Par Adnan Abu Amer
La plus importante parmi ces preuves est un prototype de roquette et missile artisanal, fabriqué à partir d’un tube creux et de nitrate de potassium.
Trois membres du Djihad islamique ont été arrêtés à Tulkarm, en Cisjordanie, ont confié des responsables de la sécurité palestinienne à la chaîne israélienne, Channel 12, sous couvert d’anonymat. La chaîne a révélé le 23 septembre que les patrouilles avaient également confisqué des outils destinés à la fabrication de roquettes.
Selon ces sources, c’est du Liban que viendrait la technique de fabrication et de lancement des roquettes utilisée par les membres du Djihad islamique. Les sources n’ont pas précisé si c’était le Djihad islamique ou le commandement du Hezbollah à Beyrouth qui l’avait fournie, ni comment elle l’avait été.
Selon ces mêmes sources, les membres de la cellule ont admis pendant l’interrogatoire qu’ils avaient été formés par des Iraniens. Cependant, les roquettes qu’ils prévoyaient de fabriquer n’étaient pas d’une haute technicité.
L’armée israélienne a peur que des groupes de la résistance exportent leurs activités de fabrication de roquettes de la bande de Gaza vers la Cisjordanie, et que le prototype saisi à Tulkarem signifie que la résistance essaie de fabriquer des armes de haut niveau pour frapper les complexes résidentiels israéliens, selon ce rapport.
En 2008, 2009 et 2010, le Hamas a tenté d’étendre sa fabrication de roquettes, de Gaza en Cisjordanie. Cependant, sa tentative a échoué parce que l’Autorité palestinienne et Israël ont réussi à saisir des pièces de roquettes dans certaines zones de Cisjordanie. De plus, Israël et l’AP lancent de temps en temps des campagnes d’arrestations contre les forgerons, car les prototypes de roquettes sont fabriqués dans des ateliers de forge.
Le chef du Hamas et ancien chef militaire Mahmoud Merdawi a déclaré à Al-Monitor : “Les services de renseignements israéliens combattent avec acharnement les tentatives [des groupes de résistance] de trouver des endroits pour construire des roquettes, et ils interrogent tous les suspects pour en savoir le plus possible. Mais les factions finiront par réussir à construire des roquettes et ce sera un tournant stratégique pour la résistance.”
“Ce n’est un secret pour personne que la résistance invente sans cesse de nouvelles façons de combattre et de fabriquer des armes en Cisjordanie, comme les armes personnelles, les armes légères et les engins explosifs”, a-t-il ajouté. “Israël continue de fermer des ateliers de tournage qui lui semblent suspects, et la résistance continue d’acheter des explosifs et des munitions à des marchands d’armes palestiniens et israéliens au prix fort”.
Les factions palestiniennes savent que pour atteindre Israël à partir des terres et des sommets montagneux de Cisjordanie elles n’ont pas besoin d’équipement de haute technologie ni de roquettes qui peuvent parcourir de longues distances.
Un responsable palestinien de la sécurité en Cisjordanie a déclaré à Al-Monitor, sous couvert d’anonymat : “L’Autorité palestinienne n’autorise aucune arme illégale en Cisjordanie et refuse que cela se passe comme à Gaza en ce qui concerne les armes, notamment les explosifs et les roquettes, et leurs sources d’approvisionnement. Nous ne sommes pas un État et nous ne devons pas avoir de telles armes. Nous n’en avons pas besoin.”
Le Centre des affaires publiques de Jérusalem a affirmé en juin dernier que l’Iran aidait les factions palestiniennes de Cisjordanie à fabriquer des roquettes.
Le journal Israel Hayom du 5 juin a rapporté que d’éminents dirigeants iraniens appelaient à remplacer les pierres que les Palestiniens de Cisjordanie utilisent comme armes par des roquettes, comme à Gaza.
Bien que le niveau technologique des roquettes précises de l’armée israélienne soit infiniment supérieur à celui des roquettes primitives que les Palestiniens tentent de fabriquer en Cisjordanie, une seule roquette peut terroriser des milliers d’Israéliens installés en Cisjordanie. Comme pour les colons qui vivent autour de Gaza, malgré l’imprécision des roquettes artisanales.
Mais l’expert militaire palestinien et ancien commandant de l’unité d’artillerie de l’OLP Wasef Erekat a déclaré à Al-Monitor : “Les tentatives de fabrication de roquettes en Cisjordanie ne mettent pas en danger Israël, qui peut investir le territoire à tout moment. En outre, il faut de la sécurité et de la stabilité pour fabriquer des armes, ce qui est loin d’être le cas en Cisjordanie. Ce n’est pas comme à Gaza, où il n’y a pas de présence militaire israélienne sur le terrain.”
Pour lui, “la Cisjordanie n’est pas prête à vraiment fabriquer et lancer des roquettes sur Israël et ce serait d’ailleurs contre-productif car la riposte israélienne serait terrible. Les inconvénients seraient bien supérieurs aux avantages et les Palestiniens n’en tireraient aucun profit.”
Il est très difficile aux factions palestiniennes de fabriquer des roquettes en Cisjordanie. Il leur faut se procurer du matériel explosif et des outils, fabriquer et assembler les pièces, puis se répartir les rôles sur le terrain et enfin assumer la responsabilité du lancement de la fusée.
Elles sont confrontées à chaque étape à la présence constante et aux contrôles tatillons de l’armée israélienne en Cisjordanie qui se coordonne avec les forces de sécurité palestiniennes. Mais, la simplicité de ces roquettes est en fait leur point fort : elles sont difficiles à détecter par les équipement de haute technologie.
“L’arrivée des roquettes en Cisjordanie est dix fois plus dangereuse qu’à Gaza en raison de la proximité de la Cisjordanie avec Israël et de l’altitude en Cisjordanie qui lui permet de frapper des cibles israéliennes vitales”, a déclaré à Al-Monitor, Imad Abu Awad, spécialiste des affaires israéliennes au Vision Center for Political Development.
“Israël est convaincu que l’Iran soutient la résistance en Cisjordanie, comme à Gaza, et que les factions fabriquent elles-mêmes les roquettes en se procurant les [composants] auprès de vendeurs israéliens. Malgré leurs efforts, l’Autorité palestinienne et Israël ne pourront pas déjouer toutes les tentatives de fabrication de roquettes, et il y a sans doute des cellules qui n’ont pas été découvertes.”
L’inquiétude d’Israël face aux tentatives de production de roquettes en Cisjordanie va pousser ses forces d’occupation à intensifier leurs contrôles répressif et leur coordination avec l’Autorité palestinienne. En face, les factions palestiniennes mettront les bouchées doubles pour atteindre leurs objectifs.
* Adnan Abu Amer est doyen de la Faculté des Arts et responsable de la Section Presse et Information à Al Oumma Open University Education, ainsi que Professeur spécialisé en Histoire de la question palestinienne, sécurité nationale, sciences politiques et civilisation islamique. Il a publié un certain nombre d’ouvrages et d’articles sur l’histoire contemporaine de la Palestine.
4 octobre 2019 – Al-Monitor – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet
L’AP n’a-t-elle pas annoncé très très récemment (après une réunion du parlement de l’OLP il y a quelques mois) l’arrêt de la collaboration avec Israël ?
Ce n’est pas le cas… Soit M Abbas ment à son peuple, soit il est trahi par ses services de sécurité….