Par Ahmad Melhem
Les attaques de la résistance en Cisjordanie révèlent les failles dans la domination israélienne.
L’armée israélienne a déployé un grand nombre de soldats en Cisjordanie le 8 août au matin, la transformant en une zone militaire après la découverte du corps d’un soldat israélien porté disparu, Dvir Sorek, âgé de 18 ans, dans la colonie de Gush Etzion près de Bethléem. Sorek avait été poignardé à mort.
À la suite de la découverte du corps de Sorek, l’armée israélienne a fouillé la ville de Beit Fajjar, au sud de Bethléem, ratissant des terres agricoles et filmé à l’aide de caméras de surveillance l’entrée de la ville pour tenter d’identifier les responsables. L’armée a effectué un raid sur plusieurs zones de Bethléem et d’Hébron et a bouclé à partir du même jour les principales routes reliant les villes du sud de la Cisjordanie.
Parallèlement, des colons ont lancé des attaques à répétition dans diverses zones de la Cisjordanie, notamment au rond-point de Gush Etzion, où ils ont lancé des pierres sur des véhicules palestiniens et près du village d’Al Laban, au nord de Ramallah, où les voitures des Palestiniens ont été endommagées. Un Palestinien a été blessé à Hébron après que sa voiture a été touchée par des pierres.
Lors de la dernière attaque de ce type, le 10 août, des colons ont attaqué la famille de Shaker al-Tamimi à l’est de Hébron.
Heureusement, aucune victime n’a été signalée.
Le même jour, l’armée israélienne a kidnappé quatre Palestiniens, dont une femme de Beit Kahel, à l’ouest d’Hébron. L’armée d’occupation a également saisi l’un des véhicules du suspect. Après quelques heures, le Service général de sécurité israélien (Shin Bet) a déclaré que deux des Palestiniens arrêtés – Nazir Saleh Khalil Asafra, âgé de 24 ans, et Qasem Araf Khalil Asafra, âgé de 30 ans – étaient à l’origine du meurtre de Sorek et que des enquêtes étaient en cours.
Néanmoins, le meurtre a porté un coup dur aux services de renseignement israéliens pour plus d’une raison. Les forces de sécurité israéliennes n’ont été informées de la disparition de Sorek que trois heures après la perte de contact avec lui. Son corps a été retrouvé après six heures et demie de recherches. Tout cela a donné aux auteurs suffisamment de temps pour se cacher.
En outre, l’attaque s’est produite dans une zone située à quelques mètres à peine de la colonie et du kibboutz de Migdal Oz, et qui est entourée d’équipements de sécurité et de surveillance. Sorek assistait à un séminaire [yeshiva] (séminaire).
L’attaque a été une surprise pour les services de renseignements israéliens, l’armée et le Shin Bet, selon la chaîne israélienne 13.
Les médias israéliens se sont précipités pour accuser le mouvement Hamas. Le 2 août, le média israélien Mako Channel 2 a déclaré que le meurtre avait apparemment été perpétré sur ordre direct du Hamas à Gaza. Quelques heures après la découverte du corps de Sorek, le Hamas a publié une déclaration de soutien et de félicitations. “Nous félicitons les combattants héroïques de notre peuple qui ont exécuté l’opération héroïque qui a tué un soldat de l’armée de l’occupation, qui étudiait dans un collège militaire réputé pour avoir formé des extrémistes aux dogmes du Talmud et de la Torah, prônant le meurtre de notre peuple et le vol de ses terres.”
Le Hamas n’a cependant pas revendiqué la responsabilité de l’attaque.
Deux jours avant l’attaque du Gush Etzion, le Shin Bet a annoncé qu’une opération planifiée par le Hamas à Jérusalem avait été déjouée. L’agence a déclaré dans un communiqué qu’elle avait récupéré un engin explosif et effectué une descente dans un laboratoire de fabrication d’armes à Hébron. Il y a deux mois, Israël avait kidnappé le Palestinien Tamer Rajabi, âgé de 22 ans, qui aurait ensuite avoué que le Hamas à Gaza l’avait recruté pour la mission.
Le Shin Bet a également révélé le 3 juillet l’enlèvement d’un expert en explosifs du Hamas à Gaza qui était en Israël sous le couvert d’un permis médical. L’agence a indiqué que Fadi Abu al-Sabah, âgé de 35 ans, avait été formé pendant un an par le bras armé du Hamas à Gaza pour installer un laboratoire d’explosifs en Cisjordanie.
