée organisée en Cisjordanie s’est presque exclusivement concentrée sur des cibles militaires et des colons israéliens. La plupart des opérations armées menées par les divers groupes armés étaient de nature défensive, répondant aux invasions israéliennes dans les localités palestiniennes. Beaucoup de ces combattants de la résistance sont jeunes, et certains ont des liens avec les forces de sécurité palestiniennes, ce qui indique une rupture avec le collaborationnisme et la complicité de l’ancienne génération avec le régime colonial israélien.
Bien que les groupes armés opèrent individuellement, ils sont guidés par un sentiment d’unité qui transcende l’affiliation factionnelle. Cela signifie que, qu’ils soient alignés sur un cadre à tendance islamiste, comme le JIP ou le Hamas, ou sur un groupe plus laïc, comme la Brigade des martyrs d’Al-Aqsa du Fatah ou le Front populaire pour la libération de la Palestine (FPLP) de gauche, tous ces les efforts de résistance ont été menés sous un parapluie commun.
Les attaques de « loup solitaire », contrairement aux groupes organisés, étaient de nature offensive, frappant des cibles militaires et des colons israéliens, souvent sans grande planification préalable, et menées à bout portant à l’aide d’outils primitifs (couteaux, pistolets ou voiture. La nature décentralisée de ces opérations et l’absence d’une structure organisationnelle formelle les ont rendues difficiles à anticiper et à prévenir, posant un défi de sécurité important à la communauté du renseignement israélien.
L’un des exemples les plus frappants remonte à cette année, lorsque le combattant de la résistance palestinienne Udai Tamimi a tué un soldat israélien lors d’une fusillade en voiture au poste de contrôle militaire de Shu’fat, échappant à la capture pendant près de deux semaines au cours d’une longue chasse à l’homme, avant de finir par sortir de sa cachette pour livrer un dernier combat à l’entrée de la colonie de Maale Adumim, où il a été tué par balle.
Mais ces opérations individuelles ne sont pas inédites et ont été précédées de centaines d’opérations similaires depuis 2015. La naissance de groupes officiellement organisés, en revanche, est singulièrement unique à cette année écoulée.
La série d’assassinats d’éminents combattants de la résistance palestinienne a ajouté de l’huile sur le feu et accéléré l’émergence de ces organisations. Des jeunes comme Ibrahim Al-Nabulsi, surnommé le « Lion de Naplouse », sont devenus des icônes qui ont retenti au-delà des limites de Naplouse et se sont étendus à d’autres régions de Cisjordanie. Des bataillons de jeunes, comme le « bataillon Nabulsi », ont vu le jour dans de nombreuses villes et villages.
En l’absence de formation militaire institutionnelle ou formelle, la montée en puissance de groupes armés comme la Brigade de Jénine et la Fosse aux Lions a poussé les jeunes à organiser leurs propres groupes locaux, même s’ils sont plus petits et sans beaucoup d’armes. À Ramallah et Al-Bireh, par exemple, un groupe décentralisé de jeunes a formé le « bataillon de perturbation nocturne », se concentrant sur la lutte contre les invasions israéliennes avec des cocktails Molotov et des jets de pierres.
En même temps, alors que les jeunes tentaient de s’organiser, l’AP était prise entre deux feux.
Finalement, elle a joué le rôle qu’elle a toujours joué : un mandataire de la répression israélienne. Elle a arrêté plusieurs résistants en septembre, ce qui a déclenché une campagne massive de désobéissance civile à Naplouse.
Plus tard en octobre, l’AP jouera un rôle déterminant en offrant une prétendue amnistie aux combattants de la résistance en échange de leur reddition et de la remise de leurs armes.
L’année a illustré la déconnexion complète de l’AP des préoccupations de la société palestinienne, alors que son incapacité à répondre au besoin de protection des Palestiniens contre l’effacement colonial n’a jamais été aussi flagrante.
Nombre record de Palestiniens tués en Cisjordanie depuis des décennies
Cette année a enregistré le plus grand nombre de Palestiniens tués en Cisjordanie depuis la deuxième Intifada – plus de 230 Palestiniens, 171 en Cisjordanie. La grande majorité d’entre eux ont été tués soit au cours d’opérations de recherche et d’arrestation, soit au cours d’une opération d’assassinat ciblé, en particulier à Naplouse et à Jénine.
Sur les 171 Palestiniens tués en Cisjordanie, 36 étaient des enfants et des mineurs. Cela signifie que sur cinq Palestiniens tués par Israël, un était un enfant. Le mois le plus sanglant a été octobre, avec 30 Palestiniens tués par les forces israéliennes en un seul mois, dont huit mineurs.
Cette intensification signale un virage sanglant dans l’approche israélienne de la résistance palestinienne, comme en témoignent le désserrement de la politique d’ouverture du feu d’Israël et le retour de la stratégie israélienne d’assassinats ciblés, vieille de plusieurs décennies.
Un crime illégal au niveau international, les exécutions sommaires en Cisjordanie indiquent clairement que les forces israéliennes ont reçu des directives claires pour recourir à une force excessive.
Des enfants comme Fulla Masalma, 15 ans, en ont subi les conséquences, tuée dans une voiture alors qu’elle traversait Betunia ; le véhicule fut criblé de balles pendant 3 minutes et 55 secondes sans pause.
La couverture de ces meurtres par Mondoweiss a montré ce schéma de conduite meurtrière délibérée, rendu plus clair par la poursuite de la résistance palestinienne même pendant les périodes de baisse de la mortalité – ce qui signifie que le nombre élevé de morts palestiniens est une décision israélienne préventive, une question de politique délibérée très éloignée des développements sur le terrain.
La stratégie sous-jacente à la pratique obscène consistant à jouer avec le décompte des morts palestiniens est claire : augmenter le prix de la résistance afin que les Palestiniens abandonnent la lutte.
La Coupe du monde de football voit des niveaux sans précédent de solidarité avec la Palestine
Avec la Coupe du monde 2022 au Qatar, ce fut la première fois que l’événement sportif mondial a eu lieu au Moyen-Orient. En conséquence, tout ce qui concernait l’événement faisait la une des journaux – des titres qui, dans les médias occidentaux, étaient souvent empreints de préjugés et de fanatisme et contredisaient souvent ce que les fans rapportaient réellement sur le terrain.
La présence de la Palestine sur le devant de la scène au Qatar, sur le terrain et en dehors, a fait la une des journaux et a suscité à la fois des critiques et des éloges du monde entier. Des symboles emblématiques de la Palestine, comme le drapeau et le keffieh, étaient présents dans les stades à presque tous les matchs, dans la foule dans les rues, dans les émissions de télévision internationales et dans les espaces des supporters.
Les plateformes de réseaux sociaux comme Instagram et TikTok ont été inondées de vidéos de fans du monde entier refusant de parler aux journalistes israéliens ou interrompant les émissions en direct des chaînes de télévision israéliennes pour exprimer leur soutien à la Palestine.
Pour les Palestiniens, les manifestations de solidarité ont été capitales et ont offert ce qui semblait être une lueur d’espoir bien nécessaire au milieu d’une année tumultueuse et mortelle en Palestine.
« Ce fut un signal d’alarme pour les Israéliens que, quelles que soient les illusions qu’ils croyaient avoir réussi à créer grâce aux accords d’Abraham, en fait, ils ne sont toujours pas les bienvenus dans le monde arabe », a déclaré à Mondoweiss Jalal Abu Akhter, un fan de football palestinien de Ramallah. « Les peuples n’oublient pas l’occupation. Les peuples n’oublient pas l’apartheid. »
Israël élit le gouvernement le plus à droite de son histoire
Israël a tenu sa cinquième élection consécutive en seulement quatre ans le 1er novembre, et les résultats furent limpides : le public israélien avait parlé et il voulait le retour de Benjamin Netanyahu.
Cette fois-ci, cependant, il n’y aurait pas de place pour des pourparlers avec les soi-disant « centristes », les partis arabes ou la « gauche » israélienne oubliée depuis longtemps.
Ce sont les partis de droite ouvertement fascistes qui ont gagné gros, et ils l’ont fait principalement sur la base d’une plate-forme de suprématie juive et de racisme anti-palestinien, dirigée par des législateurs qui avaient déjà été reconnus coupables d’incitation au racisme et de soutien à une organisation terroriste.
Le parti ultra-nationaliste du sionisme religieux, dirigé par Itamar Ben-Gvir et Bezalel Smotrich, est devenu le troisième plus grand parti du nouveau gouvernement israélien, accordant aux deux députés, ouvertement fascistes et résolument anti-palestiniens, de nouveaux niveaux de pouvoir qu’eux et leurs partisans n’avaient jamais vus auparavant.
Ben-Gvir lui-même a été reconnu coupable d’incitation contre les Palestiniens et, dans le passé, a fourni une représentation légale à des extrémistes juifs accusés d’avoir commis des attaques contre des Palestiniens.
En attendant 2023
De mémoire récente, 2022 aura été l’une des années les plus sanglantes pour les Palestiniens. La tentative d’Israël d’augmenter le prix de la résistance palestinienne a entraîné la mort de centaines de personnes lors de l’opération « Break the Wave ». Pourtant, 2023 s’annonce encore plus tumultueuse alors que l’État israélien semble sur le point de déclencher une nouvelle vague de répression.
Il y a deux jours à peine, le 27 décembre, la Knesset a approuvé un amendement à la Loi fondamentale qui accordera à Bezalel Smotrich le pouvoir de nommer le nouveau chef de l’administration civile et le coordinateur des activités gouvernementales dans les territoires (COGAT).
Le ministre sortant de la Défense, Benny Gantz, a mis en garde contre les escalades attendues qui résulteraient des politiques radicales de Smotrich et Ben-Gvir, qui devraient tous deux occuper des postes d’influence concernant la politique en Cisjordanie au sein du nouveau gouvernement israélien de droite.
Les contours de l’année à venir ne sont pas difficiles à prévoir.
La confiscation coloniale en cours des terres palestiniennes, le nettoyage ethnique des communautés palestiniennes, les attaques enragées des hordes de colons lyncheurs et l’assaut généralisé contre les communautés palestiniennes révoltées et les refuges de la résistance armée, sont tous susceptibles de se poursuivre l’année prochaine, avec même une plus grande férocité qu’auparavant.
Mais le seul facteur qui demeure incertain signifie aussi tout : que va-t-il advenir de la résistance palestinienne ?
* Yumna Patel est directrice de l'information sur la Palestine pour la publication américaine Mondoweiss.
Elle est basée à Bethléem, en Cisjordanie occupée et fait des reportages sur le territoire depuis plusieurs années.
Son compte twitter. * Mariam Barghouti est une écrivaine palestino-américaine basée à Ramallah. Ses commentaires politiques sont publiés dans l'International Business Times, le New York Times, TRT-World, entre autres publications. Mariam Barghouti est également correspondante en Palestine du site d'informations et d'analyses Mondoweiss. Son compte Twitter. * Faris Giacaman est doctorant au programme conjoint d'histoire et d'études islamiques et moyen-orientales de l'université de New York.
Faris étudie l'économie politique du Moyen-Orient. Ses recherches portent sur les mouvements sociaux, la formation des classes, la transformation capitaliste dans le Sud et l'histoire économique de la Palestine.
Faris Giacaman est également Managing director du site d'informations et d'analyse MondoWeiss.Auteur : Yumna Patel
Auteur : Mariam Barghouti
Auteur : Faris Giacaman
29 décembre 2022 – MondoWeiss – Traduction : ISM France & Chronique de Palestine – MR & Lotfallah