Comment Israël maintient son noeud coulant sur le cou de l’Autorité de Ramallah

Vieillard cacochyme élu président d'une Autorité fantoche en 2004 et ne ne devant sa survie qu'au bon vouloir de l'occupant israélien, Abbas, aidé de son équipe de collaborateurs, assure avec zèle et constance sa fonction répressive face à la résistance palestinienne - Image : archives

Par Ismat Quzmar

La rétention par Israël des recettes de l’administration palestinienne est une pratique de longue date, historiquement utilisée pour punir ou manipuler l’Autorité palestinienne (AP). Depuis octobre 2023, le régime israélien n’a fait qu’intensifier son vol des fonds palestiniens, maintenant en permanence l’AP au bord de l’effondrement financier.

Cette note politique explique que l’instrumentalisation par Israël des revenus du dédouanement n’est pas simplement une extension des mesures passées, mais le reflet d’un nouvel agenda plus radical mené par l’extrême droite.

Alors que la communauté internationale continue de jouer un rôle se voulant modérateur, la note affirme que les perspectives à long terme pour l’Autorité palestinienne et l’économie palestinienne restent très incertaines à mesure qu’Israël resserre son emprise sur les principaux leviers financiers.

Le contexte

Les recettes de compensation désignent les taxes perçues par Israël pour le compte de l’Autorité palestinienne.

Ces taxes comprennent les droits de douane, les taxes à l’achat et la TVA sur les importations en provenance d’Israël et du reste du monde. Environ 99 % des recettes de dédouanement proviennent de ces sources, tandis que le 1 % restant provient des impôts sur le revenu payés par les Palestiniens travaillant en 1948.

Depuis 1994, le protocole de Paris dicte les conditions dans lesquelles Israël perçoit et transfère ces recettes, consacrant le contrôle significatif d’Israël sur les ressources fiscales palestiniennes.

Cet arrangement a permis à Israël de suspendre ou de déduire des fonds comme bon lui semble.

En effet, Israël a suspendu le transfert des taxes palestiniennes à de multiples reprises depuis que ce système a été mis au point, notamment pendant la deuxième Intifada, en 2006 après la victoire du Hamas aux élections législatives, en décembre 2012 en réponse à l’obtention par la Palestine d’un statut amélioré à l’ONU, et en 2015 après que la Palestine a accepté la compétence de la CPI pour les crimes commis en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.

Depuis 2019, Israël a également déduit des sommes équivalentes aux paiements effectués par le gouvernement palestinien aux familles des prisonniers palestiniens et des martyrs. Ces déductions ont totalisé 3,54 milliards de NIS – un peu moins d’un milliard de dollars – entre février 2019 et juillet 2024, soit 5 % du PIB palestinien de 2023.

Augmentation des retenues de revenus après octobre 2023

La situation s’est encore aggravée en octobre 2023, lorsqu’Israël a commencé à retenir 75 millions de dollars supplémentaires par mois, soit l’équivalent des salaires versés par l’Autorité palestinienne aux fonctionnaires de Gaza. Depuis lors, ces nouvelles retenues ont totalisé plus de 750 millions de dollars.

Par ailleurs, Israël a également refusé de transférer les revenus de la taxe de départ sur les points de passage du Jourdain, qui se sont accumulés au fil des ans et ont dépassé 238 millions de dollars.

En conséquence, le total des retenues s’élève à environ 1,23 milliard de dollars, soit près de la moitié des recettes de l’Autorité palestinienne.

La suspension des fonds a exacerbé la crise financière de l’Autorité palestinienne, entraînant des retards importants dans le versement des salaires des fonctionnaires. Lorsqu’ils sont finalement payés, les fonctionnaires ne reçoivent que 70 à 80 % de leur salaire, tandis que les 30 % restants s’accumulent sous forme d’arriérés.

La dette à long terme envers les banques locales est passée de 1,04 milliard de dollars en octobre 2023 à 1,59 milliard de dollars en juillet 2024, tandis que la dette envers les institutions locales est passée de 50,5 millions de dollars à 95 millions de dollars au cours de la même période.

La retenue par Israël de près de 2 milliards de dollars de fonds, la perte de revenus des travailleurs palestiniens en Israël et le renforcement des restrictions de circulation ont contribué collectivement à une augmentation substantielle du chômage, qui est passé de 12 à 32 %, ainsi qu’à une hausse des niveaux de pauvreté et d’insécurité alimentaire en Cisjordanie.

Cette situation a également entraîné une baisse de 25 % du PIB, ce qui donne une image peu reluisante de la santé financière de l’Autorité palestinienne.

Un nouvel objectif stratégique : l’éradication de l’AP

L’approche actuelle d’Israël, qui consiste à retenir ou à déduire des fonds de l’AP, s’écarte considérablement de sa précédente stratégie d’endiguement. Alors que des actions similaires ont été utilisées dans le passé pour punir l’AP ou faire pression sur elle, l’ampleur des retenues actuelles suggère un changement stratégique visant à saper l’AP elle-même.

Le ministre israélien des finances, Bezalel Smotrich, a explicitement déclaré cet objectif depuis des années, appelant à la fin de l’AP et à l’« unification » de la Cisjordanie et d’Israël.

Parallèlement à ces retenues de recettes, Israël a également interdit aux ouvriers palestiniens de travailler à l’intérieur des frontières de 1948, a approuvé le plus important accaparement de terres en Cisjordanie depuis 30 ans et a mené l’assaut militaire le plus important contre la Cisjordanie depuis deux décennies.

En conséquence, le régime israélien ne se préoccupe plus de maintenir le statu quo ou d’utiliser des incitations économiques pour contrôler la population. Au contraire, son objectif est clairement de démanteler l’AP et d’exercer un contrôle total sur la vie des Palestiniens, en ne laissant aucune place à une quelconque forme de gouvernance ou d’autonomie palestinienne.

Il en résulte un déclin marqué de l’activité économique palestinienne, une détérioration des conditions de vie et une augmentation de l’insécurité parmi les Palestiniens de Cisjordanie.

L’Autorité palestinienne pourrait être en mesure de supporter le niveau actuel des déductions israéliennes sur les recettes de dédouanement en augmentant les emprunts et en mobilisant le soutien international.

Cependant, une suspension complète du transfert des revenus du dédouanement et la rupture des relations bancaires entre les banques israéliennes et palestiniennes précipiteraient probablement l’effondrement de l’Autorité palestinienne.

Bien que les pressions exercées par les États-Unis et d’autres acteurs internationaux aient réussi jusqu’à présent à persuader Israël d’éviter ces mesures, l’effondrement potentiel de l’Autorité palestinienne est une dure réalité que l’on ne peut ignorer.

1er décembre 2024 – Al-Shabaka – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah

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