Les accusations portées contre le Hamas surviennent à la lumière des estimations de l’armée israélienne selon lesquelles l’attaque à Gush Etzion n’était pas spontanée et avait été orchestrée par une cellule qui avait planifié et préparé cette opération, a annoncé dès le 8 août la chaîne de télévision israélienne Kan 11.
La chaîne a évoqué les craintes israéliennes que le même groupe puisse mener une autre opération avant d’être arrêté et qu’il y ait d’autres opérations similaires. Cela a poussé l’armée d’occupation à dépêcher des renforts en Cisjordanie.
“Le Hamas et le peuple palestinien sont en état de confrontation permanente [avec Israël], que ce soit pacifiquement ou avec des couteaux”, a déclaré à Al-Monitor un des responsables du Hamas, Yahya Moussa. “Ce qui se passe est une réaction naturelle à ce que fait Israël. La confrontation avec Israël se poursuivra. Israël cherche toujours à mobiliser l’opinion internationale et régionale contre un parti [palestinien] et estime que le Hamas est le parti le plus facile à accuser.” Il a toutefois ajouté : “Notre peuple et nos organisations bénissent ces opérations.”
Il est à noter que si Israël déclarait officiellement que le Hamas dans la bande de Gaza était à l’origine de l’attaque, cela constituerait un pas en avant supplémentaire vers un affrontement militaire généralisé. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qui a visité le site du meurtre – après avoir visité la colonie de Beit El, près de Ramallah, pour poser la première pierre de 650 nouvelles unités de logement – a déclaré qu’Israël “réglerait le problème” avec les auteurs et leurs envoyés.
Cela nous rappelle le scénario de la guerre de 2014, précédé de l’enlèvement et de la mort de trois jeunes colons à proximité de la ville de Hébron.
Moussa a déclaré qu’Israël n’avait pas besoin de justification pour mener une guerre puisqu’il s’agissait d’une décision liée à ses calculs internes. “La situation actuelle est différente de celle de 2014. Israël est désormais incapable de supporter les conséquences d’une guerre éventuelle, notamment parce qu’il est incapable d’anticiper les résultats d’une telle guerre. Israël ne pourra empêcher aucune guerre éventuelle avec le Hamas de déboucher sur un affrontement régional. Il n’a pas de justifications pour laisser l’armée israélienne s’enliser dans le bourbier de Gaza.”
La mort du soldat Sorek a montré l’incapacité des services de sécurité israéliens à arrêter des attaques-surprise en Cisjordanie qui ne sont pas revendiquées ouvertement par les factions palestiniennes. Ces attaques ont commencé à prendre une tournure plus marquée au cours de l’année écoulée, comme l’opération de tir à l’est de Ramallah qui a tué deux soldats israéliens le 13 décembre dernier.
Wassef Erekat, expert militaire et ancien commandant d’artillerie de l’OLP, a déclaré à Al-Monitor: “L’attaque de Gush Etzion s’est déroulée dans une zone hautement sécurisée équipée de tous les moyens de surveillance et de contrôle, avec également la présence permanente de patrouilles militaires. Cela indique le niveau du moral de l’auteur ou des auteurs de l’attaque, qui ont eu l’audace d’exécuter leur mission et de disparaître.”
Il a déclaré: “Les jeunes Palestiniens inventent des méthodes de confrontation ingénieuses et toujours plus évoluées. Si l’armée israélienne et ses services de sécurité et de renseignement, dotés de toute la technologie, des soldats, des patrouilles et des moyens de surveillance peuvent être outrepassés par celui ou ceux ayant mené une telle opération, cela ne peut que prouver qu’Israël n’a tiré aucun enseignement des attaques précédentes.”
Erekat a ajouté : “Ce sont des opérations individuelles planifiées et mises en œuvre à une échelle réduite. Il est difficile pour Israël de dissuader ou d’empêcher de telles opérations. Que ce soit planifié ou non, je pense que ces attaques continueront. Israël ne pourra pas briser la volonté du peuple palestinien. Tout ce qu’Israël fait subir au peuple palestinien lui explosera à la figure.”
Auteur : Ahmad Melhem
* Ahmad Melhem est un journaliste et photographe palestinien de Al-Watan News basé à Ramallah. Il écrit pour un certain nombre de publications arabes. Suivez son compte Twitter.
14 août 2019 – Al-Monitor – Traduction : Chronique de Palestine