Par Robert Inlakesh
Le « plan Fenzel » américain, qui vise à étouffer et réprimer la lutte légitime du peuple palestinien, non seulement n’atteindra pas ses objectifs mais produira le contraire.
Suite aux nombreux massacres commis par l’armée d’occupation en Cisjordanie occupée, l’Autorité palestinienne a envoyé une délégation dans la ville jordanienne d’Aqaba pour conclure des accords visant à combattre les groupes de résistance palestiniens.
Ce plan, qui ne tient aucun compte des réalités du terrain, a non seulement été condamné en masse par le peuple palestinien, mais il est également voué à l’échec.
Quelques jours seulement après que les forces d’occupation israéliennes ont violemment pris d’assaut la ville de Naplouse, assassinant 11 Palestiniens et en blessant plus de 100, l’Autorité palestinienne (AP), basée à Ramallah, a envoyé une délégation à Aqaba, en Jordanie, pour participer à un prétendu « sommet sur la sécurité ».
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Des représentants israéliens, américains, égyptiens et de l’Autorité palestinienne se sont réunis pour s’accorder soi-disant sur les moyens de « réduire les tensions dans les territoires occupés ».
Le plus gros problème de cette réunion, comme cela a toujours été le cas, est que l’AP est la seule à qui l’on demande de faire des concessions qui lèsent, voire mettent en danger, ceux qu’elle est censée représenter.
Fin janvier, le secrétaire d’État américain Antony Blinken s’est rendu en visite officielle en Palestine occupée, où il a rencontré des responsables sionistes et de l’Autorité palestinienne.
Selon les rapports, Antony Blinken a exhorté le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu à suspendre l’expansion illégale des colonies et à réduire les raids violents de l’armée d’occupation en Cisjordanie, mais ces rapports ne parlent pas de ce qu’il a demandé au président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas.
Le Premier ministre israélien a été invité à simplement ralentir ses violations du droit international, tandis que l’Autorité palestinienne a été priée d’accepter un plan qui l’obligera à combattre son propre peuple.
La proposition américaine, que l’administration Biden a fait accepter à Mahmoud Abbas, a été rédigée par le coordinateur américain de la sécurité, Michael Fenzel, et baptisée « plan Fenzel ».
Au titre de cet accord, les États-Unis contribuent à la formation d’une force palestinienne spéciale, qui sera reliée aux forces de sécurité de l’Autorité palestinienne et qui sera spécifiquement chargée de lutter contre les groupes de résistance palestiniens dans le nord de la Cisjordanie.
Il s’agit essentiellement de créer une force armée palestinienne pour lutter contre les forces de la Résistance, ce qui soulagerait l’armée israélienne. Cela pourrait provoquer un bain de sang.
Alors que les dirigeants israéliens ont refusé d’appliquer leur part du marché – c’est-à-dire d’arrêter l’expansion des colonies et les raids – les dirigeants de l’Autorité palestinienne auraient accepté d’appliquer leur part des accords conclus à Aqaba.
Bien que l’AP n’ait jamais mentionné officiellement la réunion de Jordanie, le peuple palestinien l’a appris par des fuites et des reportages dans les médias étrangers. Cela a entraîné une condamnation générale de la part des factions politiques palestiniennes et des mouvements de la société civile, ainsi que des protestations de la part de certains membres éminents du parti Fatah lui-même.
Le groupe armé des Brigades de Jénine a organisé une conférence de presse dans le camp de réfugiés de Jénine, appelant la population à manifester contre ces accords, et une manifestation importante a également eu lieu dans le centre de Ramallah.
Le problème du « plan Fenzel » américain ne réside pas seulement dans sa répression tous azimut de la lutte légitime du peuple palestinien, mais aussi dans le fait qu’il est largement contre-productif par rapport à ses objectifs généraux.
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L’Autorité palestinienne elle-même est actuellement en crise, que ce soit au niveau de la légitimité, du contrôle de la sécurité ou de l’économie. Tous les sondages officiels de ces dernières années ont montré que le peuple palestinien appelle unanimement le président Mahmoud Abbas à démissionner.
C’est précisément au moment où la crise se développe et que l’AP s’apprête à nommer un nouveau dirigeant – probablement Hussein Al-Sheikh ou Majd Farraj – que la résistance armée palestinienne est revenue en force et s’est étendue à toute la Cisjordanie.
Dans le nord du territoire occupé, l’Autorité palestinienne a effectivement perdu le contrôle de la situation sécuritaire, et ce n’est pas seulement parce que les groupes armés sont puissants, mais aussi parce que l’Autorité palestinienne a soigneusement évité d’affronter directement la Résistance.
Si les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne envoyaient une unité spéciale arrêter et inévitablement tuer des combattants de la Résistance dans des endroits comme Jénine et Naplouse, cela pourrait déclencher un long conflit sanglant, et le peuple palestiniens tout entier pourrait se soulever.
Ce n’est un secret pour personne que le peuple palestinien s’oppose unanimement à toute forme de collaboration ou de « coordination sécuritaire » entre l’Autorité palestinienne et les forces d’occupation israéliennes. Le peuple palestinien est déjà mécontent du comportement de l’Autorité palestinienne, qui a prétendu trois fois depuis 2019 mettre fin à la coordination de la sécurité mais ne l’a jamais fait.
La proposition américaine pourrait engendrer de gros problèmes si elle était mise en œuvre et que ça tournait mal.
Puis il y a le fait qu’un grand nombre de résistants actifs, tant dans les Brigades de Jénine que dans le Repaire des Lions, sont également des membres des forces de sécurité de l’Autorité palestinienne (FSPA).
Qui plus est, certains résistants sont les enfants de membres de l’Autorité palestinienne. L’assassinat ou l’arrestation violente de ces résistants, qui ont des liens familiaux avec des membres des FSPA, pourrait provoquer des frictions internes au sein des forces de sécurité elles-mêmes et déclencher la colère des familles affectées contre l’AP.
L’AP, si elle mettait en œuvre un tel plan, pourrait également perdre complètement le contact avec les groupes, ce qui rendrait les choses encore plus difficiles pour elle, sans parler du problème que de nombreux membres des FSPA pourraient tout simplement refuser de se battre contre leurs propres concitoyens qui se trouvent dans la Résistance.
Le plan proposé par l’administration américaine de Biden sera un désastre, non seulement pour le peuple palestinien, mais aussi pour l’Autorité palestinienne elle-même, et il reflète le décalage entre les réalités sur le terrain et les illusions des sionistes pro-israéliens de Washington.
Auteur : Robert Inlakesh
* Robert Inlakesh est un analyste politique, journaliste et réalisateur de documentaires actuellement basé à Londres, au Royaume-Uni. Il a rapporté et vécu dans les territoires palestiniens occupés et travaille actuellement avec Quds News et Press TV. Il est le réalisateur de Steal of the Century: Trump's Palestine-Israel Catastrophe. Suivez-le sur Twitter.
8 mars 2023 – Al-Mayadeen – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet