
5 février 2025 - Les Palestiniens tentent de reconstruire leur vie au milieu des destructions généralisées à Jabalia, dans le nord de la bande de Gaza. Au cours des 15 derniers mois de la guerre génocidaire d'Israël, le nord de la bande de Gaza a été coupé des autres régions de Gaza. Israël a refusé l'accès à l'aide humanitaire, a pris pour cible les installations médicales et a lourdement bombardé la région, forçant de larges pans de la population à fuir vers le sud. 500 000 Palestiniens ont retrouvé le chemin de ce qui reste de leurs maisons, pour y trouver la dévastation et des scènes de destruction apocalyptiques. Malgré l'effondrement total des infrastructures, de nombreux Palestiniens ont choisi de revenir et d'installer des tentes sur les ruines de leurs maisons - Photo : Yousef Al-Zanoun / Activestills
Après 15 mois d’attaques israéliennes incessantes et aveugles, la destruction est immense, dans la bande de Gaza. Des estimations initiales suggèrent que jusqu’à 80 pour 100 des infrastructures civiles de Gaza ont été détruites ou endommagées.
Des images horribles en provenance de Gaza montrent des quartiers entiers réduits à l’état de décombres. Il est vital d’insister sur le fait que la destruction et le ciblage des infrastructures civiles constituent à la fois un grave crime de guerre et un crime contre l’humanité – lesquels ont été mis en lumière dans des dossiers récents portés à la connaissance des tribunaux par la Fondation Hind Rajab.
Les infrastructures civiles sont protégées par le droit international humanitaire, le droit pénal et les lois des droits humains, ce qui fait de leur ciblage délibéré à la fois un crime de guerre et un crime contre l’humanité. Depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu officiel, les Palestiniens déplacés qui sont retournés dans leurs foyers les ont fréquemment retrouvés en ruine et totalement inhabitables.
Selon Médecins sans frontières, 92 % des unités de logement de Gaza ont été endommagées ou détruites par la campagne génocidaire d’Israël. Les infrastructures civiles n’incluent pas seulement les unités de logement, mais aussi toutes les installations vitales pour la survie des civils en temps de guerre – hôpitaux, sites médicaux, écoles, lieux de culte, bibliothèques, lignes de transport d’énergie, système d’eau, routes et bâtiments commerciaux.
La distinction entre objets civils et militaires est considérée comme un principe fondamental du droit international humanitaire. Pourtant, depuis le 7 octobre 2023, jusqu’à 80 % des infrastructures civiles de Gaza ont été endommagées ou détruites par l’armée israélienne.
L’Article II de la convention des Nations unies de 1948 définit le génocide comme une « soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle. »
Du fait que jusqu’à quatre cinquièmes des infrastructures civiles de Gaza ont été endommagées ou détruites – y compris les systèmes d’eau et d’assainissement que le Programme des Nations unies pour l’environnement (UNEP) décrit comme « presque entièrement disparu » – il convient de s’interroger : Si cela ne constitue pas un acte de génocide, que peut-on appeler génocide, dès lors ?
Qui détruit avec fierté les infrastructures civiles ?
Les perpétrateurs de ces crimes de guerre continuent d’échapper à toute responsabilisation, malgré la nature indiscutable de leurs actes de haine. La destruction intentionnelle d’infrastructures civiles par les FDI est très solidement documentée, souvent par les soldats eux-mêmes, qui s’en vantent dans les médias sociaux.

Un cas de ce genre est celui de Yuval Vagdani, contre qui la FHR a déposé une plainte pénale fin décembre 2024. Le cas a fait les gros titres dans le monde entier en tant que criminel de guerre tentant d’échapper à la justice.
Vagdani est accusé de destruction massive de propriété civile et d’infrastructures. La plainte comprenait des preuves irréfutables prouvant son implication directe dans ces actes.
En outre, Vagdani avait tenu des propos génocidaires dans ses médias sociaux, en jurant de détruire Gaza « jusqu’à ses fondations ».
Le matériel du dossier comprenait des images vidéo, des données de géolocalisation et des photographies du suspect en train de planter des explosifs et de célébrer les destructions occasionnées.
Moins scandaleux que Vagdani, mais tout aussi méprisable, tel est le dossier de Dror Zvi Bauer, un autre soldat des FDI contre qui la FHR a déposé une plainte début 2025 auprès de la Cour pénale internationale (CPI), ainsi qu’en Autriche, en Allemagne et dans d’autres juridictions européennes.

Bauer est accusé d’avoir participé à la destruction arbitraire et illégale d’installations civiles à Gaza, y compris des logements privés, des hôpitaux, des écoles et des équipements sociaux.
La plainte est étayée par des enregistrements vidéos postés par Bauer lui-même sur Instagram. Dans ces vidéos, on voit le suspect utiliser des explosifs et des bulldozers pour détruire des logements privés et des installations d’aide humanitaire – des structures qui font partie de la catégorie protégée des « infrastructures civiles ».
L’intention génocidaire de Bauer est en outre manifeste dans ses déclarations, lorsqu’il fait savoir qu’il n’y a « pas de civils non impliqués à Gaza », ce qui veut dire que ni les femmes, ni les personnes âgées, ni les enfants ne sont considérés comme innocents.
Un autre exemple profondément choquant d’un soldat des FDI s’impliquant dans des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité est le cas du rabbin Zarbiv. À l’instar de Bauer et de Vagdani, Zarbiv se croyait à l’abri de la justice.
Le 22 janvier 2025, au cours d’une interview télévisée, Zarbiv a reconnu publiquement la destruction de 50 bâtiments par semaine à Gaza, ciblant sans la moindre discrimination diverses formes d’infrastructures civiles et participant à la destruction complète de quartiers entiers de Jabaliya et de Rafah.
Dans la foulée de ces aveux, Zarbiv avait lâché des propos haineux à l’encontre des Palestiniens, ce qui équivalait à une incitation publique à la violence et à la haine.
Lors de l’interview, Zarbiv, un soldat de la Brigade Givati, se vantait de « jouer » avec un bulldozer D9 tout en décrivant la démolition délibérée de logements et l’oblitération d’infrastructures de Gaza. Il avait également confirmé le ciblage systématique par la Brigade Givati des zones civiles ainsi que son rôle en rendant des villes entières inhabitables.
Zarbiv est également accusé d’avoir lancé des grenades à main et d’avoir tiré sur des civils palestiniens non armés à Khan Younis. Des preuves sur vidéo corroborent ces accusations, qui constituent des violations on ne peut plus évidentes du droit international humanitaire.
Israël viole des règles plus anciennes que lui
Les intentions génocidaires qui sous-tendent la destruction délibérée des infrastructures civiles à Gaza par l’armée israélienne sont désormais indéniables. Avec jusqu’à 80 pour 100 des infrastructures civiles endommagées ou détruites, la vie quotidienne s’est muée en une lutte inimaginable, pour ses habitants.
Alors que le cessez-le-feu officiel a réduit les bombardements quotidiens et les hostilités, Israël n’a pas respecté sa part de l’accord, et ce, à plusieurs niveaux.
En même temps que des attaques quasi quotidiennes contre Gaza – qui se poursuivent malgré le cessez-le-feu – et l’intensification de la violence des FDI en Cisjordanie, Israël a systématiquement restreint le flux d’aide essentielle à Gaza, y compris les tentes et les engins lourds. Entre-temps, le président américain Donald Trump a prôné le déplacement « temporaire » des Gazaouis, dans le même temps que les États-Unis assumeraient le contrôle de la bande de Gaza.
Ce que le droit international définit comme le nettoyage ethnique d’une population occupée dans un territoire occupé, est proposé par Trump comme un « projet de développement » et par Benjamin Netanyahou comme un outil de ses ambitions coloniales et politiques.
La règle fondamentale n° 7 du droit international humanitaire (DIH) dit : « Les parties à un conflit doivent en tout temps faire la distinction entre la population civile et les combattants afin d’épargner les personnes et les biens civils. Les attaques ne doivent viser que des objectifs militaires. »
Si les FDI avaient adhéré au DIH, il aurait été impossible que 80 pour 100 des infrastructures civiles de la bande de Gaza eussent été endommagées ou détruites.
De plus, l’Assemblée de la Société des Nations, prédécesseuse des Nations unies, avait déjà adopté une résolution en 1938 – dix ans avant la fondation de l’État d’Israël – déclarant que « les objectifs ciblés depuis le ciel doivent être des objectifs militaires légitimes et doivent être identifiables ».
Par son pilonnage intensif de Gaza, Israël a violé des lois internationales antérieures à son existence même.
La communauté internationale doit se rassembler pour mettre un terme au mépris persistant d’Israël envers le droit international et toute forme d’État de droit. C’est non seulement vital pour la survie des Palestiniens mais aussi pour notre sécurité à tous.
Depuis 15 mois, Israël bafoue en toute impunité les règles les plus fondamentales de la conduite de la guerre. Cela crée un dangereux précédent en permettant à n’importe quel régime dans le monde de recourir à des tactiques similaires et à priver le droit international de tout son sens.
La Fondation Hind Rajab s’emploie sans relâche à rendre justice aux victimes de la campagne génocidaire d’Israël et, ce faisant, à défendre les règles de la guerre.
Auteur : Fondation Hind Rajab
* La Fondation Hind Rajab est une branche du Mouvement du 30 mars principalement dédiée à la quête de justice en réponse aux crimes contre l'humanité, aux crimes de guerre et aux violations des droits de l'homme perpétrés par l'État israélien contre les Palestiniens. Créée pendant le génocide de Gaza en cours, la fondation honore la mémoire de Hind Rajab et de tous ceux qui ont péri ou souffert de la campagne génocidaire israélienne.La principale mission de la fondation est de poursuivre activement en justice les responsables de ces atrocités, y compris les auteurs, les complices et les instigateurs de la violence contre les Palestiniens. Par le biais de procédures judiciaires offensives, elle vise à tenir ces acteurs pour responsables devant les tribunaux internationaux et nationaux, en remettant en question la culture de l'impunité qui a permis à de tels crimes de perdurer.
28 février 2025 – Hind Rajab Foundation – Traduction : Charleroi pour la Palestine – Jean-Marie Flémal